Front national : Demandez le programme

dimanche 22 mai 2011.
 

L’ancien ministre socialiste Roland Dumas déclare que Marine Le Pen a un certain charme. L’intellectuel Emmanuel Todd, pourtant très investi dans la défense des droits des immigrés, estime que le programme économique du Front National est crédible. La presse met en valeur trois syndicalistes qui ont adhéré au Front national et des sondages placent Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle. Le 21 avril 2011, s’exprimant sur RMC, le journaliste Jean-François Kahn estime que le programme du Front National est anticapitaliste, et selon le Journal du Dimanche du 24 avril, Marine Le Pen serait la candidate préférée des ouvriers.

Question : un nouveau Front national, plus social, plus proche des travailleurs et de la jeunesse serait- il en train d’émerger ? C’est ce que tente de faire croire Marine Le Pen qui, le 8 avril dernier, devant la presse spécialisée, a présenté les grandes orientations économiques de son parti. Dans le même temps, le site internet de ce parti diffuse de nombreux textes présentant ses propositions concernant l’euro, la mondialisation, le libre échange et les nouvelles politiques économiques nécessaires au retour de la croissance et à la création d’emplois.

Selon les responsables du FN, ce retour passe par une rupture avec « l’euro, à tout prix » et le libre échange mondialiste, ainsi qu’avec les politiques d’austérité qui les accompagnent.

Cette rupture, toujours selon les responsables du FN, ne peut se réaliser que par l’intervention d’un État stratège, protecteur des intérêts des travailleurs français et de la population, victimes de la mondialisation et de ses conséquences désastreuses.

L’argumentation du FN est présentée de la façon suivante :

La mondialisation et le libre échange livrent le pays à la concurrence déloyale des autres pays, à l’arrivée de produits étrangers qui ruinent l’industrie française, et à l’invasion de la France par une main-d’œuvre étrangère utilisée par le patronat pour baisser les salaires des travailleurs français ;

Dans cette situation, les entreprises, pour rester compétitives, sont contraintes de délocaliser leur production dans les pays à bas salaires, ou de recourir à l’immigration faiblement payée, ce qui, dans un cas comme dans l’autre, provoque le chômage des travailleurs français, la baisse de leurs salaires et le développement de la pauvreté ;

Face à la politique du « grand capital mondialisé », déclare Marine Le Pen, la France et son peuple sont désarmés par tous les partis, de droite et de gauche, favorables à la mondialisation, à l’immigration, au libre échange et à l’euro.

La France et son peuple sont désarmés par l’euro qui étouffe l’emploi et provoque des délocalisations. En effet, selon Marine Le Pen, qui reprend à son compte les arguments de certains économistes, l’euro fort rend les produits français chers, ce qui défavorise les exportations françaises, limite donc la production française et crée du chômage.

Dans le même sens, l’euro fort et le libre échange incitent les consommateurs français à acheter des produits étrangers, ce qui, une nouvelle fois, défavorise les entreprises françaises, diminue leur activité et augmente le chômage.

Plus généralement, toujours selon Marine Le Pen, « le système mondialiste et immigrationniste » met en concurrence déloyale les travailleurs du monde entier, provoque le chômage et la baisse des salaires des travailleurs français.

Quant à l’euro, par définition, il empêche le gouvernement français de dévaluer une monnaie qui n’existe plus, le franc, dévaluation qui rendrait les produits français plus compétitifs, ce qui permettrait d’accroître les exportations françaises, d’augmenter la production et de créer des emplois.

Dans cette situation, que propose le Front National ? Pour Marine Le Pen, il faut se réarmer face à la mondialisation. Comment ?

Il faut sortir de l’euro. Dans un document intitulé, « les grandes orientations économiques », les responsables du Front National proposent de « remettre la monnaie à sa place, au service de la croissance et de l’emploi », et, se réclamant de l’économiste américain Milton Friedman, ancien conseiller du dictateur Pinochet, (on ne se refait pas), vantent les « vertus indépassables de la liberté monétaire ». A ce sujet, le 24 février 2011, Marine Le Pen déclare : « la dévaluation de la monnaie est bonne pour l’économie. La France a besoin d’une dévaluation compétitive ».

Dans le même temps, ajoutent les dirigeants du Front National, la mise en place de barrières protectionnistes mesurées limiterait l’entrée de produits étrangers en France, protégerait les entreprises d’une concurrence déloyale, découragerait les délocalisations et permettrait de sauver des emplois qui, par ailleurs, ne seraient plus menacés par l’immigration.

Enfin, Marine Le Pen se prononce en faveur d’un État stratège, qui, mettrait en œuvre une politique de défense de l’emploi français, nationaliserait la dette française, organiserait un pôle public bancaire sous le contrôle de l’État, deviendrait propriétaire des entreprises stratégiques de l’énergie et des transports, et aurait pour mission l’éradication de la dette et des déficits publics.

