Bastille 18 mars : la naissance d’une force consciente, active, politiquement éduquée, autonome

samedi 24 mars 2012.
 

C’était seize heures place de la Bastille. Eric Coquerel puis Marie-George Buffet venaient de quitter la petite tente où je terminai de préparer mon discours. Sur les écrans nous suivions la suite de la marche que nous venions de finir puisque nous marchions dans un improbable « carré de tête » pourtant précédé de plusieurs milliers de marcheurs ! Entrent Gabriel Amard, l’homme de l’organisation logistique et François Delapierre. Ce sont mes compagnons de combat depuis des années bien qu’ils soient plutôt jeunes. Nous avons les mêmes codes les mêmes mots pour désigner les choses. A leurs mines exaltées et à leurs sourires ennuyés j’ai compris qu’on allait se dire des choses peu banales. Alors j’ai su que nous avions atteint notre objectif. Ils sont venus me poser le problème le plus extravagant que j’ai jamais rencontré dans mon parcours d’orateur politique. Un problème technique. Résumons en mots aussi brefs que furent les leurs.

« La place de la Bastille est pleine. Les avenues et les rues immédiatement adjacentes se remplissent. Les issues de dégagement de la place seront donc bloquées dans peu de temps. Le parcours jusqu’à Nation est toujours plein. Et la place de la Nation ne s’est toujours pas vidée ». Pour décoincer un système qui est déjà quasiment incontrôlable, il faut vider la place de la Bastille ou du moins la débonder. Trop de gens commencent à s’écraser sur les barrières, notre propre service d’ordre ne peut plus circuler, les véhicules de secours ne pourraient pas passer, il y a beaucoup d’enfants au milieu de la foule. Bref il y a danger. Je dois donc limiter la durée de mon temps de parole. « On pense qu’une fois que j’aurais fini, les hymnes étant chantés, la place se videra. Ton discours étant filmé il pourra être diffusé une seconde fois quand la place se sera remplie une seconde fois. Mais là encore il ne faudra pas bloquer trop longtemps car la place de la Nation continue de se remplir » De cette façon le flux sera possible. J’approuve le dispositif qui m’est proposé. Je me suis donc adapté. Faire plus court que les trois quart d’heure de prise de parole prévue sur le format de notre premier meeting place Stalingrad en juin dernier.

Commence un exercice littéraire dont à la vérité je suis très gourmand : la contraction de texte...

Il faut avec un quart d’heure de moins, déchirer le ciel et m’envoler avec le génie de la Bastille...

Car pour nous l’événement ce n’est pas seulement le discours. Le discours compte bien sûr. Celui-là comptera, je le sais très bien et je ne fais pas le faux modeste. Mais l’important c’est la marche. Car la marche c’est l’implication populaire concrète. Une action à laquelle chacun participe et fabrique de soi-même. Tout le monde le savait en venant ! Tous sont venus pour cela. Chacun a compris ce qu’il devait faire ce jour-là non comme un badaud mais comme acteur à part entière de cet événement. Les délégations ouvrières des entreprises en lutte s’étaient réparties tout au long des vingt-sept cortèges. Certaines venues de bien loin et partie fort tôt le matin, qui en co-voiturage, qui en car, qui même en avion comme ceux de Bastia ! La réussite du rassemblement tenait à sa forme joyeuse, bonne enfant, faites de sourires partagés et de mots narquois ! Dans les rames de métro, à l’aller et au retour, des groupes chantaient et scandaient encore des slogans. Des chars défilaient, les pancartes les plus inventives pullulaient. C’est cela l’événement : la naissance d’une force consciente, active, politiquement éduquée, autonome qui agit sans besoin de consigne ni organisation infantilisante comme chez les gros bonnets du showbiz politique. Voila pourquoi nous sommes les plus forts et que notre heure est inéluctable. Que ceux qui en doutent voient Ridan, courageux et facétieux aller chanter chez Hollande et les précieux pour leur dire à la fin qu’il votait Front de Gauche. Et toute la salle d’applaudir réduisant à néant le flot des postures prétentieuses dont j’avais été accablé peu avant.

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