Démission de Benoît XVI, un pape intégriste intelligent

vendredi 22 février 2013.
 

Benoît XVI a annoncé ce lundi matin qu’il démissionnerait fin février. Un nouveau pape sera élu pour Pâques.

Dans le communiqué émis par Le Vatican, Benoit XVI explique : "Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer de façon adéquate le ministère pétrinien." Il affirme : "La vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié."

Nous présentons ci-dessous quelques liens vers des articles de notre site pui deux extraits du portrait tracé par le site catholique Golias concernant Benoït XVI.

Anne (Frank) et Joseph (Ratzinger) futur Benoît XVI (par Michel Onfray)

L’AMBITION DE BENOÎT XVI

Le Pape Benoît XVI, moins médiatique que son prédécesseur, ne semble pas moins déterminé. Bien au contraire, il cultive pour l’Eglise un projet vaste et fort ambitieux de renouveau...mais dans le sens le plus intégriste possible. Certes, il serait également simpliste de voir en lui un intégriste au sens habituel du terme, un pur nostalgique du passé. La théologie personnelle de Joseph Ratzinger résiste à l’évidence à toute tentative de la réduire à une option idéologique. En même temps, Benoît XVI se veut un Pape de reconquête du terrain perdu. Pour lui, le dogme catholique est la vérité, point final, aux côtés de laquelle nulle autre vérité ne saurait s’imposer comme alternative ou comme concurrente, ni même comme complémentaire ou seulement différente.

Les choix de l’actuel Pontificat, qui prennent de plus en plus forme, trahissent à leur manière cette orientation de fond, cette intention foncière. Le Pape souhaite le triomphe de la vérité catholique ; pour lui, le dialogue ne constitue aucunement une fin en soi ; il peut seulement parfois éventuellement constituer un moyen toléré, s’il se révèle stratégiquement porteur.

On se souvient des réticences de celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger face à la réunion des religions à Assise en 1986, voulue par Jean Paul II. Le grand péril, selon Joseph Ratzinger, réside en un nivellement des religions. Pour lui, l’ennemi principal, répétons-le, est le relativisme, à savoir la tendance à relativiser toute prétention à une vérité définitive et absolue. L’esprit des lumières serait grandement responsable d’une situation actuelle déplorée par le Pape, dont l’homme, amputé de sa dimension religieuse, ferait aujourd’hui les frais, et dont l’Eglise, détentrice de la vérité, paierait la note.

L’HERITIER INTRANSIGEANT

Benoît XVI pourrait donc se définir surtout comme intransigeant. Ce qui le rapproche véritablement du courant le plus intégriste du catholicisme. Qui oserait prétendre que la reconnaissance toute récente par Rome d’un quarteron d’ex-sectateurs de Mgr Lefebvre, avec l’octroi d’un statut juridique en or, relève seulement d’une volonté romaine d’accueil et non d’une connivence profonde de pensée et de stratégie ? Certes, le théologien avisé que demeure Joseph Ratzinger ne fera pas siennes toutes les affirmations d’un catholicisme intégriste qui se présente souvent comme la caricature de lui-même. Pourtant, il nous semble pouvoir lui reconnaître un air de famille, qui nous inquiète.

Revenons-en à l’intervention de Benoît XVI à Ratisbonne. Pour Joseph Ratzinger, seul le christianisme authentique réconcilie harmonieusement la foi et la raison. La faute du monde moderne est de sacrifier le sens religieux à un rationalisme aveugle et inhumain. L’islam, au contraire, célébrerait un Dieu à la volonté arbitraire souvent cruelle, au mépris du respect de la raison. En ce sens, le propos de Benoît XVI se veut éminemment apologétique : il s’agit, comme dans l’Eglise d’il y a cinquante ans et plus, d’établir que le christianisme est la vraie religion et que le catholicisme est le christianisme véritable.


Benoît XVI est donc, en un sens figuré, animé d’un esprit de croisade. Une croisade pour le triomphe de la vérité catholique ; une croisade contre les moeurs trop libres, les opinions trop discutées ; une croisade qui ne fera pas couler le sang mais qui pourrait finir par broyer les consciences. Le réquisitoire finalement emprunté contre l’islam n’a donc rien d’un faux pas de clerc, d’une maladresse d’intellectuel peu diplomate. Il participe, soulignons-le à nouveau, d’une attitude d’ensemble, d’une posture intransigeante, à la fois défensive et offensive. Bref, d’un grand combat.

Les répercussions de ses propos en Allemagne se poursuivront. Au-delà pourtant d’une querelle très significative, le spécialiste des religions serait bien inspiré de reconstituer le projet d’ensemble, de discerner le fil du collier qui donne sa cohérence à la juxtaposition des perles. En l’occurrence, la mise en oeuvre patiente mais inlassable d’une restauration conservatrice du catholicisme le plus intransigeant. Les discours et les initiatives de Benoît XVI deviennent inintelligibles dès que l’on perd de vue ce dessein foncier qui les supporte.

C’est pourquoi, un engagement renouvelé contre toutes les formes de fanatisme, transversales aux religions et aux idéologies, une volonté de résistance à ce qui enchaîne l’homme ou lui apprend à haïr son semblable, serait-ce au nom de Dieu ou d’une vérité intangible, une vraie laïcité qui assure une vraie liberté, constituent aujourd’hui des enjeux décisifs.

Il faut donc suivre avec une toute particulière attention les tensions internes aux traditions spirituelles entre ceux qui acceptent la modernité et ceux qui cultivent l’intégrisme sous des formes variées, ou du moins des postures intransigeantes, arrogantes et parfois.

D’où l’urgence également d’un dialogue respectueux entre les religions. D’une bonne connaissance de la complexité de traditions souvent paradoxales, dont l’on ne peut faire un bloc compact trop vite mal décrit (une caricature).

Et, plus que jamais, de cultiver un esprit critique bien aiguisé, face à toutes les prétentions de vérité absolue, que l’on croie au ciel ou que l’on y croie pas.


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