Le gouvernement ne recule devant aucun rideau de fumée pour entretenir la fable de Hollande d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année. Tout est bon pour dégonfler la statistique. Mais personne n’est dupe. Les emplois aidés du gouvernement sont inefficaces. François Hollande avait promis 100 000 emplois d’avenir pour les jeunes cette année. A peine 33 000 ont été signés à la moitié de l’année. Quant aux contrats de génération créés en mars, l’Agence France Presse écrit pudiquement qu’ils "peinent à démarrer" et le gouvernement ne donne aucun chiffre. Tous ces bricolages ineptes buttent sur le même fait : faute d’activité, point de travail salarié, même « aidé », « d’avenir », de « génération », et autres balivernes compassionnelles.
Hollande ne pourra pas tenir sa promesse. Il le sait depuis le premier jour. Il va donc changer de pied. Voici ce qu’il dit en substance : si le chômage ne baisse pas, ce ne serait pas de sa faute, ce serait celle des chômeurs ! Il a donc repris en sourdine le vieux refrain libéral jamais démontré. C’était dans son discours d’ouverture de la Conférence sociale jeudi 20 juin. Hollande reprenait à son compte la propagande du MEDEF sur les "emplois non pourvus". Le journal Le Point titrait même que "Le Medef impose son point de vue" parlant de ce sujet comme de la "marotte" du patronat. Hollande a même repris les chiffres du MEDEF parlant de "200 000 à 300 000" emplois non pourvus par an. Il a même désigné les responsables : les chômeurs ! Voilà ce qu’il a déclaré : "Il y a à peu près de 200 000 à 300 000 recrutements qui sont entamés, puis abandonnés, parce qu’il n’y a pas de candidats suffisamment qualifiés par rapport aux emplois qui sont proposés". Ayrault a immédiatement annoncé un plan de formation pour 30 000 chômeurs prétendument incompétents pour pourvoir ces postes. Ce plan sera mis en œuvre entre septembre et décembre. 30 000 chômeurs formés pour 300 000 postes non pourvus ? Et les autres ? Mystère et boule de Nantes. Ces 30 000 chômeurs auront donc l’immense avantage de sortir des statistiques de Pôle emploi juste avant la fin de l’année où la courbe du chômage est censée s’inverser. Quant au problème de la qualification professionnelle ou de la requalification, il restera en plan, comme d’habitude, pendant que continuent, dans l’indifférence générale, les fermetures de sections dans les lycées professionnels et les abandons de contrats d’apprentissage.
La réalité des emplois « non pourvus » est bien différente de ce qu’en dit le Medef et le gouvernement. En réalité personne ne sait précisément combien de postes ne sont pas pourvus. En 2008, Nicolas Sarkozy parlait de 500 000 offres d’emplois non satisfaites. En février 2011, Sarkozy répétait ce chiffre alors que son propre ministre du Travail Xavier Bertrand parlait de 250 000 postes, soit deux fois moins. Le MEDEF parle de 300 000 emplois à pourvoir en se basant sur une enquête réalisée auprès de ses adhérents qui exclut d’office les trois fonctions publiques, l’agriculture, les particuliers employeurs, les associations et les professions libérales. Quant à Pôle emploi, il identifie 450 000 offres non-satisfaites en 2012 mais le 6 juin dernier, son directeur-général parlait de 116 000 offres d’emplois non pourvues. Le premier chiffre renvoie aux postes qui n’ont pas fait l’objet d’un recrutement alors que des candidats qualifiés avaient postulé quand le second chiffre concerne uniquement offres pour lesquels aucun candidat n’a postulé.
