Rome antique... Partie II L’empire (par Isaac JOHSUA)

mardi 30 octobre 2012.
 

Fin de partie : Rome ou comment finissent les régimes sociaux ? Retour sur l’Antiquité – Parties II

Deuxième partie de l’étude. Pour la première partie,

Fin de partie : Rome ou comment finissent les régimes sociaux ? Retour sur l’Antiquité – Partie I

Deuxième partie, l’Empire

Le 24 août 410, les Goths d’Alaric prennent Rome et la pillent pendant 3 jours. L’an 410 ap. J-C, telle est la date généralement retenue pour la fin de l’empire romain d’occident [1]. Auparavant, Théodose (379-395) aura été le dernier empereur à la tête de l’empire tout entier. Entre 27 av. J-C, date de naissance officielle de l’empire et cette mort, nous suivons une trajectoire d’un peu plus de 4 siècles, « remplie de bruit et de fureur » [2].

La plaie chronique des finances publiques

Difficile de croire que l’empire romain, cette construction grandiose, a été mise à bas par une incursion de « barbares ». Si nous nous intéressons plutôt aux failles de l’édifice, une caractéristique saute aux yeux : le décalage structurel, pour ne pas dire la béance, jamais refermée, entre l’espace à couvrir (en termes de territoire, de population, de diversité sociale) et les moyens d’y parvenir. La plaie chronique des finances publiques, telle est la principale manifestation de ce hiatus. En cas d’urgence les empereurs (quels qu’ils soient) ne disposent d’aucune réserve fiscale et « chaque conflit sérieux mène tout l’édifice de l’empire au bord de la ruine » [3]. Déjà, bien équilibré sous Tibère (14-37) et Claude (41-54) , le budget de l’Etat ne s’est jamais remis de l’incendie de Rome en 64 et le rétablissement opéré par Vespasien (69-79) n’est que provisoire. Tout au long du IIe siècle, sauf redressement temporaire, l’Etat est pris à la gorge. Sous Marc-Aurèle (161-180), le trésor est tout simplement vide. Les finances impériales sont à nouveau dans un état désastreux au début du règne de Septime Sévère (193-211)). Et on peut dire qu’au IIIe siècle, l’Etat romain a fait faillite : alors, ce ne sont plus qu’expédients, coups de force et mesures d’exception. Le redressement opéré par Dioclétien (284-305) et ses successeurs n’est qu’apparent, les mesures draconiennes qui le permettent révélant en fait l’état désespéré des finances publiques.

En réalité, s’agissant du budget de l’empire, nombre de dépenses sont incompressibles. Et en fait, pour beaucoup d’entre elles, c’est de croissance irrépressible qu’il s’agit. A commencer par les distributions de blé aux citoyens mâles de Rome, d’abord à prix réduit, puis gratuites à partir de 58 av. J-C. « Du pain et des jeux » demeure le fondement de la politique en direction de la plèbe romaine tout au long de l’empire. L’allocation gratuite de blé est une véritable institution, incontournable, à un point tel qu’elle se poursuit encore au Ve siècle, quand Rome est aux mains des Goths. Sous l’empire, on compte selon les moments 180 000 à 320 000 ayants droit, mais la ration mensuelle ne pouvait suffire qu’à 2 personnes. Au blé, viennent se rajouter le pain, la viande, le vin, l’huile. Et même des distributions d’argent ou « congiaires », offertes au peuple par tous les empereurs depuis Auguste, à l’occasion des avènements, des anniversaires, des triomphes et dont le montant par tête augmente, en partie à cause de l’inflation : on atteint couramment 140 deniers par tête et parfois 250. A la fin du IVe siècle, c’est à Rome mais également à Constantinople (fondée en 324) que l’Etat entretient la plèbe par des distributions de blé, de farine, de pain, d’huile, de viande de porc, de vin. Les autres postes de dépenses sont ceux concernant l’embellissement de Rome, l’érection et l’entretien des édifices publics de la capitale, la construction de routes, mais surtout les fonctionnaires, en nombre toujours plus important et pourtant toujours loin de correspondre aux besoins d’un immense empire.

Reste l’essentiel, c’est-à-dire l’armée, qui ponctionne le gros du budget, et de très loin. Les effectifs gonflent de façon impressionnante. D’environ 300 000 hommes du temps d’Auguste, on passe à près de 350 000 au IIe siècle et aux environs de 500 000 (sur le papier) lors du règne de Constantin (306-337). Sur le papier, parce qu’en ce dernier siècle de l’empire, toutes les troupes sont loin d’être opérationnelles, et doivent pourtant être entretenues. D’ailleurs, en matière de coût, le nombre n’est pas tout. Depuis Marius, nous l’avons vu, l’armée romaine est une armée de métier, recrutée par voie d’engagements volontaires. Or, du temps de la république, les légions, levées au commencement de chaque campagne, étaient dissoutes à la fin de celle-ci. Avec Auguste la permanence des corps est établie et le service est de long terme, de 16 à 26 ans. Désormais, l’armée pèse lourdement sur les finances publiques. Et ce d’autant plus que la solde est régulièrement augmentée : elle passe de 225 deniers sous Auguste à 300 sous Domitien (81-96), 375 sous Commode (176-192), 500 sous Septime Sévère (193-211). Elle aura doublé de Commode à Caracalla (198-217). Il est vrai que l’inflation sévit, mais elle ne suffit pas à compenser l’accroissement de la charge. En sus, il faut compter la nourriture, fournie gratuitement depuis Septime Sévère, alors qu’elle était auparavant déduite de la solde.

Ajoutons les primes versées aux vétérans lors de la démobilisation. Sous Auguste il s’agit dans un premier temps de lots de terre, auxquels s’ajoutent parfois des bœufs et des semences. En 13 av. J-C Auguste remplace les assignations de terre par une somme en espèces. Une caisse particulière est créée (aerarium militare), alimentée (sur décision prise en 6 ap. J-C) par de nouveaux impôts : droits de succession de 5% (payés par les seuls citoyens) et 1% sur les ventes.

Au total, selon les auteurs, l’armée absorbe entre 40% et 70% des dépenses du budget. On devrait en fait se situer vers le haut de cette fourchette. En effet, les divers calculs sont faits sur la base de la seule solde, ce qui implique sous-estimation, puisqu’en dehors de la solde, il faut compter l’approvisionnement, le renouvellement de l’équipement, sans oublier les primes aux vétérans [4].

L’armée gonfle, absorbe l’essentiel du budget, et demeure pourtant sous-dimensionnée. 300 000, 400 000 ou 500 000 hommes sous les enseignes, cela paraît beaucoup, mais l’empire est immense. En 235, il s’étend de l’Ecosse au Sahara et de l’océan atlantique jusqu’à la Mésopotamie. Après les campagnes menées par Trajan (98-117), les frontières s’étirent sur 10 200 km en comptant la Dacie (l’actuelle Roumanie), soit 9 600 km sans la Dacie, plus 4500 km de côtes. L’armée n’est qu’un mince cordon disposé aux limites de l’empire. Une fois ce cordon franchi, l’intérieur est sans défense. Nul besoin pour cela d’attendre Alaric et ses Goths : dès 166 la frontière du Danube est percée par une « confédération » de barbares, qui pénètrent en Italie du nord, semant la panique, menaçant Rome. Des corps de réserve ont bien été constitués, pour aller à la rencontre des envahisseurs. Mais, dès avant les Antonins (96-192), l’insuffisance des ressources a obligé à transférer la moitié de cette réserve en première ligne. A la fin du IIIe siècle, de nombreuses régions frontalières ont été abandonnées, faute de pouvoir les défendre. Les empereurs se résignent aussi à acheter la paix, ça et là, en versant de fortes sommes aux barbares, ce que fait déjà Caracalla (198-217).

En réalité, les effectifs sont réduits au strict nécessaire. Il en est ainsi faute de moyens, mais aussi du fait de difficultés de recrutement, qui vont s’aggravant. Du temps d’Auguste, on trouve assez facilement les 6000 légionnaires qu’il faut engager chaque année. Déjà au IIe siècle, il faut au moins 18 000 hommes par an et on ne les obtient qu’à grande peine. Marc-Aurèle (161-180) doit se battre sur les frontières méridionales et septentrionales, les Germains sont alors sur le point d’envahir l’Italie, la peste ravage l’orient et l’Italie. Le problème du recrutement devient brûlant. L’empereur enrôle des esclaves, des gladiateurs, des policiers municipaux, des Germains, des brigands. L’Espagne refuse d’envoyer des hommes à l’armée et Marc-Aurèle doit céder. La Gaule et l’Espagne regorgent de déserteurs.

Septime Sévère (193-211) doit tenter à son tour de faire face à la crise de recrutement. Une crise qui ne se limite pas aux seuls hommes de troupe : depuis le milieu du IIIe siècle, les sénateurs ne veulent plus exercer de charges militaires, alors qu’ils constituaient l’essentiel de l’encadrement du temps de la république. Vers la fin du IVe siècle la crise est devenue telle que des mesures d’exception s’imposent. L’enrôlement devient une obligation fiscale. Des propriétaires de terres sont réunis en une sorte d’unité fiscale, le capitulum. Ils doivent, solidairement responsables, fournir une recrue, à qui ils donnent un pécule. Cette recrue peut être, soit un des colons du groupe (dont le maître est indemnisé par les autres membres du consortium), soit un homme que l’Etat se procure lui-même grâce à la somme versée en remplacement par le capitulum. Si l’on parvient ainsi à surmonter – en partie - le problème du recrutement, c’est au prix d’une totale perversion : l’armée romaine n’est plus, depuis longtemps, une armée de citoyens, elle n’est même plus une armée de métier ou de professionnels, elle n’est plus qu’une armée de mercenaires guère motivés, plus portés aux exactions envers les populations qu’au combat contre l’ennemi.

