Economie : L’Etat peut quelque chose

samedi 28 juin 2014.
 

Dans le détail, il y aurait beaucoup de choses à reprocher au montage gouvernemental. Comme les concessions faites à Bouygues sur le prix de vente, le versement d’un dividende exceptionnel aux actionnaires d’Alstom ou encore les zigs et les zags d’un pouvoir qui inventa l’idée que la revente à Siemens serait une solution patriotique. Mais retenons plutôt la leçon positive de l’épisode Alstom. La démonstration concrète vient d’être apportée que c’est une bonne chose quand l’Etat se mêle d’économie. Car si l’affaire n’était pas devenue politique, la vente se serait arrangée à quelques-uns, qui plus est sous la houlette d’un PDG accusé de corruption par l’administration états-unienne qui le tenait donc à sa merci. L’intérêt des actionnaires aurait peut-être été défendu, pas celui du pays. Il fallut que l’Etat s’invite dans la discussion, à la faveur de l’émotion nationale créée par l’annonce de la revente d’Alstom, pour que l’on parle sérieusement emploi ou localisation des activités. Cela signa la mort du projet suscité par Hollande de revente à Siemens car celui-ci était trop clairement destructeur socialement. Et cerise sur le gâteau, le rôle de l’Etat se voit puissamment confirmé avec son retour dans le capital d’Alstom !

En fait, soyons précis, c’est Mitsubishi, associé à Siemens dans le projet concurrent de General Electric, qui en formula initialement la demande. Oui vous avez bien lu. C’est une entreprise privée qui réclama instamment la présence de la puissance publique au capital des sociétés où elle se préparait à investir. Garant du temps long, maitre des commandes publiques, il faut donc croire que l’Etat est un actionnaire de choix. Quel beau pied de nez à tous les néolibéraux qui prétendaient le contraire et s’offusquaient bruyamment de notre proposition de nationaliser Alstom !

Bien sûr au-delà de ses qualités capitalistiques, il faudrait que l’Etat soit le garant de l’intérêt général. Il n’y a rien d’automatique en la matière. Pour l’heure, l’actionnaire public manque grandement d’une vision stratégique de planification écologique qui mettrait en cohérence l’action des ministres Royal et Montebourg, donnerait à Alstom la visibilité qui lui manque, mobiliserait pour développer les énergies nouvelles des investissements bien plus importants que celui qui est prévu en l’espèce dans Alstom.

Mais restons-en à l’aspect positif de l’issue provisoire de ce dossier. Car la participation de l’Etat au capital a une vertu qui s’avère à l’heure du bilan tout à fait décisive. Elle maintient des leviers pour l’avenir. Pour l’heure ceux-ci sont largement sous ou mal utilisés. Mais entre des mains nouvelles, ils seront autant de points d’appui pour mobiliser le savoir-faire technique si avancé des salariés d’Alstom au service du pays tout entier et pas seulement au bénéfice d’une poignée d’actionnaires. La disparition de l’Etat a souvent un caractère difficilement réversible : cela prend du temps de reconstruire les instruments bradés, de retrouver les qualifications et les équipes. L’Etat ne peut pas tout, tout de suite. Raison de plus pour préserver ses moyens d’action et même les renforcer dès que l’occasion s’en présente.

François Delapierre

Secrétaire national du Parti de Gauche


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