La scission de 1998 du Front national (50% des cadres et élus derrière B. Mégret) a mis fin au « compromis nationaliste » fondateur qui permettait aux différents courants frontistes, au-delà de leurs particularismes, de s’entendre sur la route à accomplir ensemble. En 2004 (Bompard), puis en 2008-2009 (Lang, Martinez, Bild Lehideux), les départs de la « vieille garde lepéniste » (celle du père) et les déclarations de Marine Le Pen, dés son arrivée à la tête du FN, concernant les adeptes de la radicalité et du folklore qui n’avaient pas leur place au sein du FN (ce qui donna lieu à des critiques médiatisées de Jean-Marie Le Pen ou encore de Serge Ayoub) renforçait cette dynamique centripète.
La benjamine Le Pen est ainsi accusée par une partie de l’extrême droite d’avoir épuré le « parti de Jean-Marie » (très partiellement, au regard de la radicalité idéologique de nombre de « ralliés » du mégrétisme tels Philippe Olivier, Emmanuel Leroy et Nicolas Bay ou encore de « nationalistes-révolutionnaires » proches de Marine Le Pen tel Christian Bouchet.1) des éléments les plus violents qui pourraient porter préjudice à la « dédiabolisation » tactico-stratégique, porteuse de tensions internes constantes, qui est le produit de la prise de conscience frontiste lors de la présidentielle de 2002. La génération montante du frontisme intégra, dés lors, que l’arrivée au pouvoir passait par une « mégretisation des esprits » et par des alliances. Pour autant, le FN n’a jamais renoncé à être le centre de gravité d’une recomposition des droites - ce qui diffère des combinaisons italiennes).
C’est au sein du FNJ et du DPS que « l’épuration » fût la plus notable. Les membres de la « secte de sidologie », partisans de la Révolution nationale, de l’Œuvre française (menacée d’être dissoute depuis peu), en firent principalement les frais.
Aujourd’hui dirigée par Yvan Benedetti (ex-conseiller municipal FN de Vénissieux, exclu à la suite des violences exercées contre le frontiste Antoine Mellies et des propos antisémites tenus devant de jeunes journalistes), l’Œuvre française, a décidé, il y a quelques années de créer les Jeunesses nationalistes. Cette organisation est dirigée par Alexandre Gabriac, conseiller régional initialement Front national (ce dernier bénéficie toujours du temps de parole du groupe FN Rhône-Alpes présidé par Bruno Gollnisch). Laura Lussaud, ex-secrétaire départementale-adjointe du FNJ 69, semble y jouer un rôle non négligeable, bien qu’en apparence périphérique, en tant qu’animatrice du Clan (comité de liaison de d’aide des nationalistes).
Les JN cherchent à se construire dans la jeunesse française déclassée ou paupérisée, victime de la mondialisation capitaliste, en concurrence d’autres organisations nationalistes telles que le Bloc identitaire, le Renouveau français, Troisième voie/JNR, le plus souvent considérées par l’OF et les JN comme des « satellites » du FN.
Tandis que, dans la décennie écoulée, les organisations « hors du FN » se multiplient, les années Sarkozy, passé l’illusion du siphonnage électoral de 2007, produisent une dynamique « décomplexée » au sein de la « multitude » des droites (les Manifs pour tous et sa frange radicalisée crée en mars 2013, le Printemps français, en attestent). Cela explique l’activisme débridé que ces organisations déploient depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Comme le résume parfaitement l’historien Jean-Paul Gauthier, pour les groupuscules nationalistes, « le fond de l’air est brun ».
Les nombreux groupes et groupuscules « hors FN » jouent de facto un rôle de « sous-traitants » de terrain dans la stratégie frontiste. Le « navire amiral » de l’extrême droite, le FN (dixit Serge Ayoub), maintient, peu ou prou, des rapports avec ces organisations ou des individus, dirigeantEs de ces structures. Le plus souvent de façon discrète. Alors, Front national « éteins la lumière, montre-moi ton côté sombre ».
Les connexions FN-GUD
L’affaire Cahuzac a souligné les rapports entretenus, de longue date, avec des représentants du Système dénoncés à longueur de tracts : l’ex-ministre socialiste et l’ex-GUD et conseiller occulte de la présidente frontiste, Philippe Peninque qui, comme le soulignait La Galaxie Dieudonné – Pour en finir avec les impostures fût aussi à l’initiative de l’association Égalité & Réconciliation d’Alain Soral. L’ouvrage Le système Le Pen des journalistes du Monde, Caroline Monnot et Abel Mestre, rappelait les rapports amicaux, mais aussi commerciaux (via la société de communication Riwal) de Frédéric Chatillon et ses amis (dont Axel Loustau et sa société Vendôme sécurité appelé parfois en renfort du DPS), « rat maudit » du GUD des années 1990 et de Marine Le Pen.