Cette armée, dite romaine, est en réalité de plus en plus composée de barbares. Tel est déjà le cas à la fin du IIe siècle, encore plus au IIIe. Au IVe siècle, les soldats « achetés » par l’empereur (grâce à l’argent fourni par le capitulum) sont dans la plupart des cas des barbares. Les Germains composent alors entièrement les corps d’élite et arrivent aux plus hauts grades. A la même époque, on voit Rome passer accord avec des tribus barbares, qui fournissent des soldats moyennant compensation. Certaines de ces tribus s’installent sur les terres de l’empire et, si elles donnent des contingents militaires à l’armée impériale, c’est sous leur propre commandement. La fidélité de ces barbares à l’empire ne semble pas avoir jamais été prise en défaut, mais nous voilà certainement loin de l’époque des débuts de l’empire, où le corps des légionnaires était essentiellement composé d’italiens. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, les forces centrifuges sont à l’œuvre.

S’il en est ainsi, c’est encore et toujours du fait des croissantes difficultés du recrutement, difficultés auxquelles l’empire a tenté de faire face en augmentant les soldes, en récompensant les vétérans, en offrant des avantages fiscaux. Mais sans grand succès, car ces gestes étaient inévitablement d’ampleur limitée par la faiblesse des recettes fiscales, des recettes qui ont toujours été étroitement bornées.

Un abîme entre l’espace à couvrir et les moyens d’y parvenir

Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi cet abîme entre l’espace à couvrir et les moyens d’y parvenir ? On peut déjà avancer une première raison : une chose est la conquête, toute autre chose la gestion. La victoire militaire ne garantit pas, loin de là, la capacité à administrer le territoire conquis. L’empire d’Alexandre le Grand n’a-t-il pas été démantelé à la mort même du conquérant ? C’est une raison de ce type qu’avance Jean Maillet quand il déclare : « A la suite de circonstances exceptionnellement favorables se serait instauré un système irrationnel : l’organisation politique et militaire de Rome serait trop légère pour administrer et défendre le territoire de l’Empire, mais trop lourde pour les moyens que peut lui fournir ce territoire » [5], ou encore Roger Rémondon, qui nous dit : « Ce territoire dépasse les moyens des structures politiques et militaires qu’il est capable de supporter, il est trop réduit pour alimenter l’Etat qui serait en mesure de le maintenir », ajoutant que, dans l’Antiquité, ce déséquilibre entre étendue des conquêtes et structures de l’Etat conquérant était fréquent [6].

La contradiction est d’autant plus vive que, la stagnation technique aidant, la productivité est très basse et la production à peine suffisante. La grande masse de la population est proche du niveau de survie, le moindre incident peut la faire basculer, la disette menace en permanence, la famine n’est pas rare. Dès lors, les prélèvements fiscaux sont forcément limités, et la notion de pression fiscale n’a certainement pas le même sens qu’aujourd’hui, une pression qui n’a cessé de croître de Dioclétien (284-305) à Théodose (379-395) [7]. Une administration, une armée à la hauteur de ce qu’est l’empire est sans doute un luxe que cette population ne peut pas s’offrir.

Cependant, malgré l’importance des points qui viennent d’être évoqués, on peut se demander si on a bien fait ainsi le tour de la question. Je voudrais, pour ma part, avancer une autre hypothèse. L’Etat impérial doit compenser par ses propres moyens une centralisation absente. En effet, l’économie sur laquelle il repose demeure fondamentalement agraire : « Nous pouvons affirmer avec certitude dit ainsi Michel Ivanovic Rostovtseff que la majeure partie de la population de l’empire était employée dans l’agriculture, qu’elle cultivât elle-même la terre ou qu’elle vécût des revenus du sol » [8], et, de leur côté, Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec précisent même que 90% des 50 à 60 millions d’habitants de l’empire vivaient de l’agriculture [9]. Il s’agit donc d’une économie dispersée, éclatée, avec une grande faiblesse des rapports marchands, les échanges sont concentrés sur ceux villes-campagnes, et souvent sur une base purement locale, les transports sont lents et coûteux, surtout par voie terrestre. Il y a bien le transport de grandes quantités de blé pour nourrir Rome, il y a bien également le transport de nombreux produits de luxe pour une clientèle riche, mais, nous dit Jean Maillet « une province ne dépend jamais des autres pour les produits élémentaires. Les échanges ne jouent qu’un rôle secondaire, et ne lient pas comme un tout l’empire » [10]. Or, un Etat suppose a minima une souveraineté établie sur un territoire, l’unifiant par ce biais, alors que la réalité sociale sur laquelle s’appuie l’Etat de l’empire romain est celle de l’éclatement, de la dispersion. Cet Etat doit en quelque sorte contrebalancer par son seul mouvement la faiblesse de ses fondations. Il lui faut donc, en réalité, surcompenser, c’est-à-dire développer les deux principaux moyens que sont la bureaucratie et l’armée bien au-delà de ce que l’infrastructure économique peut supporter. Armée et bureaucratie sont hypertrophiés, et pourtant toujours insuffisants face à la mission impossible qu’ils ont à accomplir : unifier par le haut, artificiellement en quelque sorte, un espace que tout tire vers le bas, vers l’éclatement et l’éparpillement.

Les Etats de l’Egypte pharaonique, de la Mésopotamie sont pourtant parvenus à subsister des siècles durant, avec un très faible développement des rapports marchands et sans un réseau de cités prospères. Mais leur territoire était déjà unifié par le mode de production lui-même, reposant tout entier sur un ou des fleuves (le Nil en Egypte, le Tigre et l’Euphrate en Mésopotamie), sur la régularisation de leur cours et sur l’entretien des canaux d’irrigation. Dans cet univers, si un régime s’effondre, un autre le remplace, car il faut nécessairement une autorité centrale qui accomplisse ces tâches. Marx qualifie « d’asiatique » ce mode de production, et souligne qu’en Orient, avec l’irrigation et la régulation de l’eau, la propriété individuelle requiert un travail collectif pour pouvoir se valoriser, ajoutant : « Les conditions collectives de l’appropriation réelle dans le travail, telles les canalisations d’eau (très importantes pour les peuples d’Asie) et les moyens de communication, apparaissent ainsi comme l’œuvre de l’Unité suprême, du gouvernement despotique situé au-dessus des petites communautés » [11].

Là où l’Etat a beaucoup de mal à subsister c’est quand il chapeaute un territoire que rien n’unifie dans la vie économique et sociale. Je suis même tenté de dire qu’il n’y a d’Etat véritable – c’est-à-dire doté d’une certaine pérennité – que d’Etat bourgeois. Voilà qui peut paraître étrange, car il y a eu dans l’Histoire bien d’autres Etats. Mais les Etats de la Grèce antique étaient ceux de cités, et il y avait en quelque sorte une contradiction dans les termes à parler d’Empires-cités, comme l’empire romain lui-même l’a bien montré. Loin d’infirmer le propos, les grands Etats du proche ou du Moyen-Orient le confirment au contraire, puisqu’ils montrent qu’un Etat n’est assuré d’une certaine durée que s’il repose sur les bases matérielles de la production au sein de la société : si les Etats asiatiques ne reposaient pas, comme les Etats bourgeois, sur le réseau serré des rapports marchands et du rassemblement capitaliste, ils reposaient tout au moins sur l’hydraulicité, donc sur une autre forme de réseau, réseau de fleuves, de canaux. Lesquels, par leur structure et le rôle vital qu’ils jouaient dans la production, unifiaient ce qui n’était par ailleurs qu’un océan dispersé de travailleurs de la terre.

La fuite en avant

Au total, les diverses raisons avancées aboutissent toutes à une même conclusion : l’empire n’était pas viable. C’était une tentative audacieuse, mais vouée à l’échec. Comment alors expliquer qu’il ait vécu plus de 4 siècles ? La réponse tient en quelques mots : la fuite en avant, qui permet de repousser les échéances, mais au bout du compte aggrave les choses.

Et d’abord, le vieux procédé de la république : les conquêtes. A commencer par l’exploitation des conquêtes passées, à laquelle se livre systématiquement le Haut empire (situé habituellement entre 27 av. J-C et 284 ap. J-C, date de l’évènement de Dioclétien). Des impôts indirects, acquittés par les seuls citoyens ont été créés, nous l’avons vu, du temps d’Auguste, mais les impôts directs, assis sur la propriété foncière, ne sont payés que par les provinces, c’est-à-dire des territoires conquis et intégrés à l’empire, et ce, quel que soit leur statut administratif. Toutes les provinces assument au moins une des trois fonctions suivantes : approvisionner Rome en blé ; approvisionner l’armée en blé et autres produits ; fournir du numéraire aux soldats et aux fonctionnaires. Les grands fournisseurs de blé sont l’Afrique du nord, la Sicile, la Sardaigne, l’Egypte. Ce groupe de pays procure le blé fiscal, plus la majorité du blé issu des impôts supplémentaires, des réquisitions et des « achats » obligatoires (à prix réduit) [12]. Le ravitaillement de Rome et des gros centres de consommation urbains de l’Italie est ainsi assuré en grande partie gratuitement, par le biais de prélèvements. Mais, jusqu’à Dioclétien (284-305), ces prélèvements ne concernent pour l’essentiel que les provinces, dont les ressources sont littéralement siphonnées. Il est intéressant de relever que, sous la domination romaine, l’Egypte ne connaît pas de changements spectaculaires : les romains remplacent simplement les Ptolémées, un personnel romain prend la place des Grecs dans la direction du pays. Il s’agit avant tout d’un détournement du flux de prélèvement, qui chemine désormais en direction de Rome.

