Après les pigeons, voici les vautours

lundi 12 novembre 2012.
 

Les pigeons ont gagné ; cela donne des idées aux vautours. Les « pigeons » sont ce groupe de patrons qui ont lancé l’offensive sur la toile contre le projet gouvernemental d’augmentation (très limitée) d’imposition sur la plus-value des cessions d’actions (voir la Lettre du CE et du CHSCT n° 177). Leur victoire rapide inspire les patrons des plus grands groupes français, regroupés dans l’Association française des entreprises privées (Afep) présidée par Pierre Pringuet, PDG de Pernod-Ricard.

Dans le Journal du dimanche du 28 octobre 2012, ils publient un appel « pour relancer la croissance et l’emploi » dont les recettes relèvent bien du dépeçage, domaine spécialisé des vautours. Leur cible c’est la compétitivité des entreprises, pour laquelle ils tiennent beaucoup à un « choc ». En effet.

Pour l’Afep la première urgence concerne la dépense publique qu’il faut mettre au pain sec : « L’État doit réaliser 60 milliards d’euros d’économie au cours des cinq prochaines années ». Le gouvernement en a annoncé 50 milliards ; ça ne suffit pas ! Peu importe aux yeux de ces grands capitaines que la seule brise qui souffle encore dans les voiles du navire économique français soit les dépenses publiques (d’investissement, de santé, d’éducation et de protection sociale), tant la consommation est en panne avec l’érosion des revenus et l’explosion du chômage. Avec cette recette, on ne va pas vers la récession, on y plonge !

L’autre recette concerne les entreprises qui leur tiennent tant à cœur. « Il faut baisser le coût du travail d’au moins 30 milliards d’euros sur deux ans en réduisant les cotisations sociales qui pèsent sur les salaires moyens (2 Smic et plus) » Et par quel moyen, s’il vous plaît ? « Un transfert financé pour moitié par un relèvement de la TVA de 19,6% à 21% et l’autre moitié par une baisse des dépenses publiques ». Cette hausse de la TVA n’étant pas sans effet sur les prix, la consommation déjà en berne en pâtira forcément. Que restera-t-il « pour relancer la croissance et l’emploi » ?

La présidente du Medef, [Laurence Parisot] furieuse de s’être fait voler la vedette par l’Afep, renchérit : « Nous pouvons comprendre un étalement de la mesure sur deux ou trois ans, mais dans ce cas, il faudrait aller jusqu’à 70 milliards de transferts. » (Les Échos, 29 octobre 2012). Dans la compétition du « choc de compétitivité », qui dit mieux ?

Il faut quand même prendre tout ça au sérieux, car la question est discutée. Dans les sphères gouvernementales, on a compris que l’affaire n’est pas très populaire ; on préfère désormais parler de « trajectoire », de « parcours de compétitivité » plutôt que de « choc ». Mais l’idée est toujours sur la table.

Compétitivité : qu’est-ce que c’est ?

La base de tous ces raisonnements est que les entreprises françaises souffrent d’un défaut de compétitivité. Cela se voit dans les chiffres. La part de la France dans le commerce mondial a reculé de 42% de 2000 à 2011 et sa part dans les exportations européennes de 25% sur cette dizaine d’années. La France perd donc des parts de marché à l’international et la contribution de son industrie à la production de richesse ne cesse de reculer sur le territoire, sous les coups de boutoirs des importations en provenance d’Asie pour les biens de consommation courants et d’Allemagne notamment pour les biens d’équipements industriels.

Donc, dans cette acception communément admise, la compétitivité renvoie aux parts de marché international dans les secteurs concernés par les exportations, c’est-à-dire principalement les produits de l’industrie manufacturière (et presque pas des services).

Cette définition mérite discussion, car il est loin d’être évident que la finalité de l’économie soit de vendre à l’étranger toujours plus de marchandises. On pourrait facilement soutenir que son but doit être de satisfaire les besoins prioritaires de la population dans des conditions de qualité et de coût optimales.

Mais dans le monde tel qu’il est, admettons que tels sont aujourd’hui les instruments de mesure de la compétitivité. Il est clair que, sur ce plan, la France n’est pas en forme.

On en arrive ainsi au second élément du raisonnement. Cette perte de compétitivité serait due aux coûts de production et singulièrement au « coût du travail ». Rien n’est moins sûr, même en comparant – comme c’est toujours fait – avec l’Allemagne.

« Coût du travail » : vraiment ?

Les faits sont têtus, n’en déplaise à l’Afep et à tous les médias qui lui emboîtent le pas.

• Malgré les 35 heures tant honnies par le patronat, les Français travaillent plus que les Allemands : en moyenne 1476 heures par an, contre 1413 en Allemagne. La durée de travail hebdomadaire effective, en moyenne pour les actifs, est de 38 heures (les 35 heures ont été effacées depuis longtemps) en France contre 35,7 heures pour les actifs allemands, en raison des nombreux emplois à temps partiel et petits boulots qui fleurissement outre-Rhin.

• Par heure travaillée, la productivité est plus élevée en France : 45,4 € de richesse produite (valeur ajoutée) par heure, contre 42,3 € en Allemagne.

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