Côte d’Ivoire : "Ce sont les Français qui ont pris Gbagbo"

dimanche 8 mai 2011.
 

Ce sont des soldats français, des « Blancs », qui ont enlevé le président ivoirien renversé, explique, dans cette interview, un employé civil de la présidence ivoirienne, qui était à la Résidence de Cocody durant tout le temps où elle était assiégée. C’est le premier témoignage direct d’un témoin qui n’est ni un officiel français, ni un officiel du camp Ouattara. Les images de fumée diffusées par Arte, une chaîne de télévision française (à partir de la treizième minute), dans le sous-sol de la Résidence, à proximité du tunnel, accréditent fortement le récit ci-dessous.

En France, il y a une polémique sur la manière dont le président Gbagbo a été pris. Les officiels et les médias affirment que ce sont les FRCI d’Alassane Ouattara qui l’ont pris, tandis que certains de ses collaborateurs vivant en France disent qu’il s’agit des Forces spéciales françaises. Vous qui étiez sur place, pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ?

Nous étions nombreux dans le sous-sol. On a entendu un très grand bruit. On s’est vite rendu compte que les Français avaient dynamité le mur de béton [érigé par le président Gbagbo après l’attaque de sa Résidence par l’armée française le 6 novembre 2004] obstruant le tunnel reliant le domicile officiel de l’ambassadeur de France et celui du président de la République. On a entendu un grand bruit, il y avait des éclats de béton partout, beaucoup de fumée, tout le monde courait dans tous les sens, toussait. C’était le désordre ! On a vu malgré tout beaucoup de Blancs qui entraient dans la pièce. Je ne peux pas vous dire combien exactement, puisqu’il y avait beaucoup de fumée et du chaos, mais j’en ai identifié au moins trois. J’ai vu ces Blancs faire monter le président au rez-de-chaussée après l’avoir pris dans le sous-sol. Le président était le premier à monter les escaliers. Ils l’ont aidé à monter. Après, ce qui s’est passé, je ne peux pas le dire. L’ont-ils remis aux rebelles ? L’ont-ils envoyé directement au Golf ? Je ne sais pas.

Pouvez-vous nous raconter les journées que vous avez passées là-bas, les bombardements ?

Les gens descendaient au sous-sol quand il y avait les bombardements. Sinon, on se trouvait généralement au rez-de-chaussée. Le président était régulièrement dans son bureau, et nous dans le salon.

Y a-t-il eu des morts à la Résidence ? Comment sont-ils morts ?

Il y en a eu beaucoup, je ne peux pas compter. Ceux qui sont sortis le 11 avril, beaucoup se sont vu tirer dessus. Lors du bombardement aérien qui a eu lieu dans la nuit du 10 au 11 avril, une partie de la Résidence a pris feu. Des vitres et des éclats de béton sont tombés avec beaucoup de force sur des gens. Des escaliers se sont effondrés sur d’autres personnes. On a vu beaucoup de sang. Après ce bombardement, nous sommes restés dans le sous-sol. Il n’y avait plus d’électricité, il faisait très chaud, nous étions asphyxiés, et les éclats de béton qui ont été projetés lors du dynamitage du mur bouchant le tunnel ont aggravé les dégâts.

Avez-vous été conduit à l’Hôtel du Golf avec le président Gbagbo et sa suite ?

Non. Je ne suis pas allé là-bas. Je me suis caché derrière un escalier en colimaçon. Dans la fumée, on a pensé que tout le monde était monté. Or, je n’étais pas monté. Je me suis enfui deux heures environ après.

Avez-vous des nouvelles des autres employés de la Résidence ?

Non. Aucune.

Avez-vous parlé à des médias en Côte d’Ivoire ?

Non. C’est difficile. Nous ne sommes pas en sécurité. Nos vies sont en danger. Nous souffrons beaucoup.


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