Ainsi donc :

- à la monnaie unique européenne, les responsables du Front National opposent le retour à la monnaie nationale ;

- à l’euro fort, ils opposent la liberté monétaire et un franc dévalué ; au libre échange, ils opposent des mesures protectionnistes contre les produits étrangers ;

- à la mondialisation ultra-libérale qui affaiblit les États souverains, ils opposent un État stratège et protecteur.

UNE DÉVALUATION COMPÉTITIVE, POURQUOI ?

Premièrement qu’appelle-t-on une dévaluation ? Il s’agit d’une décision gouvernementale ayant pour but de diminuer la valeur de la monnaie nationale exprimée en monnaies étrangères. Exemple : si 1 franc vaut 1 dollar, après dévaluation, 1,20 franc vaudra 1 dollar. Pour avoir 1 dollar, il faut alors payer 1,20 franc et non plus 1 Franc. Il faut donc plus de monnaie française pour avoir la même quantité de monnaie américaine. La valeur du franc a donc baissé par rapport au dollar. Le franc a été dévalué par rapport au dollar et à toutes les monnaies.

Deuxièmement, pourquoi cette dévaluation est- elle appelée compétitive ? Elle est ainsi appelée parce que les agents économiques américains, consommateurs et entreprises, disposant de 1 dollar, vont maintenant pouvoir l’échanger contre 1,20 franc et non plus contre 1 franc. Ils seront donc incités à acheter des produits fabriqués en France. On dira alors que les produits français sont devenus plus compétitifs, sans avoir dû baisser les coûts de production, donc sans avoir baissé les salaires.

Troisièmement, si les produits français sont devenus plus compétitifs, ils seront vendus en plus grande quantité, il faudra donc en produire plus, et pour en produire plus, il faudra plus de salariés, ce qui diminuera le chômage.

Tel est le cercle vertueux de la dévaluation, selon les dirigeants du Front National, qui insistent sur le fait que l’économie du pays qui a dévalué, est devenue plus compétitive sans avoir eu besoin de baisser ses coûts de production et les salaires.

En effet, avec l’euro fort et l’impossibilité de le dévaluer, les produits de la zone euro ne peuvent devenir compétitifs que si on diminue leurs prix, ce qui oblige à diminuer les coûts de production, et donc à bloquer les salaires sinon les diminuer.

En revanche, selon Marine Le Pen et ses « experts économiques », avec la dévaluation, on obtient le maintien, sinon l’augmentation des salaires, et la diminution du chômage. On se demande bien pourquoi, avant Marine Le Pen, personne n’y avait pensé. C’est tout simplement parce que la réalité est légèrement différente.

LA DÉVALUATION COMPÉTITIVE CONDUIT A L’AUSTERITE SALARIALE ET DÉTRUIT DES EMPLOIS

Il est vrai que la dévaluation donne un avantage compétitif, mais cet avantage ne peut être maintenu que si la dévaluation s’accompagne d’une austérité salariale que Marine Le Pen prétend éviter. Pourquoi ? L’avantage compétitif d’origine monétaire peut être annulé si les prix des produits français augmentent. Reprenons l’exemple des agents économiques américains. Après la dévaluation, ils obtiennent 1,20 franc pour 1 dollar, ce qui les inciterait à acheter plus de produits français. Mais, si dans le même temps, les prix des produits français augmentent, avec 1,20 franc, ils obtiendraient la même quantité de produits qu’ils payaient 1 franc, et dans ces conditions, ils n’achèteront pas plus de produits français. Le cercle vertueux de la dévaluation disparaît. C’est pourquoi, pour avoir des effets compétitifs, la dévaluation doit s’accompagner d’une politique qui vise à empêcher l’augmentation des prix, ce qui signifie une politique qui empêche l’augmentation des coûts de production et des salaires ou qui les diminue. On appelle cela une politique d’austérité salariale, qui découle tout naturellement de la nature compétitive de la dévaluation.

En second lieu, cette austérité salariale comporte un autre avantage pour la « réussite » de la dévaluation. En effet, qui dit austérité salariale dit limitation de la consommation, ce qui permet de consacrer toute la production supplémentaire aux exportations. Vendre plus à l’extérieur nécessite de dégager un surplus de production exportable, ce qui passe par une réduction de la consommation intérieure, réduction, elle-même facilitée par l’austérité salariale.

Par conséquent, contrairement à ce que prétend Marine Le Pen, la dévaluation ne permet pas d’éviter l’austérité salariale et la limitation de la consommation, bien au contraire.

Mais permet-elle, au moins de créer des emplois ?

