Humala élu : En Amérique du sud le nationalisme ... a un contenu où indépendance nationale et souveraineté populaire sont indissociables

vendredi 17 juin 2011.
 

J’ai fait la connaissance personnelle du nouveau président du Pérou, Ollanta Humala, à Strasbourg à l’occasion de sa visite au parlement européen. Je l’avais accueilli à la descente du train et nous avions eu un entretien dont j’ai fait un compte rendu sur ce blog. J’avais entendu parler de lui pour la première fois par un jeune diplomate français en Bolivie, Olivier Fontan. Fontan est de cette variété de nos diplomates qui vont chercher leur pitance sur le terrain plutôt que sur Google. Je le mentionne pour railler une fois encore les créatures du pseudo service européen des mondanités qu’incarne madame la baronne Ashton. Il faut dire que cette vertu du nomadisme de curiosité est bien répandue parmi les nôtres à l’étranger. Nous n’avons pas le deuxième réseau diplomatique du monde pour rien. Cet homme-là se trouvait de surcroit et de fait ambassadeur de France quoiqu’il n’en eu pas le titre ni sans doute la paye. La raison en était que le titulaire avait été foudroyé par l’altitude de la mission. A 3800 mètres d’altitude, La Paz n’est pas si confortable que ça pour le cœur et le souffle. Moi-même m’y trouvant, je ne fis pas trop le brave. Ce diplomate savait tout et même le reste. Je n’exagère pas. Le moment venu, le gouvernement d’Evo Moralès sollicita au quai d’Orsay français l’autorisation de le prendre à son service, pour une mission d’un an, si mes souvenirs sont bons. Mais cette fois là, cet Olivier Fontan me fit un de ces points de situation argumenté qui sont le délice d’un visiteur de ma sorte.

C’est donc lui qui me parla le premier d’Ollanta Humala sur une base informée. Il l’avait connu à une sorte de rassemblement des leaders de la gauche indigéniste des Andes, en Bolivie, avant la révolution. Tout ce que j’en savais moi, je l’avais lu dans l’avion entre Caracas et Lima et pendant ma halte au Pérou avant de repartir pour La Paz. Bien peu donc car l’interview était consacrée à lui nuire sous couleur de « questions que les gens se posent » à propos des déclarations de son frère, de son père et de sa mère, sans oublier un retour sur la chose jugée à propos de son action de militaire dans la lutte contre la guérilla maoïste du « sentier lumineux ». La trame de cet argumentaire est d’ailleurs la base de l’article paru dans « Libération » lundi, ce qui en dit long sur la façon avec laquelle circule l’information… Aucune question ne portait sur son programme. Ca aussi ça en dit long sur l’uniformisation des méthodes médiatiques dans le monde.

Pour notre diplomate, on ne doit pas juger Humala sans contextualiser son émergence dans le flux des insurrections anti libérales du continent. Il n’y a pas de modèle. Humala est aussi hétérodoxe que l’ont été, à tour de rôle, tous les autres dirigeants sud américains de la vague de gauche actuelle. Ce qui rattache Humala au cycle des révolutions citoyennes, c’est évidemment son parti pris anti libéral. Olivier Fontan me procura le programme d’Ollanta, une brique de deux cent pages. Humala m’offrit la dernière version à Strasbourg. Il y a un monde entre ces documents et les résumés grotesques que nous lisons en ce moment selon lesquels Humala aurait, en gros, renoncé à tout engagement pour être élu. L’autre attache c’est aussi sa volonté de représenter le peuple majoritaire : les pauvres et les indiens, qui sont l’écrasante majorité de la population.

Les indiens, bien sûr. L’indigénisme est une composante centrale de la personnalité politique d’Humala. Du moins si j’ai bien compris et bien lu. Mais on aurait tort d’en déduire des préoccupations du type de celles qui s’observent en Bolivie avec les références à la Pacha Mama, si désorientantes pour moi. Humala est un nationaliste péruvien. Pas un nationaliste Queshua. En Amérique du sud le nationalisme est un produit différent de ce qu’il est en Europe. Il en a certes quelques uns des traits insupportables. Mais, pour l’essentiel, il a un contenu où indépendance nationale et souveraineté populaire sont indissociables. Pour en comprendre l’enracinement il faut se souvenir que l’indépendance avec l’Espagne n’a que deux cent ans. Et penser que les nord américains sont là, tout le temps, s’ingérant et brutalisant à tout propos. Et ils sont, à ce titre, considérés comme des impérialistes et justement haïs des milieux populaires. Cela, c’est le présent bien connu. Mais dans un passé tout frais d’à peine un siècle, les Etats Unis ont aussi arraché la moitié de son territoire au Mexique. Par exemple.

Dans ce contexte, le nationalisme d’Humala est donc plus banal qu’extraordinaire. Mais il signale un angle d’entrée dans le combat politique pour rassembler le très grand nombre. S’appuyer sur des concepts culturels hégémoniques pour en tirer des contenus progressistes est à mon gout. Son slogan « gana Peru » est traduit assez mal, d’après ce que je lis, par « le Pérou qui gagne ». En fait, il faut lire : « que le Pérou gagne ! » Je pense que la nuance se comprend assez facilement. De plus, les commentateurs qui recopient les dépêches ne savent pas que le mot « Gana » est ici employé en jeu de mots parce que c’est l’acronyme de « Grand Allianza Nationalista » qui désigne la coalition qui portait la candidature d’Ollanta Humala, parmi lesquels, notamment, le Parti Communiste du Pérou. Hé ! Hé !

Les petits caricaturistes sous influence ont commencé, dans notre bonne presse, le procès d’Ollanta Humala. Comme d’habitude, ils se gardent bien de se demander pour quelle raison de tels individus, selon eux si suspects, peuvent être élus alors même que tout ce que la société compte d’autorités les combatte. Pourtant la mécanique est maintenant bien connue. A la racine il faut une vague et une forte personnalité qui finit par l’exprimer. Puis les deux se nourrissent l’un de l’autre. La vague commence, de guerre lasse, après avoir tout essayé dans le rejet de la sauvagerie libérale. Dans cette zone, c’est une terrifiante machine à inégalité et à oppression que le libéralisme. On y écrase encore des indiens, en tas, comme des insectes. Les énormes pillages des grandes entreprises multinationales, qui sont, comme chacun le sait, « les investissements de demain qui créeront les emplois d’après demain », finissent par épuiser toute patience. D’abord gavées et jubilantes à la remorque du char doré de la concurrence libre et non faussée, les classes moyennes sont bientôt ébranlées dans leur certitudes quand le désordre libéral ruine le sens de tout effort social et que le pillage prend la figure dune rapine de proximité. Au Pérou le président sortant était le social Démocrate Alan Garcia. Il avait réussi à être élu grâce au report de la droite sur son nom pour barrer la route à Ollanta Humala. C’était énorme ! Car la précédente présidence d’Alan Garcia s’était achevée par sa fuite sur le toit du palais présidentiel au terme de gigantesques affaires de corruption et de violences de toutes sortes. Mais la peur d’Humala fut la plus forte. Le libéralisme du nouveau mandat d’Alan Garcia transforma la vie économique du Pérou en un monopoly ubuesque. Mais la croissance se lisait dans les statistiques. Celle de la misère aussi, autrement plus visible et concentrée. On devine ce qui préoccupe aujourd’hui les bons esprits.

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