Non, monsieur Sarkozy, ce n’est pas le travail mais le capital qui coûte cher !

samedi 24 février 2007.
 

Sarkozy ne cesse de déclarer que le « coût du travail plus élevé en France que dans les autres pays européens » serait responsable du chômage.

On pourrait tout d’abord, s’étonner que Sarkozy considère le chômage comme un problème : les gouvernements auxquels ils participent - avec grand tapage - depuis presque cinq ans, n’ont cessé, en effet, de renforcer le chômage en allongeant la durée du travail, en faisant stagner les salaires, en ne remplaçant qu’au compte gouttes les fonctionnaires partant à la retraite, en allongeant la durée de cotisations pour pouvoir obtenir une retraite à taux plein...

Les mesures qu’il propose aujourd’hui vont toujours dans le même sens : rendre les heures supplémentaires moins onéreuses que l’embauche, ne pas remplacer « un fonctionnaire sur deux qui partirait en retraite »... Pour un homme de droite, partisan de l’ultra-libéralisme, c’est tout à fait compréhensible : rien ne vaut, en effet, la peur du chômage pour imposer silence sur les salaires ou les conditions de travail.

Mais surtout l’affirmation de Sarkozy est radicalement fausse.

Les salaires bruts français (salaires nets + cotisations sociales salariales et patronales) ne sont pas plus élevés que les salaires de la majorité des pays européens C’est ce qu’affirme elle-même la Fédération des employeurs européens (Fedee). Le salaire brut médian français (50 % des salariés français gagne plus, 50 % gagne moins) arrive en 14ème position (sur 25) des salaires européens, loin derrière le Danemark ou la Suisse mais aussi derrière l’Allemagne, les Pays-bas, l’Italie, le Royaume-uni, la Suède ou la Belgique.

C’est pourtant avec ces pays que la France a les ¾ de ses échanges.

La fiscalité des entreprises françaises n’est pas plus élevée que celle des principaux pays européens Selon la Droite et le Medef, le taux français de l’Impôt sur les Sociétés (33,3 %) est supérieur de 9 points à la moyenne européenne qui est de 24 %. Il faudrait le ramener à 20 % pour être compétitif !

Cela revient, au passage, à passer sous silence que la plupart des PME ne connaissent qu’un taux de 15 % Cela ramènerait, surtout, le taux français au niveau des taux polonais ou slovaque (19 %) accusés de « dumping fiscal ».

Mais surtout, le taux n’a aucune signification si on ne sait pas à quelle assiette, à quelle base d’imposition il s’applique.

Si l’on ramène le taux d’imposition de l’IS au bénéfice brut des entreprises (Excédent Brut d’Exploitation) : le taux effectif de prélèvement (7,2 %) situe la France au 15ème rang européen sur 25. Loin derrière les pays nordiques (11,3 % pour la Suède) mais aussi derrière le Royaume-Uni (10 %), les Pays-bas (9,1 %) et même l’Irlande (7,7 %).

Comme quoi les jérémiades du Medef et de la droite cachent une réalité scandaleusement favorable aux grandes entreprises françaises.

(les entreprises ont reçu en 2006, 65 milliards d’euros d’aides sous formes d’exonérations de cotisations sociales, ce qui est une baisse des salaires bruts) Si la droite abaissait l’IS comme elle le prévoit, le taux de prélèvement effectif de l’IS français serait ramené à 4,3 %. Cela mettrait la France au 23è rang européen, tout juste devant la Lituanie et l’Estonie.

Une guerre fiscale européenne

Les autres pays européens ne se contenteraient pas de lire le journal : ils abaisseraient eux aussi les impôts des entreprises. La France aurait déclenchée une guerre fiscale et tous les impôts sur les sociétés s’aligneraient ver le bas. Les entreprises françaises ne gagneraient donc strictement rien en termes de compétitivité. Par contre, les recettes fiscales de l’Etat français seraient amputées de 20 milliards d’euro annuels si le projet de la droite venait malheureusement à être appliqué. Cette baisse de 20 milliards donnerait à Sarkozy (si par malheur il l’emportait) et au Medef un nouveau prétexte pour attaquer les dépenses sociales et le service public, au nom d’un déficit qu’elle aurait elle-même accentué de 20 milliards d’euros chaque année.

Les salaires et les impôts ne sont pas les seuls coûts des entreprises : il y a aussi les coûts du capital ! Ce qui coûte de plus en plus cher aux entreprises et que Sarkozy et le Medef passent totalement sous silence, ce sont les dividendes versés aux actionnaires des grandes entreprises. Pour les PME, ce sont les frais bancaires et les délais de paiement de plus en plus longs imposés par les grandes entreprises donneuses d’ordre à leurs sous-traitants. Entre 1983 et aujourd’hui, la part des profits dans le partage des richesses créées chaque année par les entreprises est passée de 31 à 41 %, alors que celle des salaires diminuait de 69 % à 59 % de la richesse créée chaque année.

Ce qui représente une perte pour les salaires d’environ 150 milliards d’euros annuels : 15 fois le déficit de l’assurance-maladie !

La seule évolution des dividendes est faramineuse : + 218 % entre 1993 et 2005. Par comparaison, la masse des salaires distribuée n’a augmenté que de 135 % sur la même période.

Les entreprises et l’emploi sont de plus en plus « pénalisés non par le « coût du travail » mais par le poids exorbitant des « charges financières ». Les grandes entreprises donneuses d’ordre siphonnent les profits des PME sous-traitantes en baissant les prix, raccourcissant les délais de livraison et allongeant les délais de paiement.

La plus grande partie des profits des grandes entreprises n’est pas investie de façon productive mais placée de façon spéculative sur les marchés financiers, en premier lieu les marchés financiers des Etats-Unis. Ce qui contribue à renforcer la suprématie technologique et financière de l’économie américaine et les déséquilibres de l’économie mondiale.

Jean-Jacques Chavigné vendredi 23 février


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message