USA "Pour le peuple d’Ohio, solidarité et victoire"

jeudi 15 décembre 2011.
 

A l’occasion de son élection, le gouverneur de l’Ohio John Kasich avait offert aux syndicats un choix : « montez dans le bus » de son programme, avait-il dit, « ou faites-vous écraser ». Le bus n’a pas tardé, car les citoyens de l’Ohio ont vu arriver, quelque mois plus tard, le passage de la loi SB5, qui donne à l’état le pouvoir de fixer la couverture sociale des employés du public quasiment sans négociation avec les syndicats. De l’austérite la plus classique : faire payer aux travailleurs le prix d’une crise budgétaire créée par les banques spéculatrices.

La loi inclut également un paquet de réformes destinées à casser les syndicats des fonctionnaires, des policiers, des pompiers et des enseignants, notamment une interdiction des grêves et une réstriction du droit des syndicats d’imposer des cotisations à leurs membres.

Cette attaque contre les travailleurs s’est soldée par un échec. Les syndicats, solidaires dans la lutte, ont mené une mobilisation de masse. D’abord, en mars 2011, la campagne de rappel, où 1,3 millions des citoyens de l’Ohio ont signé des pétitions pour mettre sur le scrutin de novembre un référendum sur SB 5 ; ensuite, une série de manifestations, de conférences, de pétitions, de coups de téléphone, de barbecues militantes et de piqueniques solidaires, pour aboutir à la victoire électorale du 8 novembre qui a supprimé cette indigne loi SB 5.

Quelles sont donc les leçons de cette solidarité, de cette mobilisation et de cette victoire ? Tout d’abord, Kasich est devenu l’emblème de ce que l’on appelle parfois « la surextension républicaine », où la droite, rendue hardie par l’ascendance des Tea Parties, se croit capable d’éliminer d’un coup tous les acquis sociaux. « Ils veulent rayer le vingtième siècle », estime Sam Webb, chef du Parti Communiste des Etats-Unis (CPUSA), dont les membres ont participé pleinement à la campagne contre SB5.

Ensuite, la campagne contre SB5, comme le soulèvement de Wisconsin en février-mars 2011, montre que les partisans de l’austérité ne peuvent plus compter sur leur vieille stratégie, qui consiste à persuader les électeurs que les employés du public se paient des vies de luxe aux frais des contribuables. Le public a vu le ridicule de peindre un prof de lycée ou un pompier en Sardanapale et a reconnu qu’un salaire correct, une retraite, et une couverture médicale constituent non pas un vol, mais un droit.

Il s’agit donc d’une fissure dans l’unité de la droite derrière les programmes d’austérité dictés par les intérêts des grandes entreprises. Sur les 88 comtés de l’Ohio, dont beaucoup sont traditionellement républicains, 82 ont livré des majorités contre une loi promulguée par un gouverneur républicain. Dans de nombreuses circonscriptions, le taux d’opposition a dépassé 60% du vote.

De façon plus large, les leviers politiques commencent à changer de mains. Les intérêts de classe prennent le dessus sur les allégeances de parti, et une résistance massive, active et visible à la politique d’austérité se met en place. Reste à savoir quel sera l’impact en 2012 de la victoire d’Ohio —un état crucial pour Obama, gagné de près en 2008 et susceptible de basculer à droite. Les syndicats ont su mobiliser les masses contre une loi répressive et un gouverneur d’extrême-droite. Pourront-ils le faire pour un président qui souffre d’une opposition de droite comme d’un manque de confiance de gauche ? La présidentielle de 2012 sera un référendum sur l’orientation idéologique du pays. Obama s’est défini en 2008 comme le candidat du peuple ; s’il veut le refaire, ses alliés, notamment les syndicats, auront à faire à l’échelle nationale le travail qu’ils ont fait en Ohio.

Scott Hiley, Northwestern University (Illinois, Etats-Unis).

Traduction : Jacques Coubard


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