« Pour Rome, nous dit Claude Nicolet, la fiscalité est un produit d’exportation » [13]. On comprend que Jean Maillet ait pu dire que « l’empire continue systématiquement l’exploitation des provinces qui est la base de sa politique frumentaire. Lorsque les provinces auront été épuisées, ce sera la fin de la prospérité romaine et de Rome » [14]. D’ailleurs, les conquêtes de la république n’ont pas fourni seulement une matière imposable mais également un immense patrimoine à exploiter. L’Etat romain est devenu un très grand propriétaire foncier, intégrant de vastes étendues de terre arable et de pâturages, des forêts, des rivières et des lacs, des mines et des carrières, qui fournissent des revenus, sans compter ceux apportés par les vastes domaines découpés dans les territoires conquis et qui sont la propriété personnelle des empereurs.

En somme, le Haut-empire reposait encore sur les fruits des conquêtes de la république. Mais, comme nous l’avons vu, les dépenses augmentent, irrésistiblement. Il faut donc accroître les prélèvements sur les provinces déjà mises à contribution (Auguste lui-même double le tribut de la Gaule fixé par César à 40 millions de sesterces), mais cela se heurte à des limites évidentes. Ou alors se lancer dans de nouvelles conquêtes. Cependant, au fur et à mesure que les conquêtes s’étendent, la difficulté à gérer l’espace conquis grandit, jusqu’à devenir insoutenable. C’est alors que les vraies difficultés commencent. On ne peut plus tenter de combler le hiatus entre la surface que l’Etat doit couvrir et les moyens d’y parvenir par une fuite en avant dans de nouvelles conquêtes.

De façon significative, les périodes où les finances publiques se portent mieux sont précisément celles qui suivent les nouvelles conquêtes, quand elles ont lieu, comme si on revenait sur ses pas, cherchant à nouveau la solution de facilité. Tel est le cas de Trajan (98-117), qui mène contre le royaume Dace (actuelle Roumanie) deux guerres (en 101-102 et 105-106), qui lui permettent de rafler le trésor des Daces, d’exploiter leurs mines et de jouir d’une grande aisance financière. « Il est caractéristique que Trajan, Septime-Sévère (193-211), Aurélien (270-275) aient trouvé une solution à leurs difficultés financières dans la capture des trésors des Daces, des Perses ou de Palmyre » [15], relève Roger Rémondon. Il est de bon ton pour les empereurs d’organiser de solennelles remises d’impôts ; tel est le cas de Caligula (37-41), de Néron (54-68), de Domitien (81-96), de Nerva (96-98), de Trajan, d’Hadrien (117-138), d’Antonin (138-161) et il est intéressant de constater que certaines de ces remises sont tout simplement rendues possibles par le butin de nouvelles conquêtes.

Cependant, l’empire, c’est aussi la prise de conscience qu’il n’est plus possible d’aller plus loin dans la conquête. Auguste aurait donné à son successeur Tibère le conseil de « resserrer l’empire entre des bornes » [16]. Conseil suivi, sauf exceptions notables, par tous les successeurs, qui s’en tiendront à une politique défensive. Il est vrai que la période julio-claudienne (27 av. JC – 68 ap JC) voit la création de nouvelles provinces et l’activité militaire s’accentue sous les Flaviens (69-96) et les Antonins (96-192), la progression des positions romaines est alors générale en Bretagne, en Germanie, du côté du Danube, en Orient. Mais, dans la plupart des cas, nous dit Roger Rémondon, il ne s’agit que d’un achèvement [17]. Si Trajan (98-117) reprend l’offensive, Hadrien, qui lui succède (117-138) revient à une politique défensive, renonçant même à certaines des conquêtes de son prédécesseur. En réalité, les frontières de l’empire sont atteintes dès Auguste dans leurs lignes essentielles, sous la triple forme de la mer – mer du nord, Manche, océan Atlantique, mer Noire, mer Rouge – des grands fleuves – Rhin, Danube, Euphrate – et du désert – Syrie, Afrique.

Bien qu’il en soit ainsi, en l’absence donc de nouvelles ressources exceptionnelles, les impôts n’ont pratiquement pas augmenté pendant les 200 ans qui séparent l’époque d’Auguste de celle des Sévères, les finances publiques sont en difficulté, mais pas de façon spectaculaire. Comment l’expliquer ? Auguste a accumulé une immense fortune personnelle, il est le maître de l’Egypte, l’héritier de l’énorme fortune de César. Sur ses propres fonds, il fait de nombreux dons en argent au peuple et aux soldats, et finance des travaux d’équipement à Rome et dans les provinces. Les sommes comptabilisées par Auguste lui-même au titre de ses « contributions personnelles » sont énormes (2 milliards 400 millions de sesterces). Dans la pratique, il est impossible de distinguer entre sa fortune personnelle et les fonds qu’il possède en tant que magistrat suprême, gouverneur de nombreuses provinces et souverain d’Egypte, succédant aux Ptolémées. Les finances publiques de l’empire sont régulièrement en déficit, mais celui-ci est comblé par la bourse privée de l’empereur.

En dehors du seul cas d’Auguste, les empereurs de la période julio-claudienne (27 av. J-C – 68 ap. J-C) sont devenus, à l’issue des guerres civiles de la république, les hommes les plus riches de l’empire, et contribuent directement aux dépenses liées aux distributions à la plèbe, aux jeux offerts à celle-ci, aux travaux publics qui accroîtront leur gloire. Le blé provenant des domaines impériaux d’Egypte et d’Afrique est pour eux une source essentielle de revenu, employé à l’approvisionnement de l’armée. De façon plus générale, au Haut-empire (période qui va jusqu’à l’avènement de Dioclétien, soit 284), une part considérable des dépenses du gouvernement continue d’être assurée par les revenus du domaine, qu’il s’agisse de l’ager publicus ou des revenus propres des biens impériaux. Ce à quoi il faut ajouter les confiscations massives des biens de l’aristocratie sénatoriale, telles que pratiquées par Néron (54-68) ou par Septime Sévère (193-211) ou encore les biens légués aux empereurs par les sénateurs, ceux-ci abandonnant une partie de leur fortune dans l’espoir de sauver le reste.

Comme on le voit, il s’agit de prélèvements liés, de près ou de loin, aux guerres de conquête. C’est que nous partons de très haut et que ces deux premiers siècles de l’empire reposent encore sur les fruits des conquêtes de la République. En somme, même sous l’empire, alors que les guerres de conquête ont, en principe, cessé, les marges de manœuvre sont encore fournies par les anciennes guerres. L’économie de prélèvement est toujours à l’œuvre, héritage du passé ou actualité, s’il s’agit de confiscations, de grands procès (qui permettent de s’emparer des biens de ceux incriminés) ou d’héritages forcés.

La manipulation monétaire

En l’absence de nouvelles conquêtes, ce mode de financement doit de toutes façons s’épuiser et ainsi en est-il vers la fin du IIe siècle. Alors, c’est dans une autre sorte de fuite en avant que se précipitent les empereurs. Celle de la manipulation monétaire, sous deux de ses formes principales : la réduction du poids des monnaies, et la réduction de leur titre (c’est-à-dire de la proportion d’or ou d’argent qu’elles contiennent). Auguste crée une pièce d’or, l’aureus, au poids de 7 gr 81, un poids qui passe à 7 gr 27 sous Néron (54-68) puis à 7 gr 12 sous Marc Aurèle (161-180). Le poids du denier d’argent, de 3 gr 89 sous Auguste n’est déjà plus que de 3 gr 41 sous Néron. Quant à la proportion d’argent dans le denier, de 98-99% environ sous Auguste, elle n’est plus que de 90% sous Néron et même de 70% sous Commode (176-192). De son côté, Marc Aurèle altère le titre de la monnaie d’or, en introduisant un alliage représentant 10% du total.

Aux deux premiers siècles de l’empire, la dépréciation des monnaies est donc réelle et pourtant, au total, de faible ampleur. Les choses changent du tout au tout au IIIe siècle, à partir du règne de Caracalla (198-217), qui remplace le denier par une nouvelle monnaie fortement dévaluée, l’antoninianus. De Caracalla à Gallien (253-268) son poids passe de 5,02g à 2,52g et son titre de 500 (pour mille) à la valeur dérisoire de 100 (pour mille) en 260 et même de 24 (pour mille) en 268. Avec ses 60 mg symboliques d’argent fin, pour une pièce pesant environ 2,5g, cette monnaie est devenue pratiquement fiduciaire [18]. Les réformes de Claude II (268-270) et d’Aurélien (270-275) ne changent pas le cours des choses. S’agissant du IIIe siècle, Jean Maillet parle d’un véritable « chaos monétaire » [19].

Entre 290 et 300, Dioclétien met en œuvre sa réforme monétaire ; il revient à une certaine orthodoxie, frappe de nouvelles pièces, mais, avec l’abondance des émissions, le succès est mitigé. En 312, c’est au tour de Constantin de tenter une remise en ordre ; à nouveau, de nouvelles pièces sont émises, mais, s’il y a une stabilisation, elle est de courte durée, car la monnaie courante, en cuivre, est frappée en quantité.. En 337, à la fin du règne de Constantin, la dévaluation de cette monnaie atteint d’extraordinaires proportions : du début à la fin de ce règne (306-337), le volume de sa circulation aurait sextuplé. « L’histoire monétaire du IVe siècle est celle d’une série d’opérations de dévaluation, coupées de temps en temps de tentatives, généralement malheureuses, de déflation », dit André Piganiol [20]. Enfin sous Théodose (379-395), dernier empereur à régner sur l’empire romain unifié, « la catastrophe monétaire éclate irréparablement » [21].

Comme toute fuite en avant, la manipulation monétaire permet de repousser les échéances, mais au prix, à terme, de l’aggravation des difficultés. Dans un premier temps, en effet, cette manipulation procure au trésor public, en un tournemain, de nouvelles recettes, puisqu’elle lui permet de payer ses dépenses en monnaie ayant l’ancienne dénomination, mais, en réalité, fortement dévaluée. A terme, qu’il s’agisse de la baisse du poids des monnaies, de l’altération de leur titre ou de la multiplication des émissions sans valeur métallique intrinsèque, les procédés entraînent une inflation accélérée. Les prix doublent d’Auguste à la fin du IIe siècle, l’inflation explose au IIIe siècle et, si elle ralentit, demeure rapide sous Dioclétien (284-305) et Constantin (306-337). Une même mesure de blé qui valait un denier sous Auguste et 2 en 200, en vaut 4 en 250, 6 en 269, 50 en 276, 75 en 294, 330 en 301 [22]. Constantin abaisse à 4,55 g le poids de la monnaie d’or, l’aureus, qui prend le nom de solidus. L’Egypte ayant une monnaie de compte particulière, le drachme, le solidus valait, en Egypte, 4000 drachmes en 301, 6 millions en 341, 180 millions en 400 [23].