Il ne s’agit pas pour moi de dire que les « emplois non pourvus » n’existent pas. Mais la bonne question à leur sujet est de se demander pourquoi personne n’en veut ! Les difficultés de recrutement sont connues. LaTribune.fr relève que "Dans sa note de conjoncture du 4ème trimestre 2012, l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), écrit que "les procédures abandonnées 3 à 6 mois après avoir été lancées représentent 10 % des recrutements au premier trimestre 2012, soit un niveau habituellement observé. Ici donc dans près de 6 cas sur 10, l’emploi non pourvu l’est du fait d’un changement de cap de l’entreprise ! Il s’agit de renoncements parce que le poste ne correspond plus à un besoin (29 %) ou pour des raisons budgétaires (29 %). Ces deux motifs sont beaucoup plus fréquemment à l’origine des abandons qu’un an auparavant (respectivement, + 7 et + 9 points). Cela veut dire que le besoin de main d’œuvre recule à mesure que l’activité ralentit. L’absence de candidature adéquate n’est à l’origine de l’abandon que dans 16 % des cas, en recul de 1 point par rapport à l’an passé." On est donc très loin de l’armée de paresseux et d’embusqués qui profitent des prestations sociales sans travailler et qui seraient des parasites, des fainéants ou des fraudeurs.
Une enquête qualitative de Pôle emploi citée par "Libération" pointe aussi la responsabilité des employeurs. Voilà qui n’est pas banal ! Ils ne savent pas s’y prendre pour embaucher. "Les échecs se concentrent dans des entreprises qui ont une faible expérience du recrutement". Ceux-là présentent des offres "parfois déconnectées des compétences réellement nécessaires au poste à pourvoir" si bien que "ces échecs peuvent être imputables autant à la pénurie de candidats qu’à l’inexpérience des recruteurs et leur méconnaissance du marché local du travail". Et LaTribune.fr cite aussi l’association nationale des Directeurs ressources humaines selon qui "les recruteurs sont parfois trop exigeants, ou proposent des offres d’emploi farfelues : bac + 5 avec 10 ans d’expérience payé au Smic".
Les véritables causes des abandons de recrutements sont là : difficultés économiques des entreprises, abandon de projets ou perte de clients, emplois mal payés compte-tenu des exigences demandées en termes de qualification, de disponibilité, de mobilité, de pénibilité de la tâche. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise de lire dans LaTribune.fr que "Les recrutements les plus difficiles portent sur les aides à domicile et les aides ménagères, où 66,6% des projets de recrutements sont jugés difficiles. (….) Puis vient, dans l’ordre, les cuisiniers (64,1% de difficulté), les infirmiers (58,3%), les employés de maison (55,6%), ceux de l’hôtellerie (50,2%), les serveurs (48,8%), les aides soignants (46,5%), les agents de sécurité et de surveillance (46,4%)." Une autre variété de difficulté d’embauche doit retenir l’attention. C’est la deuxième en nombre. Il s’agit des ingénieurs, cadres d’études et de R&D en informatique, et responsables informatiques, avec 62,3% de difficultés. Ici se combinent la rareté de la main d’œuvre et les conséquences du mauvais traitement social. Les emplois sont en effet mal payés, précarisés et souvent réduits à un travail à la tache totalement dissuasif.