Plus récemment, REFLEXes démontre par sa note « Quand le GUD Paris se la coule douce au Front national de Marine le Pen », qu’Édouard Klein, il y a encore peu chef du GUD dans la capitale, décidait de se faire oublier au FNJ d’Angers. Ce dernier assistait le mercredi 29 septembre 2012, au colloque sur l’éducation organisé par Idées Nation, le club de réflexion dirigé par Louis Aliot. Tandis que Baptiste Coquelle, également adepte du coup de poing, était venu fêter les 40 ans du Front national (fin 2012) en compagnie des jeunes cadres frontistes « BCBG » Julien Rochedy ou Julia Abraham. Joueur les militans de REFLEXEes soulignèrent à cette occasion que le GUD Paris soutenait B. Gollnisch dans la campagne à la présidence frontiste.
Les connexions FN-Troisième voie/Jeunesses nationalistes révolutionnaires
C’est lors d’une conférence de presse convoquée le 25 juin 2013 que Serge Ayoub décide de rendre publique la dissolution de Troisième voie (TV) et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) – ce qui n’a que peu de conséquences puisque circulent déjà l’idée d’un retour sous d’autres formes des organisations citées en septembre ou octobre 2013 (le risque de dissolution de l’association qui gère le local semble en revanche mettre Ayoub et ses amis dans l’embarras) afin, selon lui, de couper court à toute dissolution d’État consécutive à l’homicide ayant provoqué la mort du jeune Clément Méric, commis par l’un des membres de TV, Esteban Morillo2.
L’ex-bonehead, surnommé « batskin », aujourd’hui promoteur d’une ligne politique oscillant entre George Valois (fondateur du Faisceau) et Otto Strasser (fondateur du Front noir dont les membres se considéraient comme les seuls véritables nationaux-socialistes révolutionnaires. Cette organisation du « fascisme-mouvement » fût dissoute en 1933) ne milite plus dans les stades. Il politise, il organise, il coordonne.
Il y avait, jusqu’à présent, les conférences organisées dans le Local du 15e arrondissement de Paris – consécutive à l’échec de l’implantation du Garage dans le 11e arrondissement après une mobilisation des riverains – ou encore, dans la rubrique « petits commerces », la reprise naufragée du bail de la librairie Primatice, dans le 13e arrondissement de Paris pour commercialiser des vêtements « identifiants ».
Il y a aussi le rôle joué par S.A. (franchement, ça s’invente pas !) au sein du Comité national de la Résistance3. A ce titre, il pilote sur le terrain les défilés annuels, le second week-end de mai, de commémoration de la mort de Sébastien Deyzieu devenus également des échéances de mobilisations « contre le mondialisme ». Le 2 février dernier, il coordonnait également la manifestation « anti-impérialiste » à laquelle participaient les militants belges de Nation ainsi que les Pro-Assad, les « bones » du Picard Crew ou Thierry Maillard et ses partisans prêts en accord avec Ayoub, le cas échéant, à « casser du rouge » s’il en croisaient ce jour-là
Il développe également des partenariats qui ne sont pas toujours de longs fleuves tranquilles : dans le Nord, avec la Maison de l’Arthois ou la Maison flamande4. Il participe aux conférences organisées par le Front comtois. Sa parole est relayée par les nationalistes sociaux et identitaires du Front des patriotes…
Le moins visible, mais néanmoins politiquement signifiant, sont les rapports qu’entretient S.A. avec la présidente du FN. Citant Caroline Monnot et Abel Mestre, Le Canard enchainé du 12 juin 2013 rappelle opportunément le dîner qui les a réunis en septembre 2010. Le commentaire de la fille Le Pen : « Un drôle de type. Parce qu’il est loin d’être idiot. Il est assez modéré dans ses propos. […] Je préfère que ces milieux soient sous l’influence de gens comme lui plutôt que d’autres [sous entendu Benedetti-Gabriac ?]. Il est capable de canaliser ce milieu, qui existera toujours. » Bref, Ayoub peut être utile au FN pour avoir un pied dans des milieux trop peu dédiabolisants.
A contrario, Serge Ayoub considère en 2011 que la fille Le Pen « développe des thèses sociales, syndicales, qui sont extrêmement proches des nôtres ». Cela explique-t-il la tribune d’un syndicaliste de Carrefour, membre du FN, sur le site de Troisième Voie (par amitié pour Serge Ayoub précise l’auteur) ? Existe-t-il ainsi un travail de fraction syndicale trans-organisations nationalistes dont le Cercle national des travailleurs syndiqués (CNTS), jusque-là coquille vide, relancé à grand bruit lors de l’exclusion de Fabien Engelmann de la CGT, serait la vitrine ?
Toujours est-il que lorsque le « hasard » (le soutien à une candidate identitaire dans une circonscription limitrophe) réunit en pleine campagne législatives 2012, la présidente du FN et Ayoub et ses « bodybuildés » sur le marché d’Hénin-Beaumont, de nombreux éléments portent à croire qu’il existe une coopération, certes conflictuelle, mais une coopération.
Les connexions FN-Bloc identitaire (BI)
Les cadres du principal mouvement issu de la dissolution d’Unité radicale en 2002 n’envisagent pas tous de rester à la marge du « sytème ». Nombre d’entre eux aimeraient bien le « subvertir » de l’intérieur.