La fuite devant la monnaie accompagne l’explosion de l’inflation et la désintégration monétaire. L’espace couvert par l’économie monétaire tend à se restreindre, celui de l’économie « en nature », autrement dit en termes de valeurs d’usage, tend au contraire à croître. L’empire sape ses propres bases, et ce, d’autant plus que la manipulation monétaire est un remède sans lendemains aux difficultés des finances publiques : elle procure de nouvelles recettes artificielles, mais réduit le poids réel des rentrées fiscales, quand celles-ci sont acquittées en monnaie. Ensuite, il n’y a plus qu’à recommencer, en un cycle de plus en plus rapide et de plus en plus destructeur du fonctionnement de l’économie marchande.

Les vices congénitaux de l’empire

L’Etat romain a d’autant plus de mal à compenser la faiblesse de ses bases dans la société qu’il est affaibli par des vices congénitaux, par de profondes fissures qu’il a hérité de son histoire. Ainsi en est-il du mode de désignation des empereurs. Partisans de l’empire, les Romains étaient par contre farouchement opposés au régime monarchique. Dès lors, suivant en cela la doctrine établie par Auguste, l’empereur n’est que le magistrat suprême. Il n’est « ni le dépositaire d’un héritage ni le propriétaire d’un royaume » [24]. Toujours suivant la doctrine établie par Auguste, le pouvoir se transmet par adoption : l’empereur adopte « le meilleur parmi les meilleurs » pour assurer sa succession [25]. Mais c’est là une règle qui n’est pas indiscutable et n’est pas toujours respectée. Le cas de Marc-Aurèle illustre bien les incertitudes en la matière. Avant son règne, aucun empereur n’a de fils, ce qui facilite les choses. Marc-Aurèle en a un, Commode, et n’hésite pas à lui transmettre le pouvoir. L’absence d’une règle claire et incontournable (telle que l’hérédité) crée le chaos à la tête de l’Etat, à coups de complots et d’assassinats. Les quelques exemples qui suivent en disent long à ce sujet. Caligula est assassiné à l’âge de 28 ans, Néron poussé au suicide le 9 juin 68, à 30 ans, Domitien est assassiné le 18 septembre 96, Commode est victime d’un complot, le 31 décembre 192. Il est remplacé par le préfet de Rome, P. Helvius Pertinax, lequel sera assassiné à son tour et n’aura régné que 87 jours. Rien ne prouve que Tibère (14-37) et Claude (41-54) soient morts naturellement [26]. De façon générale, les règnes sont brefs et se terminent souvent brutalement.

Affaibli par le mode de transmission du pouvoir, l’Etat impérial l’est encore plus par les relations qu’il entretient avec l’armée. Celle-ci est tout à la fois « la colonne vertébrale » du régime [27] et son plus grand ennemi. C’est, en quelque sorte, le péché originel d’un empire fondé par la force militaire, celle de César d’abord, puis celle d’Octave. Un empire qui n’a jamais surmonté sa tare originelle : avoir été créé par l’armée. Dans un premier temps, l’armée contrôle la désignation du nouvel empereur ; puis, dans un deuxième, elle le désigne. C’est à partir du règne des Sévères (193-235) que la participation de l’armée à l’élection de l’empereur devient prédominante. D’ailleurs, ce sont les légions du Danube qui ont nommé Sévère. Après Gallien (253-268), l’empereur est presque toujours un militaire. Le sénat ne participe plus guère à sa désignation. Pupien (238), Balbin (238) et Tacite (275-276) sont encore désignés par lui, mais il faut préciser qu’en ce qui concerne Tacite, c’est l’armée qui a demandé au sénat de se prononcer. Proclamé empereur en 282 par l’armée, Carus ne demande même plus l’approbation du sénat. A la fin du IIIe siècle, les empereurs sont tous désignés par l’armée, sauf exception.

Ammien Marcellin, un auteur de l’époque (la partie conservée de son ouvrage porte sur 353–378) fait la description suivante du processus de désignation du postulant empereur par l’armée. D’abord des pourparlers s’engagent entre chefs militaires. Puis le candidat monte sur une tribune et se présente à l’armée. Si elle lui est favorable, elle le témoigne par un grand fracas de boucliers. Il se retire alors, pour reparaître avec les insignes impériaux. Il se présente une deuxième fois aux troupes et c’est alors qu’il est fait Augustus. L’empereur désigné communique ensuite son élection aux autres armées et au sénat de Rome, lequel fait éventuellement connaître son approbation, de toutes façons purement formelle [28]. La désignation des empereurs par l’armée, devenue officielle, montre que l’Etat se réduit de plus en plus à sa seule colonne vertébrale militaire. Du temps de la république, le flux allait des institutions politiques à l’armée (des citoyens aux soldats, des comices à l’armée). A la fin de la république, il va de l’armée aux institutions politiques. A la fin de l’empire, l’armée est elle-même l’institution politique. Toute cette évolution met l’empereur dans la dépendance d’une armée qui, coûte que coûte, doit être choyée, fut-ce aux dépens de la société civile. Les dernières paroles adressées par Septime Sévère (193-211) à ses fils auraient été : « Soyez unis, enrichissez les soldats et méprisez le reste » [29], ce qui illustre bien la faiblesse intrinsèque du pouvoir impérial.

Surtout, comme l’armée n’est pas un corps unique, il arrive souvent que des postulants empereurs en concurrence les uns avec les autres soient désignés par des régiments différents, ce qui ouvre la voie à l’affrontement armé et à la guerre civile. De 193 à 284 se succèdent environ 70 empereurs légitimes ou non, parmi lesquels environ 25 sont combattus ou éliminés par la force. Durant la même période, 15 à 20 guerres civiles opposent des troupes et des chefs romains [30]. Les empereurs sont souvent tués par leurs officiers ou leurs soldats ou par ceux d’un rival. Les soldats assassinent Caracalla (198-217), Macrin (217-218), Elagabal (218-222), Sévère-Alexandre (222-235). Déjà, le suicide de Néron avait été provoqué par une révolte militaire. Pour lui succéder, chaque armée a proclamé son propre candidat ; s’en est suivi une guerre civile de près d’un an. Il n’a donc pas fallu attendre le IIIe siècle pour observer les failles irrémédiables de l’empire. Le mode de désignation des empereurs et le rôle décisif de l’armée se combinent pour créer des affrontements sanglants, des guerres civiles et de terribles discontinuités dans la permanence de l’Etat. C’est là une faiblesse dramatique, car si l’unicité de la souveraineté sur un territoire est le premier trait marquant d’un Etat, la continuité de l’exercice de son autorité en est certainement le deuxième. Cette maladie a rongé l’empire dès ses débuts et contribuera à sa perte.

Comme on le voit, le classe sénatoriale est toujours présente. Pour en faire partie, il faut disposer d’une fortune d’au moins un million de sesterces. Ce sont surtout de gros propriétaires fonciers, mais leur influence politique est pratiquement nulle. La fortune exigée pour faire partie de l’ordre équestre est bien inférieure (400 000 sesterces au minimum), mais le poids réel des chevaliers beaucoup plus important que celui des sénateurs. Non plus en tant que publicains, autrement dit en tant que financiers, car, à partir d’Auguste, la ferme des impôts leur est progressivement enlevée. Par contre, l’administration impériale se recrute de plus en plus au sein de cet ordre et au IIIe siècle l’ordre équestre lui-même se recrute exclusivement dans l’armée et occupe pratiquement tous les postes administratifs. L’administration se militarise. L’armée s’empare de l’Etat parce qu’elle désigne l’empereur, mais aussi parce qu’elle accapare l’administration impériale elle-même.

Sous la fine pellicule de l’empire finissant, le Moyen Age

Toutes ces failles béantes ont certainement contribué à la chute finale. Cependant, elles n’ont fait qu’accentuer la faiblesse constitutive de l’Etat impérial, une faiblesse née du violent contraste entre l’ampleur de l’édifice étatique et l’étroitesse des bases sur lesquelles il repose dans la société. Alaric et ses Goths n’ont fait que donner le coup de grâce à un empire qui ne parvenait qu’à se survivre. Et le plus frappant est que le Moyen Age était en quelque sorte tout prêt sous l’enveloppe du dernier Etat impérial et qu’il a surgi sur le devant de la scène dès que cet Etat, profondément délabré, s’est effondré.

Un premier constat s’impose : les rapports de production à la campagne se rapprochent progressivement de ceux du Moyen Age. La première chose à noter, le grand mouvement qui bouleverse l’économie de l’empire, c’est la régression de l’esclavage. Au Ier siècle les esclaves sont encore présents en abondance, à la ville, également à la campagne, sur les grands domaines. Leur nombre ensuite se stabilise, puis commence à décliner à la fin du IIe siècle, mais surtout au siècle suivant. La chute est plus rapide dans l’agriculture que dans le commerce et le service domestique, où ils conservent longtemps une grande place. Mais le recul de l’esclavage est entamé et s’accélère au IVe siècle. « Toute la vie économique du IVe siècle est dominée par cet événement considérable : le déclin de l’esclavage », dit André Piganiol [31]. A la fin du IVe siècle l’esclavage a pratiquement disparu des campagnes, sauf sur certains grands domaines. Aux derniers temps de l’empire, on ne trouve d’esclaves en grand nombre que dans les vastes domaines de l’orient, dans les mines et les ateliers de l’Etat, où ils ne sont d’ailleurs pas en majorité [32]. C’est que les grandes guerres de conquête ont cessé et c’était elles qui fournissaient les flots d’esclaves. Dès le milieu du IIe siècle, on note la décadence des marchés d’esclaves et une augmentation des prix qui s’y pratiquent. Or, il faut constamment alimenter l’effectif servile [33], car il y a une grande faiblesse de la reproduction naturelle. La longévité est ici très faible (voisine d’une vingtaine d’années), les mariages féconds assez rares, la mortalité infantile considérable. L’inévitable fin d’un développement extensif, basé sur la conquête, a entraîné la disparition d’un mode de production qui ne pouvait subsister qu’en poussant toujours plus loin l’occupation de nouveaux territoires.

