Dans une tribune publiée sur France Culture et Rue89, Xavier de la Porte suggère de municipaliser Internet. S’appuyant sur une suggestion venue des États-Unis il s’enflamme à l’idée des bienfaits que cela entrainerait : neutralité garantie du réseau, moins d’inégalités et tarifs accessibles à tous, retombées financière positive pour la ville, pour les habitants et pour ses entreprises.
Dans la même semaine, la Ville de Paris choisissait d’amplifier les connexions wifi jusque dans les parcs et jardins de la capitale en continuant à passer des marchés avec les grands opérateurs….
Monsieur de la Porte a raison. Il faut municipaliser Internet !
C’est la proposition que j’ai défendue pendant la campagne des municipale, ici, à Paris avec mes camarades des listes Front de Gauche, « A Paris, Place au Peuple ! ». Mais peut-être aurai-je du publier mon programme municipal aux États-Unis d’Amérique pour avoir une chance de le voir repris à Paris ?
Mais ne faisons pas la fine bouche. Que le sujet arrive enfin sur la place publique est une excellente nouvelle. Il ne s’agit pas seulement pour nous de lutter contre les atteintes portées à la neutralité du net ou à la sécurité des réseaux, sujets certes centraux, mais de défendre un modèle de société à l’ère numérique.
Oui, le contexte est favorable à une prise en main publique d’Internet et des réseaux. Internet est aujourd’hui au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens, de leurs initiatives individuelles et collectives, de la production et de la circulation de l’information. Il ne peut rester livré aux intérêts de quelques industriels, aux abus commerciaux et technologiques, aux scandales de tous ordres et qui plus est contre notre santé environnementale.
Envisager la fourniture municipale à Internet, c’est avant tout parler de solidarité, de sens du service public et d’intérêt général, de réfléchir à l’organisation nécessaire à la transparence démocratique, de favoriser l’émergence de contenus aux contributions multiples et pluralistes, c’est redonner une chance à la redistribution économique et à l’émancipation éducative et culturelle.
C’est aussi un engagement écologique et sanitaire indispensable pour sauvegarder notre écosystème humain. Alors qu’on voudrait nous faire croire que la modernité réside dans le wifi partout et tout le temps, prenons enfin conscience des dangers de santé environnementale. Toutes les radiofréquences, dont les fréquences Wifi, sont classées en catégorie 2B « cancérigènes possible » par l’Organisation Mondiale de la Santé elle-même depuis fin mai 2011. Le principe de précaution doit nous dicter que l’avenir se doit être au filaire.
Dans sa tribune, Xavier de la Porte s’inquiète que sa proposition ne soit pas dans le sens de l’histoire. Nous sommes convaincus du contraire. Face à la société numérique sans limite, à ses besoins énergétiques énormes, ses matériaux hautement polluant, ses ondes envahissantes, ce n’est ni la main invisible du marché, ni les mastodontes de l’industrie numérique aux mains d’une oligarchie qui préserveront l’intérêt général pour les générations à venir.
Ecosocialistes convaincus, nous opposons une organisation raisonnable pour l’avenir et la protection des nôtres. Nous défendons l’engagement du respect des normes de santé publique, la limitation des ondes électromagnétiques, la création de zones blanches autour des crèches, des écoles, des hôpitaux, et privilégions un réseau essentiellement filaire, le recyclage systématique du matériel à travers la mise en place d’une infrastructure de récupération et de réparation efficace.
Une régie publique d’accès à Internet à Paris ? Oui, osons !
Nous avons su le faire pour le service de l’eau, nous saurons trouver le chemin pour lutter contre la fracture numérique et pour sortir de l’impasse de la concentration étouffante à l’œuvre plus qu’ailleurs dans le numérique. Cette régie publique sera sous l’autorité des pouvoirs publics et d’instances participatives mêlant citoyen-ne-s, associations et technicien-ne-s. Là encore, face à l’obscurantisme, nous serons à la mesure de l’histoire.
Elle n’aura pas pour objet de rivaliser avec les propositions commerciales existant aujourd’hui dans le privé. Elle innovera en matière de tarifs, d’offre de services, de culture numérique et d’expérience sociale, démocratique et républicaine. Neutralité du réseau, logiciels libres, règles déontologiques et expulsion de la publicité invasive, les outils numériques défendus et utilisés seront tous respectueux de la vie privée et des données déposées par les utilisateurs. Outil de citoyenneté, de démocratisation culturelle et contributeur éducatif majeur, tout sera fait pour favoriser l’implication du plus grand nombre.
Des interlocuteurs pour l’installation seront clairement identifiés et accessibles. Des tarifs ciblés sociaux seront possibles auprès de publics choisis par exemple selon le quotient familial. La gratuité pourra aussi être de mise, auprès de structures passerelles accompagnatrices d’utilisateurs : structures de jeunesse, centres d’animations, centres sociaux, culturels, maisons de l’emploi, espaces publics numériques, établissements d’accueil de personnes handicapées, de personnes âgées…
Faire de Paris la capitale du numérique public, via un Internet municipal, voilà un horizon enthousiasmant. Oui, monsieur de la Porte, c’est affaire de volonté politique. Celle qui exige de s’opposer aux lobbies des grands opérateurs pour commencer et non de leur livrer la Capitale marchés après marchés. Mais si des américains l’ont fait, Paris peut le faire aussi !
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