Un résumé contre le plan retraite d’Ayrault

vendredi 13 septembre 2013.
 

La réforme Fillon de 2003 ne prévoyait "que" 41,5 années de cotisation. C’était déjà beaucoup trop. Mais Hollande fait pire. Le plan Ayrault comprend un nouvel allongement de la durée de cotisation à 43 ans. Cela revient à rendre plus difficile l’accès à la retraite. Tous les salariés de moins de 55 ans seront frappés par l’allongement progressif de la durée de cotisation décidé par Hollande. Ils devront travailler plus longtemps avant de pouvoir partir avec une retraite complète. Et les jeunes seront les premières victimes : les salariés qui ont actuellement moins de 40 ans devront cotiser 43 ans ! La "jeunesse" était pourtant censée être la priorité du candidat Hollande.

De la part d’un gouvernement qui se dit de gauche, c’est une agression sans précédent contre les droits sociaux. L’allongement de la durée de cotisation va faire baisser les pensions car de plus en plus de salariés n’auront pas toutes leurs années de cotisation. Ils partiront donc avec une retraite incomplète. Et ils subiront la décote, cette pénalité inique qui veut qu’un salarié avec une carrière incomplète voit sa pension amputée plus que proportionnellement aux années de cotisations qui lui manquent.

Pour ceux qui voudront partir avec une retraite complète, il faudra partir plus tard. Pour la première fois, les héritiers de Léon Blum rallongent le temps de travail dans la vie. Car le maintien de l’âge légal est totalement hypocrite. L’âge moyen du premier emploi des jeunes est aujourd’hui de 24 ans. Avec 43 ans de cotisation cela veut dire qu’ils devront travailler jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite complète. C’est bien au-delà des 60 ans qui est la revendication historique de la gauche. C’est même au-delà des 62 ans décidés par Sarkozy et derrière lesquels s’abrite Ayrault. D’autant que les jeunes diplômés s’insèrent durablement dans l’emploi bien plus tard, autour de 27 ans en moyenne. Eux partiront à 7O ans. On trouve mieux comme incitation à faire des études !

Le mot d’ordre du collectif unitaire relancé par Attac et la fondation Copernic est clair : "pas un euro de moins, pas un trimestre de plus". François Hollande fait tout l’inverse. Avec lui, ce sera travailler plus et gagner moins. Car dans le même temps, Ayrault a décidé de faire baisser les salaires de tous les salariés du pays. Il a en effet décidé d’une hausse des cotisations sociales payées par les salariés. Elles augmenteront de 0,3 points d’ici 2017 (0,15 point en 2014, 0,05 par an les trois années suivantes). Cette hausse des cotisations salariales va ponctionner un milliard d’euros dès 2014 sur les salariés. Elle se verra sur les fiches de paye dès l’an prochain par une baisse du salaire net, sauf si les salariés parviennent à arracher une augmentation du salaire brut à leur patron. Le gouvernement dit que ce sont de petites sommes. Mais ces quelques euros pris à chacun vont s’ajouter à la hausse de la TVA déjà prévue au 1er janvier 2014 et la future "taxe carbone". Au total, le choc contre le pouvoir d’achat sera violent. Il entrainera une baisse de la consommation populaire qui entrainera un recul d’activité économique, et donc des destructions d’emplois et une hausse du chômage.

Seul le MEDEF sort gagnant. Officiellement, Ayrault a annoncé que les cotisations sociales payées par les employeurs augmenteront comme celles des salariés. Mais il a déjà annoncé "qu’il n’y aura pas de hausses du coût du travail en 2014" car "le gouvernement engagera une réforme qui permettra que le financement de la protection sociale pèse moins sur le coût du travail". Dit autrement, le gouvernement va redonner d’une main aux actionnaires le peu qu’il va leur prendre de l’autre. Les salariés seront donc les seuls à payer au final. Le ministre du chômage Michel Sapin l’a confirmé le 28 août sur RTL : "il y aura un transfert progressif d’une partie du financement de la famille et de la maladie vers d’autres modes de financement". Ce sera un nouveau cadeau au patronat après les 20 milliards d’euros déjà accordés sans contrepartie en 2012. Michel Sapin a annoncé des précisions pour mi-septembre.

Le plus probable est que la CSG sera augmentée pour compenser ce cadeau fait au MEDEF et aux actionnaires. Ayrault a seulement repoussé l’annonce à plus tard, pour éviter que le peuple ne se mobilise trop le 10 septembre. Car la CSG frappe durement le peuple. Une hausse d’un point de la CSG ponctionne environ 10 milliards d’euros dans la poche des petites gens, salariés et retraités. La hausse de la CSG est l’enfant caché de la réforme des retraites. Elle reviendra par la fenêtre sitôt les manifestations passées.

Les retraités actuels payeront aussi. Le gouvernement a prévu de leur prendre 1,8 milliards dès l’an prochain. Désormais, les pensions ne seront plus revalorisées au 1er avril mais au 1er octobre. Cela peut paraître une mesure technique de calendrier. Mais dans les faits, cela signifie que l’inflation frappera tous les retraités neuf mois sur douze. Seules les pensions des derniers mois de l’année tiendront compte de l’inflation. C’est François Fillon qui avait décalé la revalorisation du 1er janvier au 1er avril. Ayrault avait confirmé cette décision. Là encore, il l’aggrave ! Les retraités parents de trois enfants seront aussi mis à contribution, puisque la majoration de 10% des pensions dont ils bénéficient sera désormais soumise à l’impôt sur le revenu. Le peigne est fin, ses dents serrées !