Sur les domaines, une main-d’œuvre doit remplacer les esclaves de moins en moins nombreux. Ce sera les colons. Il s’agit, soit d’esclaves (éventuellement affranchis) casés sur un petit lopin (un processus qui se poursuivra encore au Haut Moyen Age), soit de paysans libres, contraints de remettre leur petite exploitation au puissant propriétaire foncier local et de se transformer en simple locataire. Déjà harcelés par le grand propriétaire, ces petits paysans sont contraints de s’endetter, de vendre ou de perdre leur terre, et de basculer au statut de tenanciers. Ils ont la jouissance héréditaire de la terre qu’ils cultivent contre paiement d’un fermage en nature et de quelques jours de corvée sur le domaine que se réserve le propriétaire foncier. Au IIIe siècle, le colonat est devenu la forme normale de l’exploitation de la grande propriété ; au IVe siècle il domine partout. Hommes libres, en principe rien d’autre que des fermiers, les colons passeront d’autant plus facilement (au IIIe, au IVe siècle) sous la dépendance du gros propriétaire que, pour éviter les pressions des collecteurs d’impôt, ils sont poussés à rechercher le patronage d’un puissant. Transformés peu à peu en colons dépendants, ils échappent alors de plus en plus à l’autorité de l’Etat en passant sous celle d’un maître.

Au bout du compte, la grande exploitation au IIIe, au IVe siècle fait apparaître la structure du système domanial du Haut Moyen Age [34] : une part en faire-valoir direct, cultivée avec des esclaves et les corvées ; puis des petites tenures, exploitées par des esclaves casés et des colons, tenures « qui deviendront les manses du Moyen Age » [35]. En ces siècles, on constate même la généralisation de villages à maître unique : « un domaine unique recouvre en fin de compte la plus grande partie ou la totalité d’une bourgade » [36], nous dit Ramsay Macmullen. Si on ajoute que la période impériale est toute entière traversée par un processus de concentration foncière, qui va même s’accélérant, et atteint son apogée au IVe siècle, on aura complété le tableau : le Moyen Age est déjà là au sein de l’empire romain finissant, et bien avant sa chute. La grande différence est de l’ordre de la superstructure : un Etat subsiste encore, il y a encore une administration, un pouvoir central ou qui se prétend tel, et, surtout, une armée. Mais le décalage entre l’infrastructure sociale et cette superstructure est de plus en plus criant, la première qui tire vers le bas, vers le repli, vers d’innombrables pouvoirs éclatés d’un monde agraire et rural et la seconde qui, de ce fait, voit de plus en plus ses fondations se dérober sous elle.

Une économie « en nature »

Cette description est d’autant plus fondée que l’économie de l’empire romain évolue vers une économie « en nature ». En effet, la multiplication des manipulations monétaires et l’inflation galopante détruisent progressivement l’instrument monétaire. La dépréciation monétaire réduit la sphère des échanges, le commerce, l’industrie et pousse à une circulation en valeurs d’usage qui, à son tour, réduit à nouveau la sphère des échanges et tire le centre de gravité de l’activité économique de plus en plus vers le bas, en définitive sur le domaine et dans la masure du paysan. Or, l’Etat impérial doit déjà compenser par ses propres moyens une centralisation absente : l’économie demeure fondamentalement agraire, donc, localisée, les échanges sont surtout ceux villes-campagnes, et sur une base souvent purement locale, les transports sont lents et coûteux, surtout par voie terrestre. Et voilà que la décomposition monétaire vient rajouter son propre poids à toutes ces forces qui tirent vers le bas. Les deux moyens utilisés par l’Etat pour tenter de surmonter ces handicaps sont la bureaucratie et l’armée, mais ils coûtent cher, et ne peuvent, à eux seuls, suffirent à compenser toutes les forces centrifuges. On le voit : les mesures désespérées prises par les empereurs pour prolonger la vie de l’empire en ont au bout du compte, délabré les fondations.

Comme on le comprend aisément, c’est d’abord l’activité urbaine qu’ont paralysée la hausse des prix, la crise de l’outil monétaire et le ralentissement du trafic. Des villes animées, entretenant entre elles des relations marchandes constituent un réseau unificateur, qui lie un territoire, tend à le constituer comme un tout, malgré la faiblesse des moyens de transport. Ces cités, à leur tour, rassemblent autour d’elles la campagne environnante, par des échanges villes-campagnes, artisanat-agriculture, qui drainent (et donc polarisent) à la fois la population et les produits. Le déclin des cités brise cet ordonnancement. Ce déclin accroît le repli sur la campagne et, à la campagne, sur le domaine. En un cercle vicieux, ce repli, à son tour, accentue le déclin de la vie urbaine, en réduisant la sphère couverte par sa production et par son commerce. Dès le IIIe siècle, on peut constater un peu partout des tendances au fractionnement, au repli local, voire à l’autarcie, tendances accentuées au IVe. De plus en plus, le centre de gravité est le domaine, où se concentrent tout à la fois la production, la circulation des produits et leur consommation. Il est intéressant de constater que le manuel agricole de Palladius, de la fin du IVe siècle, dit qu’il faut qu’il y ait sur le domaine des ouvriers de toutes spécialités [37]. Aux IIIe et IVe siècles (comme déjà signalé) on note la généralisation des villages à maître unique, une façon d’annoncer le Moyen Age au sein même de l’empire romain.

Or, un Etat est l’expression d’une souveraineté, c’est-à-dire l’expression d’une volonté unificatrice, même si, bien sûr, cette unification peut se réaliser à des degrés très divers. Il a donc beaucoup de mal à subsister quand tout dans l’évolution économique et sociale tire vers l’éparpillement. Il peut compenser les discontinuités de l’espace social sur lequel il repose, mais jusqu’à un certain point seulement. Si le divorce est trop grand, il apparaît comme une excroissance parasitaire, de plus en plus fragilisée. Le Moyen Age aura finalement mis en adéquation superstructure politique et état de la société.

L’évolution de la fiscalité de l’empire est une parfaite illustration de l’effet de cette force de gravitation. En effet, le prodigieux abaissement du titre des monnaies et l’inflation galopante entraînent la désintégration de l’outil monétaire et celle-ci pousse le budget de l’Etat dans le sens de recettes et de dépenses en nature. L’Etat ne peut accepter des impôts pourtant versés avec sa propre monnaie, et ainsi en est-il également pour ceux qui le servent, soldats ou fonctionnaires. Aux deux premiers siècles, pour l’armée, le blé, le matériel, les fournitures sont encore achetés aux particuliers. Mais dès le temps des Sévères (193-235), l’évolution vers des impôts acquittés en produits est très nette (surtout pour l’entretien des armées), une évolution qui se prolongera, voire s’accentuera au IVe siècle sous Dioclétien (284-305).

D’ailleurs, le prélèvement fiscal prend de plus en plus la forme de réquisitions. L’empire n’achète même plus à prix réduit, mais réquisitionne. Alors qu’il traite de l’empire chrétien (c’est-à-dire de la période qui court à partir de 325), André Piganiol nous dit que la plus grande part des impôts est perçue en nature et qu’il en est de même pour la solde des fonctionnaires, payée aussi pour la plus grande part en produits [38]. Tout le long des routes, auprès des maisons de poste, l’Etat a construit des entrepôts et c’est en bons sur ces entrepôts que les fonctionnaires sont payés. La solde des troupes est fournie pour les trois quarts en vivres, pour le quart en argent, mais la dévaluation rend cette dernière part insignifiante. Dans chaque corps, des bons de vivres sont remis, et les soldats vont les présenter aux greniers de l’Etat [39]. En réalité, le système du prélèvement direct va bien au-delà du seul paiement des employés de l’Etat. Un grand nombre de prestations et de réquisitions se font en nature : fourrage des animaux de l’armée, fourniture du bois de chauffage et de l’huile pour les thermes municipaux, etc. Les soldats ont même un droit de réquisition sur les locaux des civils, une loi de 398 précisant que l’hôte a droit au tiers de la maison [40].

Impôts payés en nature, paiements de l’Etat en nature enlèvent toute élasticité au système fiscal. Car, dans ce cas, vu les performances en matière de transport de l’époque, on ne peut prélever les impôts que dans un rayon géographique limité et on ne peut distribuer ces recettes également que dans un rayon limité. Ajoutons que les recettes fiscales étant en nature, ce sont nécessairement les mêmes valeurs d’usage qui sont prélevées par l’Etat et distribuées par lui, ce qui limite encore plus ses marges de manœuvre. Tout le système pousse à l’éclatement ; il pousse à une gestion qui ne peut se faire que par le bas, tout à l’inverse d’une logique d’Etat.

