La réforme anti retraites que le gouvernement veut faire voter n’est, hélas, ni « juste » ni « équilibrée » (Gérard Filoche)

vendredi 6 septembre 2013.
 

La gauche doit s’opposer au Medef, pas le « cajoler » !

La réforme des retraites du gouvernement aurait, sans doute, pu être pire. Jean-Marc Ayrault l’a à plusieurs reprises souligné, il n’a pas reculé l’âge de départ en retraite au-delà de 62 ans et n’a pas accéléré l’allongement du nombre de trimestres en 2013 et 2019. Encore heureux ! Le gouvernement ne peut pas ignorer la mobilisation syndicale en construction et le mécontentement des militants du PS qui s’est, notamment, vérifié par le succès rencontré par l’appel des socialistes pour les retraites « Pas un trimestre de plus, pas un euro de moins ».

Pour autant, la réforme que le gouvernement veut faire voter par la majorité de gauche au Parlement n’a, cependant, hélas, rien de « juste » ou d’ « équilibrée ».

Le patronat n’aura pas à verser un euro de plus. Jean-Marc Ayrault l’avait déjà annoncé au Medef le 27 août et Pierre Moscovici l’a confirmé lors de l’Université d’été du Medef : la hausse de la part patronale des cotisations retraites sera entièrement compensée par une baisse des cotisations de la branche famille et la baisse du « coût du travail » continuera.

La réforme reposera donc uniquement sur le dos des salariés. Non seulement ils se voient infliger un allongement de la durée de cotisation mais ils devront payer pour compenser la baisse des cotisations patronales de la branche famille et assumer le coût des mesures prises en faveur de la pénibilité du travail que le patronat n’aura pas à prendre en charge puisque le « cout du travail » va continuer à baisser.

Le recul de l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans est entériné par le projet actuel de réforme. L’allongement de la durée de cotisation prolonge les mesures prises par la droite en 2003. La droite avait allongé cette durée de 40 à 41,5 annuités (6 trimestres) entre 2003 et 2019 (16 ans). Le gouvernement veut aujourd’hui allonger cette durée de 41,5 à 43 annuités (6 trimestres) entre 2020 et 2035 (15 ans). Les salariés n’auront donc aucun répit : la durée de cotisation n’aura pas cessé d’augmenter entre 2003 et 2035.

Des millions de salariés s’étaient pourtant mobilisés en 2003 et 2010 contre l’allongement de la durée de cotisation et contre le recul de l’âge de la retraite et notre parti, le Parti socialiste, était à leurs côtés. Croyons-nous vraiment qu’ils ont la mémoire aussi courte et qu’ils ne s’en souviendront pas lors des prochaines élections ?

Les mesures sur la pénibilité du travail, les trimestres validés pour les apprentis, la meilleure prise en compte des trimestres à temps partiel imposé (le plus souvent aux femmes) ne sont pas des « avancées sociales » ? Ces mesures se contentent d’atténuer la portée de l’allongement de 6 trimestres de cotisation qui frappera aussi bien les salariés exposés à un travail pénible que les apprentis ou les femmes.

François Hollande dit avoir fait de la jeunesse une priorité de son quinquennat. Pourtant, ce sont les jeunes qui apparaissent comme les grands perdants des propositions actuelles de réforme. 43 ans de cotisation : c’est, comme le dit le syndicat étudiant UNEF, une absurdité pour une génération qui ne trouve toujours pas d’emploi.

Le risque est grand que les jeunes perdent toute confiance dans le système de retraite par répartition, et que ceux qui en ont les moyens se tournent vers les illusoires retraites par capitalisation. C’est bien l’objectif recherché par le Medef et la droite. De la même façon l’appel lancé par le professeur André Grimaldi à propos de la Sécurité sociale note que la sécu ne rembourse plus que 50% des soins (et beaucoup moins les soins dentaires et optiques). Ce sont les complémentaires (assurances privées pour l’essentiel) qui montent en puissance. Résultat : les plus riches sont mieux remboursés que ceux qui ont le moins de moyens. C’est tout notre système de protection sociale (santé, retraites, famille) qui est donc menacé.

Il est nécessaire que nous, socialistes, nous nous mobilisions pour que la réforme des retraites se fasse dans l’intérêt des salariés et non du Medef.

Il ne s’agit pas de nous mobiliser contre le gouvernement mais de l’amener à revoir sa copie et à la corriger dans un sens favorable à notre base sociale et électorale. Aujourd’hui, le Medef sait se faire entendre beaucoup plus fort que les salariés. Il faut donc aider à la mobilisation de ces derniers pour que François Hollande se mette à entendre aussi bien de son oreille gauche que de son oreille droite.

Cette mobilisation est d’autant plus nécessaire que sans elle, les amendements favorables au Medef risqueraient fort de se multiplier.

Si cette réforme n’est pas amendée, nous risquons de la payer au prix fort, dès les élections municipales de 2014 où l’abstention et le vote FN seraient alimentés par la désillusion de ceux qui nous ont fait confiance et qui ne comprennent pas que notre gouvernement mène une politique aussi favorable au Medef et aussi défavorable aux salariés.

Participons massivement à la mobilisation appelée par la CGT, FO, la FSU et Solidaires, le mardi 10 septembre. Continuons à signer et faire signer l’appel de socialistes pour la retraite « Contre tout nouveau recul : pas un trimestre de plus, pas un euro de moins ».

Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail et membre du bureau national du PS


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message