François Hollande sait tout cela. Pourtant il n’a eu aucun scrupule à complètement exonérer le patronat de toute responsabilité. Il a même proposé une trouvaille incroyable : faire payer les salariés du privé par l’Etat : "S’il s’agit d’un problème de mobilité, réglons le par des incitations financières. S’il s’agit d’un problème d’écart de salaires, alors comblons-le. Ce peut être la responsabilité de l’Etat". Vous avez bien lu, Hollande envisage de subventionner les bas salaires ! Ses déclarations poursuivent un autre but. Le patronat et les syndicats doivent renégocier la convention UNEDIC sur l’assurance-chômage d’ici la fin de l’année 2013. La Cour des Comptes a déjà avancé l’idée de rendre les allocations chômage dégressives. La Commission européenne a inscrit cette demande dans ses "recommandations" pour la France. Quand, en 2008, Nicolas Sarkozy dénonçait les soi-disant « 500 000 emplois non pourvus », il ne faisait rien d’autre que préparer les esprits à de nouvelles contraintes pour les chômeurs. Il a ensuite introduit le principe selon lequel un chômeur qui refuse "deux offres raisonnables d’emploi" peut être radié de Pôle emploi et perdre son allocation chômage. En Allemagne, les sociaux-démocrates sont allés plus loin. Ils ont obligé les chômeurs à travailler dans des emplois payés même à un euro de l’heure sous peine de perdre leurs allocations de chômage. Hollande a rendu hommage à ces réformes "courageuses" de Gerhard Schröder le 23 mai dernier. On comprend dès lors qu’avec le soudain intérêt pour les emplois non pourvus ne se trouvent en réalité qu’un gisement de nouvelles coupes dans les défenses sociales. Les solfériniens vantent "l’accalmie" et même la "stabilisation" mais les chiffres disent l’inverse. Le chômage continue d’augmenter. Les solfériniens insistent sur la hausse de 100 chômeurs de plus en mai. « Seulement 100 », claironnent-ils. Au passage est passé sous silence l’augmentation de 1 500 chômeurs de catégorie A en un mois si l’on compte aussi l’outre-mer. Surtout, ils oublient de préciser qu’une hausse reste une hausse, aussi modeste soit-elle. Et qu’en l’occurrence, la hausse de mai 2013, aussi faible soit-elle, porte le nombre de chômeurs à un nouveau record historique dans notre pays ! Il y a désormais officiellement 3,526 millions de chômeurs sans aucune activité en France. Là où les piteux réjouis de la rue de Solférino et de l’Elysée réunis se rengorgent d’une « accalmie », la vérité est que le pays vient de battre un nouveau record historique du chômage.
Cette situation est consternante. Tout le monde sait que cette prétendue accalmie ne durera pas. D’ailleurs, pour les observateurs, la faible hausse de mai est une "surprise". Et pour cause ! Chacun sait que la politique d’austérité du gouvernement va faire encore augmenter brutalement le chômage. La Commission européenne, elle aussi, l’intègre dans ses prévisions. Et selon l’Insee, le taux de chômage devrait passer de 10,7% à 11,1% d’ici à la fin de l’année. Surtout, la situation des chômeurs se dégrade terriblement. Toutes catégories confondues, il y a en France plus de 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi. En un an, le nombre de chômeurs sans aucune activité augmente plus vite que le nombre de chômeurs qui travaillent quelques heures par mois. Le chômage des plus de 50 ans continue d’augmenter de 0,5% en métropole en mai. Le nombre de chômeurs de longue durée, au chômage depuis deux ans et plus, augmente de 1,1% en mai. Le nombre de chômeurs de très longue durée, au chômage depuis trois ans ou plus augmente dans les mêmes proportions. Si l’âge de départ à la retraite ou si la durée de cotisation augmentent, le compteur va exploser. En effet le taux de chômage après 55 ans est déjà hors norme. Tous ceux qui ne partiront pas à la retraite vont renforcer les effectifs des chômeurs de longue durée et bien vite des chômeurs sans droit.
Là encore, le tableau s’assombrit. Aujourd’hui, 40% des inscrits à Pôle emploi sont au chômage depuis plus de deux ans. C’est-à-dire au-delà de la durée d’indemnisation du chômage. C’est-à-dire qu’ils sont en fin de droits et survivent avec les allocations ou les minimas sociaux. Les chiffres sont têtus. Et ils sont violents. Parmi les chômeurs sortant des statistiques, à peine 20% sortent après avoir retrouvé un emploi. L’immense majorité sort des statistiques pour "défaut d’actualisation de leur déclaration de situation personnelle". Combien de découragés parmi ceux-là ? Chômeur indemnisé ou pauvre aidé est une activité à plein temps, avec ses frais de transport et d’abonnement, sa disponibilité imposée, sa capacité à répondre à des questionnaires, des coups de téléphone et des formulaires. Combien ont déjà craqué et tout envoyer paître ?
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