Encore faut-il acheminer les produits prélevés jusqu’aux greniers de l’Etat. Lourde tâche, pour laquelle, là encore, on réquisitionne, mais cette fois de la main-d’œuvre, celle de paysans qui devront fournir en sus leurs propres bêtes de trait. Nous sommes toujours dans le domaine de l’économie en nature, sauf qu’après avoir prélevé les produits de la force de travail, on prélève désormais la force de travail elle-même. Un système qui ne se limite certainement pas au seul transport de vivres. La réquisition devient universelle. « La multiplicité des services que l’Etat exige à titre gratuit est un des caractères les plus frappants de l’organisation de l’empire depuis les Sévères (193-235) » [41], relève André Piganiol. La cause ? « L’Etat assume des obligations en nombre croissant qui exigeraient des fonctionnaires si nombreux qu’il serait incapable de les rémunérer » [42], dit Piganiol, lequel, s’agissant de l’empire chrétien, apporte les précisions suivantes : l’Etat réquisitionne des ouvriers pour entretenir les routes et les ponts, réparer les édifices publics ; il exige des fournitures de bois et de charbon ; il peut aussi avoir besoin d’ouvriers qualifiés. On peut réquisitionner des ouvriers pour faire la farine et cuire le pain. Ouvriers gratuits, mais également fonctionnaires gratuits : maîtres de poste, chefs de la police locale, préposés au chauffage des bains. Une grande partie du petit personnel des municipalités est pareillement fourni par des réquisitions : archivistes, comptables, scribes, gardiens des temples [43].

Corvées et autres réquisitions contribuent à la destruction de la paysannerie petite ou moyenne. Déjà harcelée par le grand propriétaire, elle est ruinée par ce système qui l’oblige à abandonner ses terres pour un temps de transport qui peut être fort long. Contrainte de s’endetter, de vendre ou de perdre sa terre, elle passe au statut du colonat et sous la dépendance de maîtres. Elle y passera d’autant plus rapidement que, pour éviter les pressions des collecteurs d’impôt, elle va rechercher le patronage des puissants. On le voit facilement : nous nous rapprochons à grands pas de l’époque médiévale. Ainsi en est-il des corvées, des prélèvements directs de force de travail, de l’extension d’une dépendance universelle, du repli autarcique sur le domaine et de la généralisation des villages à maître unique. Ainsi en est-il également des réquisitions qui annoncent les banalités (telles celles concernant la farine ou le pain) ou d’un système de commandement qui, bientôt dépouillé des attributs de la puissance publique, va fournir l’armature de la seigneurie. Le Moyen Age est déjà présent au sein de l’empire finissant.

L’armée elle-même ne peut échapper aux forces centrifuges. En effet, avec ce système d’économie en nature, elle se ravitaille nécessairement sur place. Ce qui prépare sa dislocation, car chaque groupe de provinces (voire chaque province) doit pourvoir aux besoins de ses propres troupes. Ajoutons que, sous les Antonins (96-192), son recrutement se stabilise sous une forme toujours plus étroite, régionale d’abord, locale ensuite et déjà sous Hadrien (117-138) ce recrutement est devenu strictement local. Peu à peu, non seulement les soldats, mais aussi les chefs sont unis par leur communauté d’origine : c’est « la fin de l’unité de l’armée impériale » [44], affirme Léon Homo. De surcroît, Septime-Sévère (193-211) accepte que les soldats légionnaires vivent en famille. Et dans la composition des troupes, on note la place croissante des fils de soldats, nés dans la proximité immédiate du camp. L’armée est « fixée au sol » [45]. Ce qui se comprend d’autant mieux si on précise que de nombreux soldats cultivent leur propre lopin non loin du casernement. Au IVe siècle, indique Jean Gagé, il devient dangereux de faire passer des unités occidentales, gauloises notamment, au front d’orient [46]. Michel Ivanovic Rostovtseff parle d’une transformation de l’armée romaine en « un corps de paysans sédentaires » [47].

Une armée peu à peu éclatée en autant d’armées régionales, fort loin de l’unité qui était la sienne quand, dans des temps reculés, elle était surtout composée de Romains remplissant leur devoir à l’égard de leur cité. Un éclatement qui est lui-même le résultat des difficultés financières inextricables de l’empire : l’armée coûte cher, mais, malgré cela, on ne peut accorder suffisamment d’avantages aux futurs soldats pour les attirer sous les enseignes. Les difficultés du recrutement obligent à des concessions, qu’il s’agisse du recrutement purement local, du mariage toléré ou du lopin de terre à cultiver. Ainsi se prépare la dislocation de l’armée impériale, bien avant l’invasion d’Alaric. L’empire porte en lui-même les germes de sa mort future, sans avoir pour cela besoin de quelconques barbares.

Des mesures de survie qui préparent la chute finale

Alors que ses points d’appui se dérobent l’un après l’autre, l’Etat impérial tente désespérément de sauver l’essentiel (l’armée) et pour cela de s’assurer l’essentiel (des rentrées fiscales). Mais, ce faisant, il sape les derniers fondements sur lesquels il repose encore. En situation de survie, toutes les mesures prises par les empereurs successifs ont désormais pour seul objectif de sauver (temporairement) l’Etat, fût-ce aux dépens de la société. Une évolution particulièrement frappante en ce qui concerne le sort réservé aux villes de l’empire. Des villes en réalité traversées de part en part par l’activité agricole, vivant de la campagne qui les environne. Les riches propriétaires fonciers y résident, non parce qu’ils se consacrent à telle ou telle activité proprement urbaine, mais parce que dans la ville se regroupent les gens bien nés, parce que la ville est par excellence le lieu de la culture et de la civilité. Des riches propriétaires fonciers qui se retrouvent (accompagnés éventuellement de commerçants ou de boutiquiers aisés) au sein du conseil municipal et qui vont, au Ier et au IIe siècles, consacrer une part importante de leurs ressources à bâtir et entretenir des édifices publics, à embellir leur cité, à offrir des jeux et des banquets à la population, à importer du blé en cas de disette. Autant d’occasions de se faire valoir, de rehausser le prestige et le rang de leur famille, de préparer une carrière politique. Aucun impôt direct n’existe alors dans ces villes, les dépenses municipales sont assurées par les libéralités (les « liturgies ») des membres du sénat municipal, les « décurions ».

Mais ces dépenses sont de plus en plus lourdes et déjà au temps des derniers Antonins (soit la fin du IIe siècle), on constate un déclin de cette pratique. L’impôt aurait dû remplacer les contributions volontaires, mais l’empire était dans l’incapacité de mettre sur pied un véritable service fiscal, se substituant aux anciennes fermes des publicains. La riposte des empereurs consistera, à nouveau, à aller au plus court, et, là encore, à réquisitionner, à transformer d’autorité les décurions en percepteurs d’impôts à titre gratuit sur le territoire relevant de la cité. Septime Sévère (193-211) est le premier empereur à exiger en la matière une responsabilité personnelle des magistrats municipaux. Mais, de façon révélatrice, telle était déjà la situation en Egypte dès la première moitié du IIe siècle : presque tous les postes officiels étaient « des liturgies ». Ils n’étaient pas rémunérés, et les décurions étaient contraints de payer si un impôt n’était pas versé ; sinon leurs biens étaient confisqués et vendus. A son tour, Dioclétien (284-305) reprend (et amplifie) les mesures prises par ses prédécesseurs. Au IIIe siècle les décurions sont responsables sur leurs biens et leur personne de la levée des impôts, des réquisitions, des fournitures militaires. Au sein des conseils municipaux, il s’agit, nous dit Michel Ivanovic Rostovtseff de choisir « la prochaine victime condamnée à la ruine et à la fuite » [48]. Dès le IIe siècle ces conseils commencent à se vider.

Pour essayer de contrer cette évolution, on passe au IIIe siècle au principe de la responsabilité individuelle : des hommes riches (les « 10 premiers » ou « 20 premiers ») sont désormais déclarés personnellement responsables de la rentrée des impôts et en répondent sur leur personne et leur fortune. Au IVe siècle il sera même interdit de se dérober aux responsabilités municipales par la fuite et la charge devient héréditaire. Quiconque possède 25 arpents (un peu plus de 6 ha) peut être inscrit d’office parmi les curiales (membres du sénat municipal). Les fils de curiales sont réintégrés dans leur condition quand ils cherchent à s’en évader, en s’expatriant, en aliénant leurs biens, en s’engageant dans l’armée. Rien n’y fait, la fuite éperdue des possédants se poursuit : ils quittent la ville et se réfugient sur leurs terres. La vie urbaine s’étiole, le déclin des villes s’accentue. Aux IIIe et IVe siècles la tendance à la ruralisation s’accélère, ainsi que celle au repli sur le domaine, annonçant le Moyen Age. L’Etat impérial obtient sans doute des recettes fiscales indispensables pour sa survie, mais il perd les bases urbaines sur lesquelles il s’appuyait et est désormais confronté à de puissants maitres qui échappent de plus en plus à son autorité.

C’est pourtant la même mécanique qui s’est mise en marche, et de façon encore plus redoutable, en ce qui concerne le statut du colon. En effet, Dioclétien a introduit (sans doute aux alentours de 297) une réforme fiscale décisive. L’exonération de tout impôt direct dont avait bénéficié l’Italie depuis les temps reculés de la république est supprimée, et un nouveau système est mis en place, dit de jugation-capitation. Il s’agit d’une combinaison (dans des proportions difficiles à définir) d’une taxe foncière (le jugum) et d’une taxe personnelle (le caput). La première est due par unité de surface, la seconde par résident (certains auteurs pensent qu’il s’agirait d’un impôt foncier calculé sur une base personnelle, soit le nombre de têtes sur un domaine). Pour s’assurer absolument de la rentrée (vitale) des impôts, le propriétaire d’un domaine est rendu responsable de la perception des impôts dont ses colons sont redevables. Dans ces conditions, le danger le plus grand pour l’Etat impérial est la fuite du colon, qui lui permet de se soustraire à ses obligations fiscales. Les empereurs vont donc lier le colon à une terre (et, de ce fait, à un maître), lui interdire toute fuite, imposer la poursuite et le retour du colon fugitif. Dans la mesure où les principaux impôts de l’Etat frappent les terres cultivées mais aussi les têtes de paysans, « l’Etat a voulu assurer aux propriétaires la constance de leurs revenus, pour s’assurer lui-même une rentrée régulière des impôts » [49], dit André Piganiol. « Il devient de l’intérêt à la fois du fisc impérial, des propriétaires fonciers et des magistrats que ne soit modifié, sur un territoire donné, aucun des éléments composant le matériel humain d’exploitation ainsi que la matière imposable » [50], ajoutent Peter Garnsey et Richard Saller.