Comme on vient de le voir, la dévaluation compétitive passe par le maintien ou la réduction des coûts salariaux. Cette réduction peut être obtenue de deux façons :

La réduction des salaires ou/et des cotisations sociales, en gardant le même nombre de salariés ;

La réduction de la masse salariale, en faisant produire la même quantité par un nombre plus petit de salariés, ce qui, dans ce cas, signifie des suppressions d’emplois.

D’ailleurs, lorsque les dirigeants du Front National veulent illustrer leurs propositions, ils citent très souvent l’exemple du Royaume-Uni qui, selon eux, « a fait une dévaluation compétitive de 20% de sa monnaie pendant la crise, ce qui lui a permis de connaître un redressement économique important dès 2010 ».

Un redressement économique ? Mais au Royaume-Uni, le gouvernement qui a dévalué la monnaie au nom de la compétitivité, de la concurrence loyale et de l’économie de marché, vient de décider la suppression de centaines de milliers de postes de fonctionnaires, la réduction des dépenses sociales, une montée des droits d’inscription à l’Université, et depuis la dévaluation, le pouvoir d’achat des salariés a diminué tandis que le chômage a augmenté.

Quant au protectionnisme et à l’intervention de l’État, ils sont mis en œuvre par les USA, ce qui n’empêche nullement la montée du chômage et de la pauvreté.

Ainsi donc, comme le montrent les exemples de la zone euro, des USA et du Royaume-Uni, monnaie forte ou monnaie faible, dévaluation ou réévaluation, libre échange ou protectionnisme, dès lors que l’on respecte l’économie de marché, donc les lois de la compétitivité et de la concurrence, les conséquences sont toujours les mêmes pour les travailleurs, les chômeurs et la jeunesse : austérité, chômage et remise en cause de tous les droits sociaux et démocratiques.

A ce sujet, interrogée par la presse économique spécialisée, le 8 avril dernier, Marine Le Pen déclare : « nous ne remettons pas en cause l’économie de marché, ni les bienfaits de la concurrence, si elle est loyale ». (Citée dans le Monde du 10 avril).

En d’autres termes, que propose Marine Le Pen, sinon la possibilité pour le gouvernement français, d’agir comme l’administration américaine ou le gouvernement britannique, qui dévaluent leur monnaie, mettent en œuvre des mesures protectionnistes quand bon leur semble et font intervenir l’État dans l’économie, afin d’appliquer des politiques d’austérité pour la majorité de la population, au nom des dévaluations compétitives et de la défense des intérêts dits nationaux ?

C’est précisément ce que l’on trouve dans le programme du Front National. Quelques exemples suffiront à le montrer.

SALAIRES : DES AUGMENTATIONS FINANCEES PAR LES CONTRIBUABLES

Marine Le Pen se prononce pour le retour de l’indexation des salaires sur les prix, c’est-à-dire de leur augmentation en fonction de la hausse des prix. Mais qui doit payer cette augmentation ?

Dans un récent communiqué daté du 18 avril 2011, Marine Le Pen propose de diminuer l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui augmenteraient les salaires.

C’est donc l’État, par cette baisse de l’impôt qui financerait la hausse des salaires. Mais qui finance l’État, sinon les contribuables, salariés dans leur immense majorité. Par conséquent, les impôts payés par les salariés permettraient à l’État de baisser l’impôt payé par les sociétés. En somme, les salariés contribuables financeraient leurs propres augmentations de salaire.

A n’en point douter, cette proposition ne devrait pas trop déplaire au MEDEF.

RETRAITES : LE TRAVAIL POUR LES PAUVRES PENDANT LEUR RETRAITE

Dans une fiche programme du Front National on peut lire la proposition suivante : « l’harmonisation de l’ensemble des régimes d’assurance maladie et retraite pour mettre fin aux injustices et aux inégalités dans ces domaines ».

C’est l’argument du MEDEF et des capitalistes financiers pour remettre en cause le calcul du montant des retraites des fonctionnaires afin de le réduire, tout cela bien sûr, au nom de l’égalité avec le secteur privé.

Le 14 juin 2010, Marine Le Pen déclare que « cumuler emploi et retraite peut être une bonne chose pour les revenus modestes ». En d’autres termes, pour les ouvriers notamment, elle propose de travailler pendant leur retraite.

On comprend alors aisément pourquoi, si prompte à réclamer l’abrogation de telle ou telle loi, elle ne demande en rien l’abrogation de toutes les lois qui ont reculé l’âge de départ à la retraite et diminué leur montant.

Dans ce domaine aussi, Marine Le Pen défend les intérêts des marchés financiers.

PROTECTION SOCIALE : ETATISATION ET DESTRUCTION DE LA SECURITE SOCIALE

Dans une fiche programme destinée aux adhérents du Front National, on peut lire cette proposition : « la transformation des cotisations patronales au titre de la famille en contribution fiscale ». Il s’agit là d’une vieille exigence patronale. En effet, depuis de nombreuses années, au nom de la compétitivité chère à Marine Le Pen, le patronat estime qu’il ne lui revient pas de supporter le financement des allocations familiales, en versant à la Sécurité Sociale des cotisations, partie intégrante du salaire brut des travailleurs .Le patronat exige de transférer le financement des allocations familiales à l’impôt.

