La France doit rompre pour transformer l’Europe

dimanche 2 juin 2013.
 

En reprenant la « vieille idée » d’un gouvernement économique de la zone euro, François Hollande veut faire croire que davantage d’intégration serait le remède à la crise. Une mauvaise stratégie car « l’objectif social reste à l’état de néant » pour Eric Coquerel et Guillaume Etievant, du Parti de Gauche. Ils plaident pour un abandon des recettes ultralibérales et estiment que seule la France peut imposer un changement de modèle européen à l’Allemagne.

François Hollande a relancé jeudi 16 mai la vieille idée d’un gouvernement économique de la zone euro, fer de lance d’une union politique. Ce gouvernement « se réunirait tous les mois autour d’un véritable président nommé pour une durée longue ». La stratégie du président de la République est claire : alors que le peuple français souffre de sa politique néolibérale, il allume des contrefeux en attribuant à davantage d’intégration européenne le rôle de remède miracle. Ce procédé n’est pas neuf. Pendant les années 1980, Jacques Delors expliquait qu’il fallait faire l’Europe politique pour qu’elle devienne ensuite sociale. Même procédé lors des débats sur le traité de Maastricht : une monnaie unique accélèrerait la construction de l’Europe politique, qui deviendrait ensuite, enfin, sociale.

Toute l’histoire de la construction européenne démontre l’inefficacité de cette méthode. L’objectif social reste à l’état de néant tandis que l’intégration européenne progresse, mais au détriment grandissant de la souveraineté populaire et au profit du système financier et des marchés. L’échec de cette stratégie social-démocrate est patent. Cette stratégie peut se résumer ainsi : accélérer l’édification du contenant pour ensuite établir un rapport de forces à même d’en changer le contenu. On voit le résultat : c’est la social-démocratie qui a changé, gagnée par le poison libéral, et désormais interchangeable avec les partis de la droite européenne.

François Hollande continue cette stratégie d’apparence schizophrène : accumuler les réformes ultralibérales en prétendant construire l’Europe sociale. Et les réformes ultralibérales, il connaît. C’est d’ailleurs le seul domaine dans lequel il est efficace. Il assume même fièrement sa supériorité sur la droite en ce qui concerne la compétitivité, la baisse des dépenses publiques, la réforme du marché du travail. Si la mobilisation et le rapport de force politique à gauche ne l’en empêchent pas, François Hollande compte donc appliquer pour son an II des recettes néolibérales qui ont déjà plongé le pays dans la récession à l’issue de sa première année à l’Elysée.

Ce qui lui reste d’aspiration sociale dépend donc de l’Europe. C’est sans doute le plus grave dans son discours, car on peut craindre qu’Angela Merkel saisisse au bond sa proposition d’accélérer l’union politique et de mettre en place un président de la zone euro. Nous connaîtrions, après Maastricht, une nouvelle catastrophe. Le principe est en effet le même : partant d’un besoin juste –une monnaie internationale suffisamment forte pour contrebalancer le dollar et donc la puissance étatsunienne– la France a accepté les conditions allemandes pour la monnaie unique. Cela a consisté à créer un euro mark surévalué, trop fort pour l’économie de la plupart des autres pays européens, le tout sans aucune harmonisation sociale et fiscale permettant d’en limiter les effets. Le système est en plus cadenassé par la gardienne du temple monétariste : une Banque centrale européenne (BCE) indépendante du pouvoir politique mais pas du système financier.

Le bilan est tragique : les économies européennes incapables de faire face à la crise de 2008 ont plongé dans la récession et dans l’instabilité financière. La domination des Etats-Unis, elle, n’a pas été entachée. Un pas de plus va d’ailleurs être franchi en ce sens avec le grand marché transatlantique. Il sera bientôt en place et établira la primauté du droit étatsunien, après un processus de quinze années de négociations obscures entre la Commission européenne et le ministère américain du commerce.

Si l’Allemagne acceptait de renforcer la gouvernance politique de l’Europe, nous ferions face à un transfert de souveraineté accru pour concentrer plus de pouvoir à Bruxelles et Francfort au service de la doxa libérale. Mme Merkel propose par exemple de faire élire au suffrage universel le président de la Commission européenne, qui détiendrait une légitimité incomparable sans en réalité avoir à rendre de compte aux 560 millions d’électeurs européens et aux parlements nationaux renvoyés à un rôle folklorique. Cette vision orwellienne de la démocratie n’amènera aucune convergence par le haut. Il suffit d’entendre quelques secondes du moindre discours des ectoplasmes libéraux Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et de Mme Merkel elle-même, pour s’en convaincre.

Si François Hollande voulait vraiment une convergence par le haut, il ferait des choix radicalement différents. Pour transformer la construction européenne, il faut d’abord se persuader qu’elle ne vaut que si elle est tournée vers l’intérêt général. Elle n’est en rien une fin en soi mais un moyen pour permettre le progrès humain pour les peuples. Affirmer cet axiome a pour conséquence de ne pas craindre une crise et des ruptures pour tenter de la faire bifurquer. La crise est de toute manière déjà là.

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