Pour un Front de gauche transformé (interview de Clémentine Autain dans Mediapart)

jeudi 16 juin 2011.
 

Votre mouvement, la Fase, vient de choisir de rejoindre le Front de gauche et de soutenir Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Pourquoi ?

Nous mesurons l’urgence à sortir de l’alternative, qui n’en est pas une, entre une droite dure et une gauche molle. Les plans de rigueur, ce n’est pas notre horizon. Que faire ? Le NPA, dans sa majorité actuelle, a tourné le dos au rassemblement et choisi de faire cavalier seul. Quant à Europe Ecologie-Les Verts, même s’il reste en son sein une tendance de gauche antilibérale, il contribue à polariser la gauche au centre. Aujourd’hui, le Front de gauche est le cadre le plus unitaire pour une transformation sociale et écologique. S’il n’est encore qu’un cartel d’organisations, il a exprimé sa volonté de s’ouvrir. Nous avons donc lancé une consultation interne à la Fase pour savoir si nous voulions travailler avec le Front de gauche ou intégrer ce cadre pour contribuer à le changer : c’est la deuxième option qui l’a emporté. Partout où cela sera possible, nous chercherons à fédérer plus largement, comme en Limousin ou en Aquitaine. Quant à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon apparaît comme le candidat qui peut porter cet espace commun. Sa candidature présente un atout de taille, historique : elle est en passe d’obtenir l’accord du PCF.

La Fase appelle de ses voeux à un « Front de gauche transformé ».

Qu’entendez-vous par là ? Ne pas en rester à une alliance de partis. Le Front de Gauche s’est engagé à lancer des assemblées citoyennes et à s’ouvrir à d’autres forces. Cela doit se traduire dans les faits. Il faut impérativement s’adresser à tout l’arc des forces, du NPA à la gauche d’EELV, en passant par les déçus du PS. Selon nous, ce rassemblement ne doit pas être seulement organisationnel, il doit viser tous ceux et celles qui sont en-dehors des partis, qui partagent nos convictions mais ne souhaitent pas adhérer au PG ou au PCF. Il faut dépasser la frontière entre le social et le politique, et permettre à des syndicalistes, des militants et des personnalités du mouvement social d’en faire partie. Pas seulement pour distribuer des tracts ou remplir une salle de meetings mais pour être pleinement acteurs d’un nouvel espace politique.

Les principales composantes du Front de gauche refusent pourtant de faire de ce rassemblement une nouvelle force à part entière, avec des adhésions directes… Elles appellent à des assemblées citoyennes

Bien sûr, il y a des ambiguïtés et toutes les composantes du Front de Gauche ne sont pas forcément sur la même longueur d’ondes à ce sujet. Il faut trouver ensemble les formes concrètes de l’inclusion des individus et de l’élargissement. Du côté du Front de Gauche, des pas significatifs ont été franchis, et la Fase veut participer à ce travail d’invention d’un espace politique à la hauteur des enjeux. Nous vivons un terrible paradoxe : on voit une droite très contestée, une social-démocratie en échec, une crise du capitalisme, des luttes sociales, et une gauche radicale qui ne casse pas la baraque. On n’a pas encore trouvé le sésame. Tout comme dans le reste de l’Europe, où l’on plafonne aux alentours de 5%. Ce qu’il faut fédérer, ce n’est pas simplement nos organisations, mais le peuple.

Mais n’êtes-vous pas échaudée par les difficultés que rencontre déjà le Front de gauche, dans la désignation de son candidat à la présidentielle, alors que les militants communistes n’ont pas encore tranché sur le choix de Jean-Luc Mélenchon ?

Mais cela ne m’étonne pas ! C’est la première fois depuis 1974 que les communistes pourraient faire le choix de ne pas présenter l’un des leurs à la présidentielle. Et il existe des courants au sein du PCF pour qui l’enjeu majeur est de construire le parti communiste. Mais le fait que Pierre Laurent (secrétaire national du PCF, ndlr) s’engage à défendre la candidature de Jean-Luc Mélenchon est un fait important. C’est une avancée historique qu’on ne peut pas bouder. Surtout quand on repense au traumatisme de 2007, quand la dynamique des collectifs unitaires avait été brisée et que le PCF avait décidé de porter sa propre candidature. Au total il y avait eu trois candidatures de la gauche radicale (en l’occurrence, Marie-George Buffet, José Bové et Olivier Besancenot, ndlr) !

Mais que ferez-vous si les militants communistes choisissent le député PCF André Chassaigne le week-end prochain ?

Je n’y crois pas, je ne veux pas le croire. La Fase a toujours demandé une clarification des rapports du Front de gauche avec le Parti socialiste. Un sujet qui divise parfois les communistes et le Parti de gauche.

Êtes-vous rassurée ?

La déclaration politique du Front de gauche (adoptée en mars, ndlr) valide le fait qu’il existe deux grandes orientations à gauche et que l’une n’est pas soluble dans l’autre. Si on s’en tient au texte et aux déclarations de Jean-Luc Mélenchon, je ne vois pas de divergence. Pour nous, l’orientation stratégique est clarifiée.

Vous avez aussi parfois émis des divergences sur le programme, par exemple sur la question de la laïcité ou de la République. Ces obstacles sont-ils levés ?

Il n’y a pas de problème majeur. La base commune est suffisamment grande, et même forte, pour avoir une vraie cohérence. Après, la culture et certains partis pris de la Fase ne sont pas solubles dans ce qu’incarnent Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche actuellement. C’est le propre des rassemblements. Sinon on serait tous dans la même organisation ! Pour créer cette dynamique politique, il faudra allier cohérence et diversité.

Posté le 15 juin 2011


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message