La France doit promouvoir une solution politique en Syrie

vendredi 13 septembre 2013.
 

Par Christophe Ventura, responsable des questions internationales du Parti de gauche ( septembre 2013)

Nous vivons des heures cruciales pour l’avenir de la Syrie, mais également pour la stabilité régionale et internationale.

Près de deux ans et demi après que le régime criminel de Bachar Al-Assad ait réprimé dans le sang les espoirs portés par le soulèvement populaire de 2011, ce pays, désormais menacé de partition, est plongé dans une guerre civile qui a déjà causé la mort de 100 à 150 000 personnes, ainsi que deux millions de déplacés.

Le peuple syrien est prisonnier d’une lutte militaire sans issue prévisible qui oppose les autorités de Damas aux milices armées d’une « rébellion » hétéroclite, idéologiquement et politiquement divisée. Celle-ci, animée par la vengeance, n’hésite pas, elle non plus, à pratiquer la torture et à commettre des crimes de guerre contre plusieurs secteurs de la population. En son sein, les éléments djihadistes les plus obscurantistes ont pris l’ascendant, alors même que la « rébellion » est appuyée et financée par les dictatures pétromonarchiques du Golfe sous l’oeil des Etats-Unis et de leurs supplétifs occidentaux, au premier rang desquels François Hollande et son gouvernement « socialiste ».

Désormais, après les accusations d’utilisation d’armes chimiques formulées contre Bachar Al-Assad- qui constituerait un crime contre l’humanité -, les puissances étrangères qui soutiennent la Coalition nationale syrienne (CNS) (les Etats- Unis et la France notamment) menacent, malgré quelques temporisations récentes de Washington, de « punir » Damas d’une forme d’intervention militaire.

Et ce, faut-il le rappeler, alors qu’aucune preuve incontestable n’a été apportée, à l’heure actuelle, par aucune instance internationale neutre déterminant l’origine et l’identité des auteurs du bombardement chimique à Damas.

Au-delà, comment croire qu’une nouvelle aventure guerrière sous commandement étatsunien pourrait résoudre quoi que ce soit ? Depuis dix ans, ce type de stratégie politique et militaire promue par les faucons de Washington, nourris par les théories morbides du « choc des civilisations », a révélé, partout, son ruineux échec.

En réalité, dans le cas syrien, une intervention occidentale n’aurait pour effet que d’aboutir à entériner la partition du pays. S’en suivrait une période chaotique ou, à l’instar de ce qu’on a vu en Afghanistan avant l’arrivée des talibans, ou actuellement en Irak, voire en Libye, des milices armées feraient la loi dans leurs sphères d’influence. Ce serait, par ailleurs, une victoire des tenants d’une vision ethnoconfessionnelle des appartenances politiques qui, d’où qu’ils viennent, entendent remodeler le Proche-Orient et y dynamiter les Etats-Nations existants.

Le pire serait le scenario de l’embrasement régional (Iran, Israël, Liban) auquel nul n’a intérêt.

Nous partageons avec les forces de l’opposition de la gauche laïque et nationaliste syrienne - boycottée par les Occidentaux -, notamment la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) et le Forum démocratique syrien (FDS), la ferme conviction que toute forme d’ingérence étrangère et le déchaînement du délire guerrier des Etats-Unis et de leurs alliés en Syrie constitueraient la pire des solutions pour mettre un terme au conflit.

Face à la perspective d’une escalade guerrière, nous exigeons, avec l’opposition progressiste syrienne, la mise en place d’une solution politique qui préserve l’intégrité territoriale du pays et la pleine souveraineté politique du peuple.

Une telle solution est possible. Elle doit voir le jour dans le cadre de la seule institution internationale légitime, l’ONU, et des accords de Genève 2 qui prévoyaient un cessez-le-feu et une transition politique négociée visant à remettre le destin de la Syrie entre les mains de son peuple, via des élections libres et transparentes.

Alors que le G 20 - instance qui ne saurait se substituer à l’ONU pour régler cette crise internationale - s’ouvre à Saint- Pétersbourg (5 et 6 septembre), Barack Obama est en difficulté. Bousculé par la décision du Parlement anglais de ne pas autoriser David Cameron à engager son pays dans une nouvelle aventure guerrière, et parce qu’il ne souhaite pas prendre une décision impopulaire qui permettrait aux Républicains de le critiquer sans que ces derniers aient eu à assumer une part de responsabilité politique, le président américain a choisi de consulter le Congrès, qui fera sa rentrée le 9 septembre, avant de prendre sa décision finale sur une intervention militaire en Syrie.

Celle-ci interviendrait désormais dans quelques jours. François Hollande serait bien avisé de mettre à profit ce répit fragile pour sortir la France de son suivisme atlantiste qui outrage la tradition politique et diplomatique de notre pays. Il le peut encore. Bien sûr, nous constatons qu’il n’en montre pas la moindre volonté pour le moment. Le président de la République a refusé d’organiser un débat suivi d’un vote au Parlement comme il aurait pu – et dû – le faire. Ce faisant, il est le seul chef d’Etat ayant décidé, le cas échéant, d’engager de cette manière son pays dans la guerre. Triste singularité qui inscrit l’action de François Hollande dans une funeste continuité avec celle de Nicolas Sarkozy « l’Américain ».

Nous délivrons ce message au président de la République et à son gouvernement : le rôle de notre pays n’est pas d’être servilement inféodé à l’Otan et à Washington, mais de recouvrer son indépendance d’analyse et d’action. La France doit rejeter les logiques guerrières fondées sur les rapports de forces et sur le droit du plus fort, promues par les puissances de la famille dite « occidentale » à laquelle elle n’appartient pas, et oeuvrer à une solution universaliste basée sur le renforcement et le développement du droit international.


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