La loi de Constantin de 332 est le premier texte législatif qui entrave ouvertement la liberté du colon [51]. Elle décrète que « le propriétaire chez qui on aura trouvé un colon appartenant à un autre devra le rendre à son lieu d’origine et payer la capitation pour la durée du temps où il l’aura retenu » [52]. Dès lors, le colon du Bas-Empire est sans doute un homme libre, qui peut même posséder une propriété foncière personnelle ; mais il ne peut être séparé de la terre où il travaille, ni de sa propre volonté, ni par la volonté de son maître [53]. L’interdiction faite au colon de vendre ses biens propres sans l’autorisation du maître apparaît en 305, l’interdiction de poursuivre le maître en justice en 396 [54]. Valentinien (364-375) autorise le maître à châtier un colon fugitif et il faudra que Théodose (379-395) interdise en 388 les prisons privées. En somme, le colon est réputé de condition libre mais « esclave de la terre » [55].

Voilà le « lien à la glèbe », si caractéristique du Moyen Age, présent bien avant la fin de l’empire et non comme un résultat de sa chute. Décidément, le Moyen Age est bien déjà là, sous la fine pellicule de l’empire finissant. Décidément les tentatives désespérées de se survivre ont amené l’Etat impérial à creuser d’autant plus vite sa propre tombe. Car, en précipitant une grande partie de la population paysanne sous l’autorité de maîtres (déjà pratiquement des seigneurs), il la fait échapper à celle de l’Etat et sape ses propres fondations. Les empereurs voient le danger, mais il fallait éviter à tout prix que la masse imposable vienne à diminuer [56], nous dit Paul Petit. Désormais, face aux puissants, le petit paysan n’a pas la protection de l’Etat, au contraire l’Etat s’appuie sur les puissants, leur délègue son autorité. Les forces centrifuges poussent à transmettre le pouvoir d’Etat à des agents privés, et ainsi à privatiser l’Etat.

Cependant, si l’on a paré au risque de fuite du colon, reste celui de la fuite de ses enfants. Il faut absolument s’assurer de la stabilité des rentrées fiscales, celles actuelles, mais celles à venir également. Sur décision impériale, le statut du colon (et son lien à la terre) seront donc héréditaires, transmis à sa descendance. N’est-ce pas là, à nouveau, un autre trait propre au Moyen Age, si fortement caractérisé par la transmission héréditaire d’un statut, d’un « état » ? La chose est d’autant plus frappante que cette transmission est loin de se limiter au cas du seul colon : au IVe siècle, le lien à une activité, à un métier, est transmis de père en fils. Tel est le cas des armateurs, les naviculaires (navicularii). Le lien à leur métier ne peut être rompu, et il se transmet obligatoirement à leur descendance. Dès 314 les biens des naviculaires sont bloqués : quiconque possède ces biens est tenu de faire office de naviculaire. Même chose pour les boulangers : ils ne peuvent abandonner leur profession, et la charge est héréditaire. A partir du IIe siècle, les empereurs successifs étendront cette réglementation à de nouvelles corporations. Sous le Bas empire, le métier militaire lui-même devient héréditaire : les enfants de soldats doivent devenir soldats.

La société se fige. L’Etat n’a pas de ressources à suffisance : il veut donc s’assurer la poursuite d’activités jugées vitales ou simplement importantes, et, ne pouvant les acheter, il y contraint les individus. Comme les colons liés à leur terre, naviculaires, boulangers, etc. sont liés à leur métier, car il faut absolument assurer le ravitaillement de Rome, la distribution du pain, etc. Le changement est de taille. Dans la Rome républicaine, statut personnel (esclave, libre ou affranchi) et statut politique (citoyen romain ou étranger) se transmettaient de père en fils. Mais il n’en était pas de même du lien à l’activité. Celui-ci désormais devient héréditaire. Les corps intermédiaires grandissent en importance, l’Etat distend encore un peu plus les rapports qu’il entretient avec la société : entre l’Etat et l’artisan la corporation s’interpose, le maître fait écran entre l’Etat et le colon, etc.

L’organisation en corporations ossifiées, la décomposition de la société en « états », la transmission héréditaire de ces états, autant de traits qui font immédiatement penser au Moyen Age. Dans l’empire finissant nous avons déjà la prédominance de la villae, le repli sur le grand domaine, une économie autarcique, l’étroitesse des échanges, une vie centrée sur la campagne et non sur la ville, l’esclavage subsistant, mais des esclaves que l’on case, un colonat de plus en plus répandu, des rapports universels de dépendance, un grand domaine réparti entre réserve et manses, les redevances et les corvées, des corporations étroitement réglementées, une organisation de la société en « états ». Le Moyen Age est déjà là et bien là. Est-il alors étonnant de constater que Dioclétien (284-305) confie le commandement des forces armées à des généraux, que ceux-ci se nomment duces et que nous sommes ici à l’origine de l’emploi médiéval du mot ducs ? Est-il étonnant de constater que sous Constantin (306-337), on a toujours des ducs mais également des comtes ?

Il est clair maintenant que les goths d’Alaric n’ont porté que le coup de grâce à l’empire finissant. Y a-t-il en effet structure sociale plus contraire à l’existence d’un Etat que celle du Moyen Age ? Tout dans l’évolution de l’empire a mené à une logique de repli, d’éclatement en des petites unités indépendantes, en contradiction totale avec ce qui fait l’essentiel de l’Etat : une autorité centralisée. L’Etat impérial lui-même, dans ses dernières formes d’existence, est un Etat démantelé, en pièces détachées, qui, au lieu d’exercer lui-même la souveraineté, ne peut faire autrement que de la déléguer. C’est un Etat qui, avant même de disparaître, n’en est plus tout à fait un.

Conclusion générale

Nous voilà à la fin d’une histoire décidément « remplie de bruit et de fureur », et qui signifie sans doute quelque chose [57]. Quelles sont les conclusions auxquelles nous aboutissons ?

La première de ces conclusions – et certainement la plus importante – est que la fin de l’empire romain n’est pas un événement principalement « politique », à savoir le résultat d’un effondrement de l’Etat (lui-même lié aux invasions barbares), un effondrement qui, une fois survenu, aurait ouvert la voie à ce qu’il est convenu d’appeler la féodalité. Nous n’avons pas un empire abattu par des barbares. Nous n’avons même pas un empire mort de sa belle mort et laissant la place au Moyen Age qu’il portait en lui. Nous avons un Moyen Age présent au sein de l’empire finissant et qui, se développant, a finalement condamné l’empire qui le portait. De ce point de vue, le schéma est le même que ce que fut, de nombreux siècles après, le renversement, à son tour, de l’aristocratie par la bourgeoisie. Cette dernière avait déjà creusé ses galeries dans la société féodale, avait déjà assuré des positions de force au niveau économique, était déjà une puissance sociale et n’a plus eu qu’à se redresser pour s’emparer du pouvoir politique. La conquête du pouvoir politique est alors un couronnement et non un début. Qu’il s’agisse de l’empire romain ou de la société féodale, la nouvelle société est déjà présente dans l’ancienne et s’emploie à la miner. Or, le schéma de la révolution prolétarienne présenté par Marx et Engels fonctionne à l’envers : la nouvelle économie, et, par suite, la nouvelle société, ne peuvent voir le jour qu’après la prise du pouvoir politique. Celui-ci est le terme premier, la transformation sociale suit. Cela peut-il être le cas, alors que l’expérience historique semble plutôt montrer l’inverse ? La question est posée.

La deuxième conclusion porte sur l’ensemble de la trajectoire romaine, englobant la république et l’empire, une trajectoire gouvernée de bout en bout par les limites d’un mode de développement extensif. Rappelons-le, la théorie économique distingue développement extensif (c’est-à-dire la simple utilisation à une échelle élargie des mêmes facteurs de production) et développement intensif (un accroissement de la production basé sur l’amélioration de la productivité des facteurs). Or, alors qu’un développement intensif n’a pas de fin visible, le développement extensif en a une, car il vient nécessairement buter tôt ou tard sur la grandissante raréfaction de la (ou des) ressources qu’il exploite. La trajectoire romaine n’est-elle pas une parfaite illustration d’une telle impasse ? La conquête, tel est l’élément moteur de l’histoire de la république ; la fin de la conquête, tel est l’élément moteur de l’histoire de l’empire.

S’agissant de la Rome républicaine, il faut rappeler que l’évolution qui combinait prolétarisation et capitalisme, tous deux inaboutis, aurait pu durer beaucoup plus longtemps qu’elle ne l’a fait, et que c’est la guerre de conquêtes qui a donné toute sa portée au processus et en a potentialisé tous les effets. C’est cette guerre qui a détruit la petite et moyenne paysannerie ; qui a, ce faisant, détruit les institutions romaines (donc, les fondations de la République), gonflé la plèbe et fabriqué l’armée mercenaire, les deux entrées par lesquelles l’Empire est déjà présent sous la République. La fuite en avant, c’est-à-dire pousser la conquête encore plus loin, a permis de reporter les échéances, mais s’est avérée être une voie sans issue. Quant à l’empire, créé par les conquêtes, il ne pouvait – temporairement – subsister qu’en y mettant un terme. Mais, en même temps et par le même mouvement, il se condamnait. C’est cette fin des conquêtes qui a entraîné la progressive extinction du mode de production esclavagiste, un mode de production qui caractérisait si fortement les derniers siècles de la république et les premiers de l’empire. C’est cette fin qui nous fait entrer, bien avant l’heure, dans le Moyen Age, avec le colonat et l’organisation domaniale. C’est aussi cette fin qui, en faisant disparaître les ressources exceptionnelles accumulées par prélèvement (butin, tribut, accaparements, etc.) a contraint les empereurs successifs à des mesures désespérées, qui ont peut-être repoussé l’échéance mais préparé le dénouement fatal.

