Quelle Europe, quelles solutions ? Réponses Wurtz (PCF), Coquerel (PG), Liêm Hoang-Ngoc (gauche PS), Besancenot (NPA)

jeudi 4 août 2011.
 

Sortie du traité de Lisbonne, modification des objectifs et des statuts de la Banque centrale et rachat des titres de dette, taxation des transactions financières, démocratisation… en pleine crise européenne, la gauche confronte ses propositions pour sortir de l’ornière.

"Racheter les titres de dette", Francis Wurtz, ancien eurodéputé, dirigeant du PCF

« Il faut tout d’abord combattre vigoureusement les faux remèdes actuels qui sont insupportables socialement, improductifs économiquement et dangereux politiquement. Ce qui se passe dans les pays directement touchés est appelé à être généralisé et si la voie démocratique est bouchée, toute dérive devient possible. Notre principe est de rendre les États, les investissements publics et les services publics beaucoup moins dépendants des marchés financiers, et nous pensons que la Banque centrale européenne peut y contribuer. D’abord, en rachetant des titres de dette publique, c’est-à-dire en libérant les pays les plus endettés d’une charge qui paralyse tout développement. Puis, en fournissant des crédits à destination exclusive d’investissements publics de dimension sociale en faveur de l’emploi, de l’écologie, de la promotion des capacités humaines. Nous préconisons une modification de l’accès au crédit selon la destination des investissements concernés. Ceux qui vont dans le sens du développement effectif du pays doivent être favorisés par des taux extrêmement faibles à long terme. Contrairement aux opérations financières qui doivent passer par des taux extrêmement dissuasifs. Enfin, nous souhaitons interdire toutes pratiques purement spéculatives et déstabilisatrices. Une telle politique n’est possible qu’en renforçant le système bancaire public afin de maîtriser l’utilisation de l’argent. »

"Sortir du traité de Lisbonne…", Éric Coquerel, secrétaire national 
du Parti de gauche.

« Ceux qui traitaient les adversaires du traité constitutionnel, en 2005, d’anti-Européens ont bonne mine. C’est cette construction où le marché est libre, où les banques font ce qu’elles veulent, où la spéculation bat son plein qui est en crise. Alors que les banques se sont vu accorder, hier, pour sortir de la crise, des prêts à 1 % par l’Europe et les États, elles font aujourd’hui des profits record et ce sont les peuples qui paient et sont acculés à des risques de faillite. Ce système transfère les pertes du capital sur les États, sur les peuples. L’urgence, c’est d’imposer à la Banque centrale européenne de prêter aux États au même taux qu’hier pour les banques, soit 1 %, et non, comme pour la Grèce, à des taux exorbitants. Sinon, le risque est réel que la crise ne se propage à toute l’Europe. C’est le meilleur moyen d’étouffer la spéculation financière, qui se nourrit des difficultés que rencontre tel ou tel pays. L’austérité comprime l’économie et ne permet pas de sortir de la crise. D’où la nécessité de refuser la “règle d’or” de Nicolas Sarkozy constitutionnalisant l’austérité. Nous refusons la règle des 3 % et la réduction de la moitié des déficits, d’ici à 2013, qui empêchent toute politique progressiste. Nous voulons que la France et l’Europe retrouvent la souveraineté sur les banques et le crédit. Enfin, il faut sortir du traité de Lisbonne et fonder la construction européenne sur le progrès social et économique. »

"Pour un mécanisme de solidarité", Liêm Hoang-Ngoc, eurodéputé PS

« L’Europe est à un tournant. Ce qui est en train de se discuter, c’est la mutualisation des dettes souveraines et la restructuration de la dette grecque. Les Allemands proposent aux banques d’échanger des titres grecs contre des “embryons d’eurobonds” avec des taux d’intérêt réduits. L’émission de ces eurobonds pourrait avoir à l’avenir pour objectif de financer les dettes souveraines. La proposition que doivent faire les progressistes en Europe, c’est d’aller le plus vite possible vers la mise en œuvre de ces mécanismes de solidarité, qui doivent être complétés par une action du budget communautaire pour favoriser le rattrapage de certains pays via les fonds structurels. Pour cela, il faut que les eurobonds servent à financer les dettes souveraines et à abonder les ressources du budget communautaire, celles-ci pouvant par ailleurs recevoir les fonds qui seraient levés grâce à une taxation des transactions financières. La contrepartie au mécanisme de solidarité réclamée aux gouvernements qui en bénéficieraient ne peut être les politiques d’austérité. Elles auraient pour effet d’interdire à ces pays de renouer rapidement avec la croissance et de se désendetter. Par ailleurs, la BCE doit continuer à intervenir, à prendre en pension des titres grecs en échange de liquidités accordées aux banques. Il faudra à l’avenir discuter de sa possibilité de racheter directement sur le marché primaire de la dette souveraine, comme le font les banques centrales américaine et anglaise, pour prévenir les attaques spéculatives. »

"Un service publique bancaire européen...", Olivier Besancenot, militant du NPA.

« La crise de l’euro, c’est d’abord un épisode supplémentaire de la crise que le capitalisme vit depuis 2008 et qui perdure sous ses aspects financiers, monétaire et économique. Il faut sortir des différents traités, de Maastricht à Lisbonne. Une première mesure de transition pourrait être la mise en place d’un service public bancaire européen. Au NPA, on parle d’un service public bancaire unique. Pour en arriver là, premièrement, il faut annuler les dettes illégitimes, en commençant par celle de la Grèce. Ensuite, il faut mettre en place une coopération entre les différents services publics bancaires nationaux pour aller vers ce service public bancaire européen. Il s’agit de substituer au rôle de la BCE ce pilier bancaire et financier, support de la construction d’une autre société. Toute l’activité financière serait sous le contrôle d’un seul et même service public européen, qui aurait le monopole du crédit et permettrait d’obtenir la transparence sur les flux financiers. Parce qu’on va tout droit vers une nouvelle bulle spéculative qui est celle de l’endettement : là où il y a du pognon à faire pour les capitalistes, c’est sur le marché des déficits publics et des dettes publiques. »

"Taxer les transactions financières à 0,05 %...", Yannick Jadot, député écologiste européen.

« Concernant la Grèce, la transparence doit être faite sur les comptes grecs. En Suisse, ce sont plus de 200 milliards d’euros qui échappent à l’impôt. Le fardeau de la crise doit être mieux partagé. Un tiers de la dette grecque doit être restructuré : 150 % d’endettement, c’est insoutenable. Dès le début, nous avions proposé que l’Europe prenne un engagement de sécurité pour éviter que ce pays ne mette 4,5 % de son produit intérieur brut dans ses dépenses militaires. Il faut renforcer la place de l’Europe dans la gestion de la dette comme dans la gouvernance économique. La Banque centrale européenne doit racheter des obligations et en émettre de nouvelles. Il faut créer une fi scalité européenne. Taxer les transactions fi nancières en Europe à 0,05 % rapporterait 170 milliards par an. Nous sommes, par ailleurs, pour l’interdiction de tous les mécanismes permettant à des opérateurs privés de spéculer sur la dette. Changeons d’orientation. Le pacte de stabilité, pour atténuer les défi cits, réduit les dépenses alors qu’il faudrait réformer la fi scalité afi n qu’elle pèse moins sur les classes moyennes et pauvres et plus sur d’autres opérateurs. »

Propos recueillis par Jean-Baptiste Devaux, Emmanuel Grabey, Grégory Marin, Max Staat, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message