Le personnage le plus emblématique de cette recherche de convergences (y compris théoriques) entre BI et FN est Philippe Vardon. Ce dernier n’est pas seulement celui qui, en tête de Manifs pour tous lyonnaises ou coordonnant les initiatives musulmanophobes régulièrement organisées par ce courant, usent ses semelles sur le pavé.
Philippe Vardon est également celui qui, au sein de Nissa Rebela, donne des gages publics aux « marinisme » (l’organisation d’une consultation interne à fortement médiatisée sur le web révélait, en janvier 2012, que 79% des adhérents qui se sont prononcés soutenaient la candidature de Marine Le Pen).
Lors de ses vœux 2013, il déclarait : « Je compte personnellement m’engager PLEINEMENT et TOTALEMENT dans la préparation des élections municipales, à Nice bien entendu mais aussi en apportant mon soutien à la constitution de listes de rassemblement ailleurs dans le département et même ailleurs en France. […] Nous allons, je vais, continuer à œuvrer dans le sens d’une large liste d’union POUR NICE aux élections municipales. […] Je me félicite à ce titre de la présence ici ce soir de représentants de l’Entente Républicaine de Jacques Peyrat, de responsables du RPF de Christian Vanneste et de militants du Front National. »
Pour autant, Philippe Vardon est bien mal récompensé de sa volonté affichée d’œuvrer au rassemblement face au maire de Nice, le sarkozyste Christian Estrosi. Car même si, la stratégie de rassemblement ne laissent pas insensible une partie de l’exécutif mariniste, à la commission d’investiture du FN pour les municipales de 2014 du 25 juin 2013, c’est Jean-Marie Le Pen qui a imposé ses vues pour Nice (selon Minute ; il aurait « menacé sa fille de tenir une conférence de presse pour raconter tout ce qu’il a sur le coeur et, surtout, de lui couper les vivres ! »). Il a fait parachuter Marie-Christine Arnautu, hostile à des accords avec le BI car « il y a trop de points de divergences, notamment sur l’Europe et sur la place de la Nation ».
In Fine, le Rassemblement bleu marine niçois est parti pour faire cavalier seul tandis que l’ex-FN et ex-sénateur maire UMP, Jacques Peyrat et son mouvement l’Entente républicaine allié au RPF et à Nissa Rebela mèneront campagne commune à Nice. Tout cela est cocasse car, l’Entente républicaine fait partie de la coalition Rassemblement bleu marine nationale et Jacques Peyrat qui n’en est pas à son coup d’essai en matière d’accords électoraux avec Vardon et ses amis, était candidat RBM de la 1re circonscription des Alpes-Maritimes en juin 2012.
Pour en revenir précisément à Vardon, il n’est pas si facile, pour ce cadre identitaire, d’être reconnu et de se faire « sa place au soleil ».
Les connexions entre le Front national et les mouvements radicaux sont loin d’être anecdotiques (sans parler des synergies de terrain que l’on a pu observer ces derniers mois, adossées aux positionnement frontistes multiformes permettant d’articuler conservatisme sociétale et contestation économique et sociale des politiques « ultralibérales », « défense des libertés » et affirmation d’une politique de l’identité comme cristallisation d’un communautarisme majoritaire et exclusif…), nous venons d’en pointer quelques-unes. Elles mettent en lumière la volonté politique de la présidente du FN, via des outils « inégaux et combinés » (le Rassemblement bleu marine, par exemple), d’occuper l’espace traditionnel de l’extrême droite française tout en cherchant à étendre son influence (« par le haut » pour les européennes et « par le bas » pour les municipales dixit Louis Aliot dans l’éditorial de Nationpresse de juin 2013) en direction du bloc idéologique et électoral que se disputent le FN et l’UMP « buissonnière » pour se (re)approprier, progressivement, les leviers du pouvoir.
Gabriel Gérard
1- Les incontrôlables tels que l’ex-mariniste Thierry Maillard, fondateur du récent Front nationaliste à Reims ou Laurent Ozon, écolo de service et dirigeant particulièrement compréhensif vis-à-vis de la tuerie d’Utoya perpétrée par Anders Breivig, plus radical encore que Jean-Marie Le Pen, n’ont finalement pas été au goût de la présidente du FN. Ils ont dû aller voir ailleurs.
2. Esteban Morillo est soutenu par deux comités de soutien dont l’un semble être, selon l’hypothèse d’André Déchot - membre de la LDH, porté par les réseaux marinistes internes et externes au Front national et au Rassemblement bleu marine)
3. composé des JNR, du GUD, du Renouveau français,de la Nouvelle droite populaire, des C9M et les ethnicistes de Terre & Peuple de l’ex-FN Pierre Vial.
4Des militants de TV, manifestants des Manif pour tous, ont été identifié comme auteurs de violences homophobes lors d’attaques de bars gays en avril dernier à Lille. Par ailleurs, comme en témoigne un article de La dépêche du mid, il y a quelques jours, deux militants se réclamant de TV semblent s’être illustrés en s’attaquant, dans une avenue du centre d’Agen, à des participants au Festival rock de La Prairie
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