Nous trouvons, sous la plume de Marx, dans la Préface de la Critique de l’économie politique la phrase suivante : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société » [58]. Belle formule, souvent citée, mais peu explicite. Après comme avant l’avoir lue, la seule façon de savoir si une formation sociale a fait son temps est d’assister à sa fin : « la chouette de la connaissance ne sort qu’à la tombée de la nuit » [59]. Pourtant une idée essentielle est présente dans cet énoncé, malgré la référence au « développement des forces productives » : l’idée selon laquelle une formation sociale déterminée porte en elle des potentialités finies et que ce sont ces potentialités qui en fixent les limites dans le temps. Ce que l’histoire de la Rome antique illustre amplement.

N’avons-nous pas ici des leçons à tirer en ce qui concerne le capitalisme ? En effet, contrairement à une vision communément répandue, l’extensivité est une dimension essentielle d’un système capitaliste auquel on accole plus volontiers l’idée d’intensivité. Obnubilés par la réelle capacité du capitalisme à susciter le changement technique, nous ne prenons pas assez en compte à quel point la croissance impulsée par ce système repose sur la multiplication de prélèvements purs et simples dans un environnement qu’il ne contribue pas à créer et qu’il se contente de piller.

Travaillé par sa soif de profit, le capitalisme prélève autour de lui tout ce qui peut l’être, sans souci du lendemain ni du destin de l’Humanité. Il en vient à exploiter intensément les deux sources de toute richesse, l’homme et la nature, sapant de par son propre mouvement les bases de son développement. « La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale, dit Marx, qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur » [60]. En ce qui concerne la nature, nous voyons maintenant les limites de l’exploitation d’une planète mise en coupe réglée, nous voyons l’épuisement des ressources non reproductibles, nous voyons la crise mondiale de l’énergie. Sur tous ces plans, il est impossible de fixer des dates, mais nous savons que nous sommes entrés dans l’ère d’un monde fini. Dans ces conditions, la rente accaparée par le propriétaire du sol ou du sous-sol va venir amputer le profit de plus en plus sévèrement. Jusqu’ici l’entrepreneur capitaliste parvenait à y échapper en s’appuyant sur la profusion des ressources disponibles et en mettant en concurrence les fournisseurs. Cette période est révolue et, même si l’horizon de l’épuisement est encore lointain, nous savons que nous sommes de l’autre côté de la pente et qu’il nous faut gérer avec parcimonie le stock disponible.

Après la nature, l’homme, car la deuxième mondialisation, celle dans laquelle nous sommes, est celle du capital productif, elle est donc celle de la mise en concurrence universelle des forces de travail. Une concurrence qui sera d’autant plus importante qu’on arrivera à attirer plus d’individus sur le marché du travail, ce qui peut s’obtenir par des transferts de main-d’œuvre de la petite production vers le salariat. C’est en jetant ses filets dans le vivier en apparence inépuisable de la paysannerie que le capitalisme est parvenu, au fil des siècles, à contenir les prétentions des travailleurs déjà employés. Tel a été le cas, lors de l’accumulation primitive (qui a chassé les paysans de leurs terres) mais également lors des phases d’accumulation qui ont suivi, où il s’est agi de transférer des paysans vers les usines, soit dans le pays concerné, soit vers les métropoles, sous forme d’immigration. Le capitalisme s’alimente à la diversité qui l’entoure, mais, ce faisant, il la détruit et lui substitue la terne homogénéité de sa domination. Il s’agit d’un mode de développement clairement extensif, car le stock de main-d’œuvre paysanne n’est pas sans fond et les transferts devront nécessairement s’arrêter quand on se rapprochera des niveaux minimums de population active agraire qui sont ceux des pays développés. C’en sera fini alors de la concurrence sans frein, basée sur des salaires insignifiants, exercée en direction des pays développés ; c’en sera fini des pressions exercées sur la force de travail déjà en fonctionnement dans le pays émergent par les nouveaux bataillons issus de la campagne. Il devrait en résulter une montée générale des salaires, menaçant les profits de façon durable.

Nous nous heurtons ici à la contradiction de tout développement extensif, qui est aisé à mettre en œuvre mais n’est pas indéfiniment renouvelable, et doit nécessairement s’épuiser quand s’épuise la ressource qui l’alimente. Dans les pays développés, la part des entrepreneurs individuels a été réduite à la portion congrue. La réserve d’entrepreneurs individuels (paysans, mais aussi artisans, petits commerçants, etc.) est beaucoup plus importante dans les pays en voie de développement, mais elle n’est pas extensible à l’infini, et nous partons souvent de beaucoup plus bas que nous ne pourrions le croire, car nombreux parmi ces pays sont ceux où le poids des salariés dans l’emploi total dépasse déjà les 50% ou 60%. Sans même attendre le moment où « la réserve de paysans » sera épuisée, nous constatons déjà un mouvement de rattrapage en matière de rémunération entre pays développés et émergents, mouvement qui réduit (et devra encore plus réduire à l’avenir) l’avantage de coût dont bénéficient temporairement les pays émergents.

Bien d’autres enseignements pourraient être tirés de la montée flamboyante de l’empire romain, de son apothéose et de sa chute finale . Cette chute n’est-elle pas devenue le symbole même de l’inévitable fin des régimes sociaux, même les plus grandioses ? Cependant, « l’expérience du passé est comme une lanterne allumée qu’un homme porte sur son dos : elle n’éclaire que le chemin déjà parcouru » (Confucius). L’Histoire nous apporte ses leçons, mais elle ignore les redites et l’avenir conserve son mystère.

Isaac Johsua, septembre 2012

Ouvrages consultés

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Brunt Peter Astbury, Conflits sociaux en République romaine, Maspéro, Paris, 1979.

Carcopino Jérôme, Histoire romaine. La république romaine de 133 à 44 av. J-C. César, T2, PUF, Paris, 1937.

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Le Glay Marcel, Jean-Louis Voisin, Yann Le Bohec, Histoire romaine, PUF, Paris, 2011.

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Rouvier Jean, Du pouvoir dans la République romaine. Réalité et légitimité. Etude sur le consensus, Nouvelles éditions latines, Paris, 1963.

JOHSUA Isaac

Notes

[1] Sauf indication contraire, les dates indiquées s’entendent comme étant celles d’après J-C. Les dates données entre parenthèses à la suite des noms des empereurs sont celles de leur règne.

[2] La vie “est un récit conté par un idiot, rempli de bruit et de fureur, qui ne signifie rien », Macbeth, V, 6, William Shakespeare, œuvres complètes, Tragédies II, p717, 719, Robert Laffont, 1995.

[3] Michel Ivanovic Rostovtseff, p269.

[4] Claude Nicolet, p305, Marcel Le Glay, p356.

[5] Cité par Roger Rémondon, p256.

[6] Roger Rémondon, p324.

[7] Paul Petit, p670.

[8] Michel Ivanovic Rostovtseff, p247.

[9] Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec, p340.

[10] Jean Maillet, p78.

[11] Karl Marx, Fondements de la critique de l’économie politique, T1, p438, 439.

[12] Peter Garnsey et Richard Saller, p164.

[13] Claude Nicolet, p272.

[14] Jean Maillet, p79.

[15] Roger Rémondon, p324.

[16] Peter Garnsey et Richard Saller, p319.

[17] Roger Rémondon, p264.

[18] Paul Petit, p478.

[19] Jean Maillet, p81.

[20] André Piganiol, empire chrétien, p297.

[21] André Piganiol, Empire chrétien, p298.

[22] Roger Rémondon, p111.

[23] André Piganiol, empire chrétien, p298.

[24] Patrick Le Roux, p36.

[25] Michel Ivanovic Rostovtseff, p103.

[26] Patrick Le Roux, p21.

[27] Peter Garnsey et Richard Saller, p155.

[28] André Piganiol, empire chrétien, p304,305.

[29] Michel Ivanovic Rostovtseff, p293.

[30] Paul Petit, p491.

[31] André Piganiol, empire chrétien, p276.

[32] Paul Petit, p220,221.

[33] André Piganiol, empire chrétien, p415.

[34] Jean Maillet, p76.

[35] André Piganiol, empire chrétien, p279.

[36] Ramsay Macmullen, p43.

[37] André Piganiol, empire chrétien, p280.

[38] André Piganiol, empire chrétien, p289, 317. L’empereur Constantin est converti au christianisme officiellement en 324.

[39] André Piganiol, empire chrétien, p335.

[40] André Piganiol, Empire chrétien, p335.

[41] André Piganiol, empire chrétien, p342.

[42] André Piganiol, empire chrétien, p342.

[43] André Piganiol, empire chrétien, p343,344.

[44] Léon Homo, p423.

[45] Léon Homo, p183,184.

[46] Jean Gagé, p257.

[47] Michel Ivanovic Rostovtseff, p314.

[48] Michel Ivanovic Rostovtseff, p355.

[49] André Piganiol, empire chrétien, p277.

[50] Peter Garnsey et Richard Saller, p401.

[51] Paul Petit, p505.

[52] André Piganiol, empire chrétien, p278.

[53] Piganiol, empire chrétien, p276.

[54] André Piganiol, empire chrétien, p277.

[55] Paul Petit, p678.

[56] Paul Petit, p678.

[57] Allusion à Macbeth, de Shakespeare. Voir plus haut.

[58] Karl Marx, Critique de l’économie politique, Préface, Paris, Editions Sociales, 1957, page 5.

[59] La formule de Hegel est plus précisément : « La chouette de Minerve ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit ». Minerve/ Athéna est la connaissance.

[60] Karl Marx, Le Capital, L. 1, T2, p182.


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