Hollande et l’amnistie : le coup de trop

mardi 21 mai 2013.
 

Sur l’amnistie sociale, la honte est terrible compte tenu de l’histoire séculaire du mouvement ouvrier à laquelle s’identifie nombre de membres du parti socialiste. L’appel à la désobéissance lancé par Patrick Menucci sur son blog est loin d’être isolé. Il exprime quelque chose de très profond. Je n’en suis pas surpris. Les emberlificotis sur la « faute pardonnée », « l’apaisement à trouver » et autres sornettes moralisantes qui infestent les explications de ceux qui veulent voter avec nous n’ont aucun intérêt bien sûr. Ils signalent juste le degré d’acculturation des socialistes sous l’emprise idéologique des solfériniens. Revenons à eux.

Depuis le premier jour, l’air gêné du Président de la République sur le sujet m’a mis la puce à l’oreille. Nous sommes ici au cœur des identifications qui situent un groupe politique. Hollande le sait sans doute depuis le début. Nous avons dû lui paraître totalement martiens avec cette histoire qui nous tenait tant à cœur quand nous l’avons rencontré, Martine Billard et moi. N’oublions jamais que François Hollande est en France, depuis 1983, l’homme de la ligne qui veut convertir les partis socialistes en « parti démocrate » à l’italienne. Ça tombe bien car cette question va être posée au congrès du SPD allemand auquel il va participer.

Dans ce tableau, ce qui reste de lien organique entre le salariat et le parti doit être détruit. L’amnistie se présente à ses yeux comme l’occasion d’un divorce consommé avec ce que le mot « gauche » a voulu dire depuis 1905 et la formation du PS. Si bénigne qu’elle paraisse de l’extérieur, cette opération n’est pas simple à mener. Que les UMP ne soient plus gaullistes est une chose. Le leur faire proclamer serait une tout autre. Et de même que le PS ne soit plus socialiste mais solfériniens est une chose. Le lui faire dire publiquement est un terrible seuil à franchir. Je pense même que c’est peut-être le coup de trop pour François Hollande. C’est pourquoi il risque bien d’être battu dans le vote des députés socialistes.

Je n’explique pas autrement la reculade que représente la décision des officiels du groupe PS de demander le renvoi en commission de la proposition de loi d’amnistie sociale. Formellement c’est risible. Car la commission des lois a déjà refusé tous les amendements et voté contre le texte. Elle ne peut donc que changer d’avis. Dès lors pourquoi ne pas le faire en séance ? Pourquoi organiser cette navette supplémentaire. Pourquoi ? Pour sauver la face de l’Elysée qui va voir consommer la première défaite d’un ordre direct du prince que ses gens ne veulent pas suivre. Et peut-être aussi pour essayer de vider la loi de son contenu avant de la ramener au vote. Ce serait la reproduction du modèle appliqué à la proposition de loi présentée par Les Verts sur les ondes électromagnétiques. Mais l’essentiel est qu’ils ne puissent plus être obéis. Je vois dans ce renvoi en commission, s’il est adopté, le commencement d’une fin attendue. Ce sera le moment où, pour chaque difficulté rencontrée, c’est-à-dire chaque fois que les solfériniens butteront sur nous, on pourra arguer du renvoi en commission. Excellent !

Mais j’aimerais mieux que le renvoi en commission n’ait pas lieu et que l’on vote en plénière, séance tenante, jeudi matin. Car encore une fois, pourquoi renvoyer en commission ? Son avis négatif est connu. Mais celui de la plénière ne l’est pas. Quelqu’un voudrait-il amender, compléter, ajouter, retrancher ? Tout cela peut se faire en séance avec des amendements. Pourquoi renvoyer en commission ? Pourquoi faut-il que pour sauver la face de l’Elysée on la fasse perdre aux commissaires ? Et le temps perdu ? Et les poursuites en cours ? Pourquoi faut-il encore faire souffrir les travailleurs, juste pour que Hollande sauve la face ? Pourquoi ? Ne peut-il être humble devant la représentation nationale comme il l’aura été la veille devant la Commission européenne ? L’orgueil mal placé des faibles est le coût de transaction le plus exaspérant dans la décision publique.

2) Amnistie sociale : les députés PS jettent aux oubliettes "cette loi de justice" (L’Huma)

Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui détient la majorité absolue à lui seul, a voté ce jeudi le renvoi en commission de la proposition de loi "d’amnistie des faits commis lors de mouvements sociaux et d’activités syndicales". Une décision fermement condamnée par les parlementaires Front de gauche qui craignent un « subterfuge » visant à enterrer définitivement le texte.

La proposition de loi du Front de gauche avait pourtant été adoptée par le Sénat le 27 février dernier. Le texte prévoit une amnistie pour les syndicalistes et les travailleurs condamnés pour certains délits lors de mouvements sociaux. Mais le gouvernement a cédé face aux attaques de la droite et du patronat et a finalement annoncé le 24 avril qu’il s’opposerait à ce texte, que la commission des Lois de l’Assemblée a ensuite rejeté.

Ce rejet ne faisait toutefois pas l’unanimité au sein du groupe PS de l’Assemblée, dont au moins un tiers des élus se disaient prêts à voter le texte. Le Front de gauche mais aussi le groupe écologiste, favorables au texte, ont voté contre ce renvoi.

André Chassaigne, président du groupe Front de gauche, a à nouveau vivement défendu le texte devant les parlementaires : « Cette loi défendue par les parlementaires du Front de gauche vise à rendre justice à ceux et celles qui ont décidé d’agir pour sauver leurs emplois et leurs entreprises. Elle vise à faire un geste en direction des salariés en lutte. Elle vise à donner raison aux militants et militantes qui ont agi pour le droit au logement et pour la dignité de tous les salariés. C’est la raison pour laquelle de nombreux militants, syndicalistes, associatifs, ainsi que de simples citoyennes et citoyens sont en ce moment même mobilisés devant notre Assemblée pour appeler à l’adoption de cette proposition de loi. […]

La gauche ne peut pas et ne doit pas abandonner ceux et celles qui se sont battus face au MEDEF et à la droite, et qui agissent aujourd’hui pour le bien commun et la relance économique de la France. C’est pour faire entendre ce message que nous appelons le Gouvernement et les différents groupes de la gauche à soutenir cette loi de justice. »


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