Grèce, Europe... La chaîne craque

samedi 6 juin 2015.
 

Le sommet européen du dimanche 23 octobre s’était terminé sans décision, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles acceptant d’attendre la réunion de la commission budgétaire du Bundestag fixée au mercredi suivant. Alors que la spéculation se déchaînait contre les principales dettes publiques européennes, personne n’avait rien trouvé à redire à cette exigence de respect de la souveraineté nationale allemande. Sarkozy s’était même senti obligé de mimer son grand frère en recevant les présidents de groupes de notre Parlement croupion national, bien plus mal traité que le Bundestag sous la Cinquième République révisée traité de Lisbonne.

En revanche, l’annonce ce lundi de la convocation d’un referendum en Grèce a suscité des commentaires consternés parmi les dirigeants européens et précipité une chute des places boursières du monde entier. Les Grecs ne sont pas les Allemands. La souveraineté des prêteurs, fussent-ils étatiques, est protégée. Celle des pays débiteurs est explicitement limitée. La Grèce soumise à un contrôle de la Troïka qui s’alourdit de plan en plan, doit en contrepartie de son « sauvetage » renoncer à ses prérogatives souveraines.

Nous n’exagérions donc pas en parlant du coup d’état financier en cours au niveau européen ni du pouvoir totalitaire de la finance. La domination du capital financier est politique autant qu’économique. Des institutions sont mises en place qui organisent méthodiquement le dessaisissement des peuples. A leur sommet trône la Banque centrale « indépendante ». Vient ensuite le semestre européen qui assujettit les budgets nationaux au contrôle d’une Commission européenne également non élue. Puis la règle d’or que chaque Etat doit adopter au terme du dernier sommet européen. Avec un tel carcan on rêve de voir tant de commentateurs regretter qu’il n’y ait pas davantage de coordination des politiques européennes, au nom d’un fédéralisme qui ferait reposer toute l’intégration européenne sur des mécanismes anti-démocratiques d’où le peuple aura été exclu. Le referendum grec, manifestation incongrue de souveraineté populaire, survient alors comme le grain de sable qui menace la machine. Tout sera donc fait pour que Papandreou y renonce.

Mais si leurs réactions violemment hostiles au referendum confirment que les marchés financiers sont par nature hostiles à la démocratie, la décision de Papandreou montre aussi que le seuil de résistance aux politiques d’austérité a été atteint dans son pays. Là est la pire nouvelle pour la finance. Car s’il lui est possible de circonscrire un homme, et Papandreou a été jusqu’à présent son jouet docile, il est impossible de le faire des peuples qu’elle pressure. Ce referendum ne sort pas du néant. Il a été réclamé par une dizaine de grèves générales. L’échec cuisant des plans d’austérité successifs a mis la société grecque à feu et à sang. Papandreou ne peut donc résister plus longtemps. Il lui faut reprendre l’initiative. Sans doute pense-t-il obtenir plus facilement le soutien à un plan qui prévoit l’annulation de 50% de la dette des institutions financières. Mais tiendra-t-il jusque-là ? Sa majorité se disloque. Même son gouvernement lui échappe. Le ministre de l’économie prétend qu’il n’était pas informé. Vrai ou faux nous n’en saurons rien. La Troïka prépare déjà ses hommes de remplacement. Un gouvernement « d’union nationale » est envisagé pour renverser le pouvoir en place. Papandreou est prévenu. Quand on cède à la finance, on doit le faire complètement. Jusqu’ici il l’a fait. Mais quand on lui résiste, il faut le faire complètement aussi.

François Delapierre, 29 octobre 2011


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