Délocalisations : ronde ignoble vers les salariés les moins payés

mardi 20 mai 2014.
 

Il y a un peu plus d’un an, le 24 avril 2013, à Dacca capitale du Bangladesh, le Rana Plaza s’effondrait, ensevelissant sous ses décombres 1124 travailleurs du textile. Le grand public découvrait à cette occasion les conditions sauvages de la production délocalisée. Les grandes marques n’ont pas traîné à en tirer les leçons. Redoublant la punition, elles auraient retiré à ce pays près de 15% de leurs commandes en raison de l’image négative suscitée par cette très évitable catastrophe pour les transférer sous d’autres cieux.

Un des « gagnants » tout provisoire du déménagement est le Cambodge, atelier du monde le plus convoité juste après la Chine et l’Inde. Il compte 500 usines de confection représentant une production qui représente 80% des exportations. C’est un secteur compétitif ! 650 000 Khmers y travaillent parmi lesquels une population jeune et féminine à 90%. Dans un pays à l’inflation galopante, les 80 $ mensuels (60 €) qui leur sont alloués autorisent juste la survie. Aussi, les salariés apprenant vite de leurs conditions de vie et de travail (dortoirs infects et sans hygiène, cadences intenables et horaires de travail dépendant de la réalisation des objectifs) se sont-ils organisés depuis la fin de l’année dernière pour obtenir le doublement du salaire minimum, soit 160 $. A l’issue de plus de trois mois de mouvement de grève, le gouvernement de Hun Sen qui ne leur a concédé que 100 $ a fait tirer sur la foule le 3 janvier dernier, tuant 4 personnes, en blessant 39 autres. 23 manifestants désignés comme leaders ont également été arrêtés. Battus, emprisonnés, ils encourent une peine de 5 ans et 2500 $ d’amende. Leur procès se déroule actuellement avec pour l’essentiel des témoins à charge choisis dans la police militaire et pour plus de précautions parmi les hauts gradés. Cette répression voulue exemplaire ajoutée à une interdiction de manifester, toujours en vigueur de fait, n’a toutefois pas empêché une nouvelle grève de 20 000 ouvrières du textile le 28 avril dernier. Elles exigeaient le paiement d’une prime de 50$, promesse non tenue, en échange de leur non-participation aux grèves précédentes. Manifestement, elles ne se laisseront plus avoir ainsi.

Selon les estimations, la part de salaire entrant dans la fabrication d’un tee-shirt vendu en Occident s’échelonnerait entre 0,2 et 0,6% de son prix. Toutes les grandes marques participent à cette pression intense sur « le coût du travail ». Elles sont éternellement à la recherche de contrées toujours plus low cost. La Chine par exemple coûterait désormais entre 400 et 500 dollars par salarié. 40 000 grévistes chinois travaillant dans la chaussure de sport se sont heurtés à la police le 17 avril dernier à Dongguan en revendiquant une meilleure couverture sociale et la hausse de leur salaire. Aussi les entrepreneurs lorgnent-ils désormais vers la Birmanie et l’Ethiopie et ses salaires à 50 $. De grosses entreprises de textile chinoises et turques se sont déjà délocalisées en ex-Abyssinie, anticipant, tout compte fait, de beaux profits malgré « l’absentéisme des locaux ». On les comprend.


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