"Au Front de gauche, nous n’avons qu’un adversaire : la droite et sa politique au service des marchés financiers" Pierre Laurent

lundi 28 novembre 2011.
 

Pour mettre en échec la droite et le « coup d’État financier en cours », le secrétaire national du Parti communiste français appelle à « une confrontation respectueuse, loyale, démocratique » à gauche sur des choix politiques anticrise. Entretien.

Le chef de l’État regagne des points dans les enquêtes d’opinion, que l’on impute à son action lors des sommets internationaux. La droite peut-elle retrouver une crédibilité sur ce créneau d’ici à la présidentielle ?

Pierre Laurent. Mais de quelle crédibilité parle-t-on ? C’est de l’intoxication. Ni les sommets européens ni le G20 n’ont apporté le moindre début de solution à la crise. Ce matin même (mercredi – NDLR), les Échos titrent : « Zone euro : la crise s’étend à presque tous les pays ». Nicolas Sarkozy prétend protéger notre pays et dit qu’il a évité le pire. C’est tout simplement faux. Les chiffres du chômage et de la pauvreté sont alarmants. La croissance s’effondre parce que les plans d’austérité s’accumulent. Lui et son gouvernement ne sont que des commis aux ordres des grands intérêts financiers. Non seulement le système financier n’est pas sous contrôle mais l’ultralibéralisme financier a engendré un monstre qui dévore ses propres enfants. Il faut reprendre d’urgence les commandes, or les dirigeants politiques actuels du pays n’ont ni le courage ni la volonté politique de s’opposer à cette dictature de fait des marchés financiers.

Le PCF, par la voix de Francis Wurtz, évoque un « coup d’État financier » en Grèce et en Italie. Cette situation risque-t-elle de se produire en France ?

Pierre Laurent. Ce coup d’État financier est en cours dans toute l’Europe. Il a pris un tour spectaculaire en Grèce et en Italie, où deux anciens dirigeants de Goldman Sachs ont été nommés sans élection à la tête des gouvernements. Nicolas Sarkozy fait du zèle sur le dos de notre peuple pour sauver sa tête. La mise sous tutelle de nos choix politiques, des budgets nationaux, a en réalité été acceptée lors des derniers sommets européens. Les conséquences sont concrètes et désastreuses. On le voit avec le plan de 6 000 suppressions d’emplois chez PSA ou l’ajout scandaleux d’une nouvelle journée de carence pour les travailleurs en arrêt maladie. C’est inhumain. Rien n’est plus urgent que de convaincre et de mobiliser le pays contre ces choix, et de l’unir sur d’autres choix politiques. Avec le Front de gauche et notre candidat Jean-Luc Mélenchon, j’appelle au rassemblement pour renverser ce coup d’État financier, dire « stop » à l’austérité, reprendre nos vies en main contre le chantage des banquiers et des gros actionnaires.

La droite mène campagne sur le thème des divisions de la gauche et de son incapacité à relever les défis de la crise. Comment la gauche peut-elle se montrer à la hauteur ?

Pierre Laurent. En rassemblant les Français sur de vraies solutions à la crise. La droite française est à bout d’arguments, elle compte s’en sortir en discréditant l’adversaire. Ces solutions à la crise existent. Le Front de gauche les met en débat. Pour commencer, stopper l’austérité car cela provoquera inévitablement la récession. Exiger la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, comme l’ont demandé nos parlementaires, sur l’état et les pratiques du système bancaire et des assurances. Reprendre le contrôle du système bancaire et financier en créant un grand pôle public pour impulser une autre politique du crédit. Relancer au nom de la France le débat européen sur le changement du statut et des missions de la Banque centrale européenne. Voici quelques-unes de ces solutions, mais notre programme « l’Humain d’abord » en comporte beaucoup d’autres qui peuvent susciter la mobilisation citoyenne nécessaire. La gauche ne peut esquiver ces débats.

Mais le débat à gauche prend une tournure très polémique. Est-ce un signe d’émulation ou au contraire de divisions mortifères ?

Pierre Laurent. Soyons clairs. Au Front de gauche, nous n’avons qu’un adversaire : la droite et sa politique au service des marchés financiers. Et nous avons une ambition : mettre la gauche à la hauteur de la situation. Or ne tournons pas autour du pot : les choix politiques mis en avant par le candidat socialiste et l’accord PS-Europe Écologie-les Verts (EELV) ne sont pas de nature à sortir le pays de cette crise. Si nous n’ouvrons pas ce débat, la gauche ira dans le mur. Le débat est la méthode la plus démocratique et la voie la plus sûre pour un rassemblement solide. C’est l’intérêt de la gauche de le mener sans tabou et au grand jour.

L’accord PS-EELV ne vous paraît donc pas satisfaisant ?

Pierre Laurent. Non. C’est un compromis politicien qui est un habillage pour un accord législatif par lequel le PS donne un groupe aux Verts. Sur le fond, il entérine de fait un consensus entre les deux formations sur des orientations économiques très en deçà des besoins face à la crise. Quant aux enjeux de la transition énergétique, nous avions alerté sur un compromis irréfléchi en échange de circonscriptions électorales. Le résultat est là  : un accord bâclé, aucune ambition réelle pour une politique cohérente de transition énergétique, avec des dangers évidents pour la maîtrise publique et industrielle de la filière, le sort de ses salariés et les tarifs de l’énergie. Le Front de gauche propose une autre méthode : un grand débat public national et citoyen, tranché par un référendum. Ce débat est plus que jamais nécessaire. Il doit embrasser tous les enjeux : droit à l’énergie  ; plan concret pour la sortie des énergies carbonées et le développement des énergies renouvelables. Et sur le nucléaire, toutes les options doivent être débattues, dont celle du PCF d’un mix énergétique rééquilibré comprenant une industrie nucléaire entièrement publique et mieux sécurisée. Je le répète, la gauche a tout à gagner à un débat plutôt qu’à des marchandages.

Comment faire, selon vous, dans ces conditions ?

Pierre Laurent. J’en appelle d’urgence à changer la manière de mener le débat à gauche. Le PS ne peut pas faire comme si ses solutions s’imposaient à tous. Les écologistes ne peuvent pas procéder par ultimatum. Le débat à ouvrir doit poursuivre un seul objectif : chercher les meilleures solutions pour répondre aux urgences sociales et à la crise. Au Front de gauche, nous sommes disponibles pour mener une confrontation respectueuse, loyale, démocratique. C’est dans ce but que nous mettons en place partout des assemblées citoyennes. Nous le ferons demain avec les salariés de plusieurs entreprises réunis à Still Montataire, dans l’Oise. Ces assemblées citoyennes peuvent devenir le lieu d’un débat ouvert et public à gauche. Seule cette méthode peut permettre à la gauche d’éviter le piège de la division et de se rassembler autour de propositions unitaires.


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