MERKEL RIT, LES EUROPEENS PLEURENT

mercredi 2 novembre 2011.
 

A l’heure où j’écris ces lignes, nous ne connaissons pas le résultat ultime du sommet européen censé répondre à l’aggravation de la crise de financement des Etats et du système bancaire européens.

Dimanche 23 octobre 2011, la réunion des 27 chefs d’Etat et de gouvernement s’est terminée par l’annonce que rien ne serait décidé avant le mercredi suivant. Il faut en effet attendre que le Bundestag, le Parlement allemand, se prononce sur les discussions en cours. « Le gouvernement allemand a besoin d’une décision du Bundestag ou au moins de la commission des finances avant de s’engager (...). Les gouvernements européens vont devoir s’y habituer » résume avec brutalité le président des députés conservateurs de la CDU. Au sein de la droite européenne, c’est donc l’Allemagne qui commande aux autres, Français inclus. Elle y parvient par la force des idées et des traités.

Le prétendu « modèle allemand » est cité en référence par l’UMP alors qu’il est un fauteur de déséquilibres économiques majeurs. L’excédent commercial allemand acquis par une féroce politique de dumping salarial a en effet produit des déficits chez ses « partenaires » européens et la dénonciation par l’Allemagne des pays dépensiers semble ignorer que ce sont eux qui ont financé sa croissance. Quant au traité de Lisbonne, l’Allemagne se veut d’autant plus la garante de son application qu’il fait la part belle à ses conceptions et ses intérêts. C’est le traité de « l’Europe allemande », pour reprendre un titre de la Tribune.

Malgré l’humiliation que cela représente pour lui, Sarkozy accepte donc d’être à la remorque de Merkel. On l’a vu par exemple en conférence de presse dénoncer ses prédécesseurs pour avoir laissé entrer n’importe qui dans la zone euro. Or si Chirac lui-même avait défendu la présence de l’Italie dans l’euro, c’était que la France voulait éviter une zone monétaire dominée sans partages par l’Allemagne. Pour Sarkozy, ce n’est plus un problème.

Le problème est que la domination de Merkel conduit l’Europe au désastre. Elle s’est notamment opposée à la proposition française de transformer le Fonds européen de stabilisation financière en une banque, ce qui lui aurait permis d’emprunter directement auprès de la BCE. Ce montage n’était rien d’autre que la mise en œuvre détournée des préconisations maintes fois réitérées dans ces colonnes de permettre à la Banque Centrale Européenne de prêter aux Etats au même taux qu’aux banques et de s’appuyer sur sa puissance de feu illimitée pour casser les reins des spéculateurs. Belle reconnaissance aussi de la pertinence du combat du Front de Gauche pour un pôle financier public !

Faute d’une telle mesure, l’Union s’oriente vers un défaut partiel de la Grèce, simple mesure pour gagner du temps puisque rien n’est mis en place pour faire face à la défaillance prévisible de pays aux dettes bien plus imposantes. Pour rassurer les inquiets, Merkel et Sarkozy ont convoqué Berlusconi et lui ont intimé l’ordre d’appliquer rapidement des mesures d’austérité. Or c’est justement ce qui a mis la Grèce dans le trou ! Ultime ruse, les banques privées renonceront volontairement à une part de leurs créances sur l’Etat grec. Mais elles seront en contrepartie recapitalisées à grand flots d’argent public, sans qu’aucune réforme du système financier et bancaire n’ait été mise en place et après que les banques aient annoncé de confortables profits et de juteux bonus. Merkel riait dimanche. Les peuples européens eux n’ont pas fini de pleurer.

2) L’Europe au bord de la crise de nerfs

Faute de s’être entendus dimanche, les chefs d’Etat européens ont à nouveau rendez-vous à Bruxelles mercredi 26 octobre. Objectif : parvenir — enfin — à un accord sur un sauvetage de la Grèce, une recapitalisation des banques, et un accroissement de la puissance de tir du Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place en mai 2010, mais qui n’a pas réussi à rassurer les marchés en dépit des 440 milliards d’euros mis à sa disposition…

Sur les deux premiers points, les négociations vont bon train.

Sur le troisième — le plus crucial — les discussions avancent plus lentement. Et pour cause, Angela Merkel doit disposer d’un mandat de son Parlement pour négocier un renforcement du FESF. Or, cette autorisation n’interviendra pas avant… mercredi matin.

Devant tant d’indécision et d’attente, les marchés restent extrêmement fébriles. Tenaillés entre l’espoir d’un accord des 27 et les craintes de récession en Europe, les Bourses ont joué au yo-yo, hier, clôturant finalement dans le vert. Seule la Bourse d’Athènes a une nouvelle fois dégringolé, perdant 4,51 %.

Ce chiffre traduit les fortes inquiétudes des investisseurs quant à une décote de la dette hellène. Une issue pourtant inéluctable, Athènes étant incapable de rembourser ses créanciers. A commencer par les banques. Celles-ci seraient prêtes à effacer 40% de la dette d’Athènes (d’où la nécessité de les recapitaliser). Plusieurs dizaines de milliards d’euros partiraient ainsi en fumée. Une mesure que les Grecs, déjà étranglés par des plans d’austérité à répétition, rejettent en bloc. Des centaines de milliers de petits épargnants ont en effet placé leurs économies dans des caisses de retraite ayant investi en obligations d’Etat grec.

Un vent de fronde souffle également en Italie. Ce week-end, Silvio Berlusconi a été sévèrement rappelé à l’ordre par le couple Sarkozy-Merkel. Le chef du gouvernement italien est prié de tenir ses engagements en matière de réformes et de réduction de la dette. C’est même la condition sine qua non pour que Rome bénéficie, à titre de « précaution », de la protection du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Il Cavaliere ne l’entend pas de cette oreille, visiblement. « Personne n’est en mesure de donner des leçons à ses partenaires », a-t-il déclaré, hier, peu avant un Conseil des ministres consacré à une très impopulaire réforme des retraites. Un texte que la Ligue du Nord, alliée de Berlusconi, refuse de voter…

Même menace de discorde au Royaume-Uni. Membre de l’Union européenne même s’il n’a pas adopté la monnaie unique, le pays participe activement aux négociations avec les autres pays européens. Au grand dam d’une petite centaine d’élus conservateurs qui menaçaient hier d’adopter une motion réclamant la tenue, d’ici à 2013, d’un référendum sur le maintien ou non du pays dans l’Union européenne. Une rébellion dont le Premier ministre, David Cameron, se serait bien passé.

Source :

http://www.leparisien.fr/economie/l...


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