Pour enrober ce paquet empoisonné, le gouvernement a essayé de sortir un petit bout de papier cadeau. Il a annoncé quelques mesures pour les femmes ou les salariés à temps partiel. Mais n’attendez aucun miracle. C’est de la poudre aux yeux. Au mieux, ces mesures limitées éviteront à ces salariés de subir de plein fouet les régressions Fillon-Ayrault. D’ailleurs, le flou subsiste sur certains points. Le gouvernement a annoncé qu’il voulait favoriser les retraites des mères de famille. Pour cela, il a commencé par annoncer la suppression à partir de 2020 du système actuel de majoration de 10% des pensions pour les pères et mères de trois enfants. Ce système serait remplacé par un forfait par mois pour chaque enfant, dès le premier enfant. Cela pénalisera les retraités avec une pension élevée et les pères de famille. Mais n’avantagera pas forcément les mères de plus de trois enfants. Les femmes qui ont eu un ou deux enfants sont censées y gagner un petit quelque chose. Mais on ne sait pas quoi ! Jean-Marc Ayrault n’a pas précisé le montant du forfait qui remplacera la majoration ! La régression est actée mais l’amélioration hypothétique. Mesdames, après l’aumône d’un jour fait aux smicards en juillet 2012, ne comptez que sur quelques dragées des solfériniens en souvenir de la naissance de vos enfants !

Ce n’est pas un procès d’intention. C’est écrit noir sur blanc dans le dossier de presse du gouvernement diffusé le 27 août. A la page 8, on y trouve un "tableau de financement". Au chapitre des "mesures de justice" pour les "jeunes, femmes, carrières heurtées et petites pensions" le gouvernement a prévu de dépenser 0,0 milliards d’euros d’ici 2020 ! Vous avez bien lu. Il n’y a pas le moindre argent prévu pour la "justice" des systèmes de retraites. C’est donc une arnaque totale. Par contre, le gouvernement a chiffré qu’il prélèvera sur le peuple 7,3 milliards d’euros par an en 2020 ! Ce chiffre tient compte du temps passé en plus au travail, des cotisations prélevées sur les salariés, des impôts prélevés sur les retraités et des taxes qui seront payées par le peuple pour compenser le nouveau cadeau fait au patronat.

Cette réforme n’est pas juste. Il en va ainsi du dispositif censé prendre en compte la "pénibilité" des métiers. Ayrault a annoncé la création d’un "compte-temps" où les salariés exposés à des métiers pénibles cumuleraient des points qu’ils pourraient échanger contre des formations, des aménagements de fin de carrière ou un départ anticipé en retraite. Ce système serait financé par une cotisation spéciale des employeurs. Depuis, le président du MEDEF Pierre Gattaz a précisé que cette cotisation serait elle aussi compensée par la baisse des cotisations maladie et famille des entreprises. Le peuple payera donc à la place des patrons et des actionnaires ! Et au passage le système des « points » entre dans le système de calcul des retraites….

Ce dispositif "pénibilité" est un gros bobard. Chaque salarié exposé à un métier pénible cumulerait un point par trimestre travaillé, éventuellement deux pour les plus exposés. Les 20 premiers points seront uniquement transformables en formation. Au-delà des 20 premiers points, il faudrait dix points pour obtenir un trimestre de "bonus". Cela représenterait deux ans et demi de travail "pénible". Au maximum, un salarié pourrait cumuler 100 points et donc gagner au mieux deux ans de "bonus".

Ce système est extrêmement limité. Il faudrait avoir travaillé au moins 15 ans sur un métier pénible pour pouvoir bénéficier d’un an de cotisation "bonus". Et il faudrait avoir travaillé 25 ans sur un métier pénible pour gagner le maximum deux ans de cotisation "bonus". Au-delà de 25 ans de métier pénible, les salariés n’en tireront aucun avantage ! Avec ce système, Ayrault invente le "progrès social à durée déterminée" : en 2035, ce dispositif permettrait au mieux de partir avec 41 ans de cotisation. Soit la situation qui existait jusqu’à l’an dernier !

Surtout, c’est un mécanisme dangereux. D’abord, il ne dispense absolument pas ces salariés de l’âge légal de départ à la retraite. Les salariés ayant un métier pénible ne pourront pas partir en retraite avant 62 ans, sauf s’ils ont commencé à travailler très jeune. Ensuite, ce dispositif intègre le système de retraite par point dans le régime général actuel alors qu’il n’existait jusqu’ici que dans les régimes complémentaires. C’est un système qui individualise les droits au détriment des protections collectives. La CGT, par exemple, revendique le droit au départ anticipé en retraite à 55 ans pour les salariés exerçant des métiers pénibles.

Cette réforme Hollande-Ayrault est inacceptable, cela va de soi. Elle vise à faire travailler plus les salariés et gagner moins les salariés et retraités. L’allongement de la durée de cotisation est un recul social gravissime. La bataille ne fait que commencer. Le gouvernement ne présentera son projet de loi en conseil des ministres que le 18 septembre. Et le Parlement ne se prononcera pas avant le mois d’octobre. Pour l’instant il faut reconnaitre que le travail d’enfumage et d’embrouille de l’équipe Solférinienne et de ses griots dans les médias a été efficace : beaucoup de gens n’y comprennent rien. Mais tous sentent bien que c’est une arnaque. L’appel à manifester est déjà amplement soutenu. Mais se concrétisera-t-il ? Le mensonge et l’embrouille restent des armes de résignation massive assez efficaces. Hollande et Ayrault en usent sans modération. Au plan international et au plan national.


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