« Marquer le coup sur un sujet décisif pour l’avenir de l’autre gauche : sa stratégie »

mercredi 15 janvier 2014.
 

Éric Coquerel, secrétaire national aux relations unitaires du Parti de gauche, évoque les tensions avec le PCF au sein du Parti de la gauche européenne et la stratégie de lutte contre une social-démocratie devenue le « pilier du néolibéralisme ».

Regards.fr. Lors du récent Congrès de Parti de la gauche européenne, le Parti de gauche (PG) a décidé de « suspendre » sa participation à cette instance internationale. Pourquoi cette décision ?

Éric Coquerel. Nous avons abordé ce congrès avec l’ambition d’influer sur trois axes : la rupture plus claire avec l’UE, l’écosocialisme et la confrontation assumée avec la social-démocratie. Nous avons bien avancé sur les deux premiers, tant dans la résolution finale que par l’adoption de la motion sur l’écosocialisme. L’élection d’Alexis Tsipras comme candidat à la présidence de la Commission européenne face à Martin Schultz marque aussi, évidemment, une volonté d’affronter le libéralisme de droite comme de gauche. Il restait la question de la présidence. Nous avions prévenu que la candidature de Pierre Laurent posait problème en raison justement de sa décision, pour les municipales, de mettre sur le même plan listes autonomes et alliance avec le PS. Il ne s’agit en rien d’un problème de personne. Nous avons proposé un compromis : une coprésidence paritaire qui aurait permis d’élire à côté de Pierre une responsable assumant nettement la confrontation avec la social-démocratie. La présentation de cet amendement nous a été refusée. En conséquence, notre délégation a choisi cette suspension jusqu’aux municipales. Cette mesure est provisoire et symbolique. Elle a pour objet de marquer le coup sur un sujet qui est en revanche décisif pour l’avenir de l’autre gauche : sa stratégie.

L’inflexion actuelle du pouvoir socialiste pose des problèmes redoutables à la gauche. Comment voyez-vous les lignes stratégiques qui en découlent pour la gauche de gauche ?

La sociale-démocratie européenne achève sa mue. Pour la première fois, un gouvernement "de gauche" en France défend la politique de l’offre, comme la droite ; le SPD choisit de soutenir Merkel et la droite plutôt que de tenter de rassembler la majorité de gauche et écologiste que lui offrait mathématiquement la composition du Bundestag. La social-démocratie est devenue l’un des piliers du néolibéralisme. Dès lors, si l’on veut que la solution vienne de la gauche, nous n’avons pas d’autre chemin que de lui contester la suprématie à gauche. C’est le seul moyen pour espérer impulser une majorité alternative. Tout autre choix, compte tenu du rapport de force actuel à gauche, nous assimilera à sa dérive libérale et, en France, ouvrira la voie au retour de la droite au pouvoir – voire l’arrivée de l’extrême droite.

L’année 2014 sera marquée par deux élections importantes, les municipales et les européennes. Sur les premières, des désaccords sensibles se sont exprimés entre le PCF et plusieurs des autres composantes du Front de gauche, dont le PG. En durcissant les termes du conflit, ne craignez-vous pas d’affecter la dynamique globale qui avait marqué les élections de 2012 ?

Je n’espère pas. Mais n’inversons pas la causalité. Le problème : pour la première fois depuis sa création, les partis du FdG abordent une élection nationale sans stratégie commune. Depuis 2009, parfois avec un vocabulaire différent, nous avons toujours été capables de proposer une ligne nationale : l’autonomie au premier tour vis-à-vis du PS, afin que les électeurs puissent choisir entre les lignes qui fracturent la gauche. Cette fois, le PCF, par la voix de son secrétaire général – raison pour laquelle nous l’interpellons nommément – assume une stratégie à géométrie variable : une fois avec ses partenaires du FdG, une fois derrière les socialistes. Et ce dans le premier scrutin suivant l’élection de François Hollande, ce qui le "nationalise" évidemment. D’ailleurs, tant dans le texte stratégique du FdG de janvier 2013 que dans le discours final de Pierre au PGE, les élections municipales et européennes sont reliées. Si l’on suivait cette stratégie, et quoi qu’en pensent les intéressés, le FdG serait ramené dans l’orbite du PS. Un cousin critique, bien sûr, mais un cousin quand même. Et s’il fallait se convaincre de l’utilisation que le PS va faire de ces alliances, il suffit d’écouter Luc Carvounas déclarant après le ralliement du PC à sa liste à Alfortville : « Que les communistes acceptent de soutenir le maire sortant, un proche de Manuel Valls, c’est un symbole ». Tout est dit.

Comment, dans ce contexte et dans la perspective des prochaines échéances électorales, concevoir la vocation du Front de gauche ?


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