Le scénario à l’Argentine va son petit bonhomme de chemin en Méditerranée. L’euro grimpe et le commerce extérieur s’affaiblit...

vendredi 1er juillet 2011.
 

En ce moment les Grecs vont retirer leurs sous des caisses d’épargne et des banques. Les lecteurs de ce blog n’en seront pas surpris.

Les très intelligents vont sûrement trouver quoi faire pour que ça aille plus mal. Ayons confiance ! Soyons optimistes : ils peuvent faire pire.

J’ai rédigé mes lignes entre Strasbourg et Paris, et même en allant et revenant de Nancy où j’étais invité pour une signature de livre et où j’ai été chaleureusement accueilli. Ici, il est question de l’euro et du dollar. Au risque de l’aridité, j’y reviens parce que c’est la mèche qui conduit au plus gros baril de poudre sur lequel nous sommes assis. Je parle aussi d’Europe. Tout ce qui s’y passe est absolument consternant et si peu discuté en France que cela ressemble presque à du camouflage. Je parle aussi de la victoire d’Ollanta Humala au Pérou. Une bonne nouvelle déjà parvenue jusqu’à nous dans son cortège d’insultes de bonne augure. Je dis un mot de la méthode de notre campagne à venir. Puis je vous dis un mot de ce que je ressens en voyant se déployer la décision des médiacrates de devenir les inquisiteurs des mœurs en politique.

Pendant que la Grèce se prépare à faire exploser le beau système en carton des eurocrates, la vie des apparences continue. Et alors, l’euro s’envole face au dollar. C’est une très mauvaise nouvelle de plus ! Bien sûr elle est le résultat direct du Traité de Lisbonne. Car, en vertu des objectifs qui lui sont fixés dans le Traité, non seulement la BCE ne fait rien pour empêcher cette hausse, mais elle y contribue directement. Dans le contexte ça ne pouvait pas tomber plus mal. Que vaut un système aveugle à son contexte ? Ce que vaut un dogme. Désastre assuré. Depuis un an, l’euro a donc pris 22 % ! Il faut désormais 1,46 dollars pour acheter 1 euro. Concrètement une telle hausse de l’euro expose la France à une baisse de 5,5 % de ses exportations. Comme c’est le cœur du modèle économique que cette dépendance à l’égard des exportations, ce n’est pas rien. Il s’agit ici d’une perte de recettes à l’export de 22 milliards. Et un recul potentiel de 1,1 point de PIB.

Pour nos grandes industries exportatrices, la hausse durable de l’euro menace directement la localisation de l’outil de production en zone euro. Et donc l’emploi. Airbus perd 100 millions chaque fois que l’euro monte d’un centime. Car Airbus fabrique en zone euro mais vend en dollars, qui reste la monnaie des principaux échanges commerciaux mondiaux. Quand la hausse de l’euro est de 10 centimes, Airbus perd donc un milliard. Depuis un an, ce sont donc plus de 2 milliards de pertes de change qui s’accumulent chez l’avionneur. Dans ces conditions, en l’absence d’actionnaire public fort au sein d’Airbus, la menace des actionnaires privés d’aller produire en zone dollar va devenir pressante. Les dirigeants d’Airbus considèrent en effet que sa compétitivité et sa rentabilité sont compromises quand l’euro dépasse durablement les 1,35 dollars. C’est-à-dire la situation créée actuellement par la politique de la BCE.

Cette semaine on a reçu les chiffres du commerce extérieur, désastreux de notre pays. Aussitôt les pères fouettards sont ressortis de leurs tanières. Mise en cause : la compétitivité des produits français. Donc, les gars, il faut travailler plus et gagner moins, c’est la seule solution ! Pas un mot sur les décisions absurdes qui font mécaniquement monter le déficit. Evidemment la surévaluation de l’euro. Mais ce n’est pas tout. Les donneurs de leçon soulignent le recul de la part des exportations dans les « biens intermédiaires ». Comme si cette quantité pouvait s’apprécier honnêtement sans tenir compte, par exemple, des délocalisations ! Pourtant celles-ci se transforment en obligation d’importation. Exemple ? L’essence qui n’est plus raffinée en Europe. Ni en France ! Mais au Moyen Orient, parce que monsieur de Margerie, patron de l’ancienne nationalisée Total, trouve que c’est trop cher à produire en France. Et maintenant aux français ça leur coute combien ? On peut faire un large tour de ce style.

Je crains bien que cela ne s’arrange pas. Car la BCE soutient délibérément la hausse de l’euro. Obnubilée par l’inflation, 2,7 % annuels en mai, la banque centrale a annoncé qu’elle allait poursuivre son "resserrement monétaire" cet été. Réduire la masse en circulation, quelle bonne idée ! La BCE va donc porter son taux directeur à 1,5 % après l’avoir déjà augmenté de 1 à 1,25 % en avril. Cela représenterait une hausse de 50 % du prix de l’argent prêté par la BCE en quelques mois. Tout cela va redescendre en cascade sur le quidam pourtant poussé sans cesse à s’endetter pour faire tourner le commerce. Comme tout ceci se lit par comparaison, il faut bien voir que le zèle d’un Trichet consiste à éponger une inflation largement exportée par les Etats-Unis d’Amérique dont la politique monétaire prédatrice nourrit une inflation mondiale. Géniaux ces américains : c’est eux qui vivent à découvert pour des sommes abyssales mais ce sont les autres qui épongent le trop plein.

Car la banque centrale états-unienne mène une politique diamétralement opposée à celle de Trichet. Ses taux sont maintenus à un plancher entre 0 et 0,25 %. Et elle ne prévoit pas de les relever. Cela signifie qu’avec l’inflation la FED paie donc en réalité un intérêt à ceux auxquels elle prête de l’argent ! Avec de telles méthodes, plus le rachat de la dette résultat du déficit de l’état, la FED sature les marchés de dollars. Où vont-ils s’employer ? Partout ! Cela entretient une hausse artificielle de tous les prix mondiaux. Edouard Tétreau, dans son livre « Quand le dollar nous tue » montre les dégâts que provoque la circulation spéculative des ces masses d’argent. Par crainte de leur dépréciation autant que par effet de système elles font exploser les cours des matières qu’elles touchent. Tétreau s’attache spécialement à la question des cours des denrées alimentaires. Il fait observer notamment l’unité de lieu et de devise pour les spéculations à échelle mondiale. J’ai ainsi appris qu’à l’exception des échanges sur les matières agricoles entre européens et de quelques marchés spécifiques comme l’huile de palme et la laine, toutes les matières premières agricoles et énergétiques du monde sont échangées aux Etats Unis. Et, bien sûr, tous ces échanges sont en dollars ! Il montre l’enchainement chronologique entre les injections massives de dollars dans l’économie et les pics spéculatifs qui dérèglent le monde. Entre le 16 décembre 2008 date de la décision de la FED d’abaisser ses taux au plancher et le premier janvier suivant, soit en quinze jours, les indices de prix des céréales et du sucre augmentaient de 62%, 46% et 161 % et le prix du baril doublait. Il fait remarquer que le volume des échanges de produits agricoles bondissait de 42% dans les bourses spécialisées nord américaines au dernier trimestre 2010, avant donc la déflagration en Tunisie et en Egypte. Davantage donc comme une cause que comme une conséquence !


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