6 février 2014 L’affaire des faux-tracts de Marine Le Pen devant la justice

vendredi 7 février 2014.
 

Au tribunal de Béthune (Pas-de-Calais) ce jeudi, se tiendra l’audience quant à l’affaire des « faux tracts » attribués par le Front national à Jean-Luc Mélenchon, candidat Front de gauche aux législatives de 2012. Après plusieurs renvois, le jugement devrait enfin être rendu. Raquel Garrido, secrétaire nationale et avocate du Parti de gauche, rappelle les faits.

D’où part toute cette affaire ?

Raquel Garrido. Les faits, extrêmement graves, se sont déroulés en 2012 durant la campagne des législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Le 29 mai, un certain nombre de militants Front de gauche interceptent une diffusion de tracts faite par le Front national. A la surprise générale, ils sont anonymes mais se font passer pour des tracts de Jean- Mélenchon, dans un format et avec un style qui, clairement, changent de la nature de ce que fait généralement le Front de gauche. En faisant peur sur le thème de la question de l’immigration, maghrébine en particulier, les tracts cherchent à hystériser, à créer de l’angoisse et de la confusion parmi les électeurs. Et ça a marché.

Qu’est ce qui va se jouer ce 6 février ?

Raquel Garrido. Enfin, il va y avoir un débat judiciaire pour savoir si la diffusion de ces tracts est légale ou pas. Le problème n’est pas tant d’identifier les auteurs –des photos ont été prises sur le champ par les militants du Front de gauche de sorte que l’on a reconnu Louis-Armand de Béjarry, tête de liste à Maubeuge, et un militant FN connu à Hénin-Beaumont. De plus, le 30 mai et le 2 juin, Marine Le Pen a reconnu à la télévision être elle-même le commanditaire de ce montage, dans des termes on ne peut plus clairs. Ce montage est illégal puisqu’il contrevient à un certain nombre de dispositions pénales, en particulier l’article 226 du Code pénal qui interdit de faire des montages avec l’image ou les paroles d’une personne sans son consentement. Et l’article L.97 du Code électoral, qui remonte à 1849, et qui empêche ce type de pratiques en période électorale.

Vous appelez à une « vraie sanction » pour Marine Le Pen. Qu’entendez-vous par là ?

Raquel Garrido. Il est important que Marine Le Pen soit sanctionnée mais je crains qu’elle le soit seulement par une peine pécuniaire. Ce serait dommage car je crois que le Front national est vraiment prêt à tout. Ils ont été pris sur une seule diffusion mais c’est monnaie courante chez le FN et ce, dans toute la France. C’est très rare de pouvoir retrouver les auteurs et de les punir. Si la sanction s’avère pécuniaire comme je le crains, ils recommenceront dans le sens où ils budgéteront ces amendes pour poursuivre leur pratique. Pour eux, c’est légal. Ils ne sont même pas dans une logique d’amende honorable comme le ferait n’importe quel prévenu devant un tribunal Correctionnel. Marine Le Pen, non seulement ne vient pas aux audiences, mais a déposé une question prioritaire de constitutionnalité pour contester l’article L.97. Heureusement, elle a été rejetée. Mais elle continue : elle a déposé une requête en suspicion en voulant faire croire que le tribunal était partial. Deuxième rejet. Il faut comprendre que ce n’est pas une bataille entre deux personnalités politiques mais une série de manœuvres qui sont autant d’affronts à la justice et à la République elle-même. J’en appelle, comme le prévoit le code pénal à une peine d’inéligibilité pour Marine Le Pen. Ce serait à la hauteur du pays mais aussi de l’attitude générale de défiance du FN vis-à-vis de nos valeurs républicaines.

Ne craigniez-vous pas un énième subterfuges de la part du FN pour rallonger la procédure ?

Raquel Garrido. Je ne crois pas que le Front national puisse encore en trouver. Il a épuisé les fonds de tiroirs. Il aura vraiment tout fait de la façon la plus absurde et incompétente qui soit. Il faudra tout de même être prêts demain à combattre toute tentative à vouloir contester la légitimité de la justice à juger ces faits avant les élections. Et c’est là le point important. Il est urgent que le tribunal tranche avant les municipales et européennes car chaque citoyen a besoin de savoir si c’est légal ou pas de distribuer ce genre de tracts. C’est indispensable à clarifier. Et s’il s’avère que c’est illégal, il faut le dire pour que la campagne électorale puisse se faire sereinement.

Entretien pour le quotidien L’Humanité


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