De même, le Front National se prononce pour la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, mesure, qui accentuerait la fiscalisation du financement de la Sécurité Sociale et donc la mainmise de l’État sur les dépenses de protection sociale afin de les réduire.

C’est d’ailleurs l’objectif du Front National, pour qui « l’État doit devenir l’instrument de la solidarité nationale », ce qui signifie « la gestion directe par l’État de ces régimes nationaux sous contrôle du parlement ».

En clair, une Sécurité Sociale, financée par l’impôt et soumise aux politiques budgétaires d’austérité, pour le plus grand bien du patronat, libéré des cotisations sociales. Des cotisations sociales, que Marine Le Pen dénonce régulièrement, comme le 14 juin 2010, quand à propos des retraites, elle déclare que « la hausse du montant des cotisations est une bêtise »

Cette politique, déjà partiellement mise en œuvre par tous les gouvernements de droite et de gauche, au nom de la nécessaire baisse du coût du travail et de la lutte contre le chômage, a donné les résultats que l’on sait.

SERVICES PUBLICS : LES RENDRE COMPETITIFS Marine Le Pen ne manque pas une occasion de se poser en défenseure des services publics, mis à mal par la politique de l’Union européenne et par tous les gouvernements depuis 30 ans. Dans une « Lettre aux fonctionnaires » du 23 février 2011, elle se prononce pour un État fort, garant des services publics, affirme qu’il faut tourner la page de la RGPP (révision générale des politiques publiques), constate que « l’école est saignée à blanc » et déclare que le statut doit être préservé.

Dans le même temps, le Front National, dirigé par Marine Le Pen, publie un document intitulé « Comment redresser les services publics ? » dans lequel on peut lire que « l’État doit stimuler la modernisation du service public et les gains de compétitivité ».Et à cette fin, ajoute le même document, il faut « cesser de traiter de façon uniforme l’ensemble des agents publics ».

Compétitivité des services publics ? Mais, c’est au nom de la compétitivité des services publics, que les milieux financiers et le gouvernement ont mis en œuvre la RGPP afin de supprimer des postes. C’est encore au nom de la compétitivité, et donc de la productivité de chaque fonctionnaire, que les capitalistes financiers veulent imposer le salaire au mérite, ce qu’ils appellent, « cesser de traiter les agents de façon uniforme ».

ECOLE : LA CONCURRENCE ENTRE LES ÉTABLISSEMENTS

Dans ses interventions à la télévision et à la radio, Marine Le Pen prend toujours soin de rappeler son attachement à l’école publique où elle a mis ses enfants. Mais, dans une fiche programme, destinée aux militants du FN, on peut lire ceci : « au nom de l’égalité de moyens, l’État permettra par la mise en place du chèque scolaire, le libre choix de l’école à tous les parents », « la carte scolaire sera progressivement supprimée », « les parents deviennent le passage obligé pour le financement des établissements ». Il faut « permettre aux parents du Public de choisir, pour leurs enfants, l’établissement qu’ils jugeront le meilleur » ; « les écoles primaires, collèges et lycées, ainsi soumis à une certaine émulation amélioreront naturellement leur niveau scolaire et leurs conditions de travail pour les élèves ».

On aura reconnu ici les propositions traditionnelles du MEDEF et des organisations internationales telles que le FMI, l’OMC et l’Union européenne que Marine Le Pen prétend combattre.

Concernant les conditions de travail, le FN fait les propositions suivantes : il faut « une police de protection des lycées, spécialisée dans la délinquance scolaire » ; « il faut installer des portiques de détection des métaux » ; « il faut envisager de supprimer les allocations familiales dans les cas les plus graves » ; « l’autorité doit être affirmée dans les établissements scolaires au besoin en suspendant à la famille de tout élève perturbateur, les diverses allocations sociales et familiales dont elle bénéficie ».

Par ailleurs, concernant les professeurs, « dans la gestion de leur carrière, une plus grande place sera faite au mérite » et il faut leur « imposer un temps de présence supplémentaire au sein de leur établissement ». Là encore, on aura reconnu des propositions du MEDEF et des organisations internationales, FMI, OCDE, que Marine Le Pen prétend combattre.

Enfin, les professeurs d’Histoire sont prévenus : « il faut sortir d’une vision dépréciée de notre Histoire Nationale ».

UNIVERSITE : AUTONOMIE, SELECTION, COMPÉTITIVITÉ

Dans une fiche programme, on peut lire ceci : « une plus large autonomie sera accordée dans le recrutement des professeurs ainsi que dans la sélection des élèves de façon à améliorer la compétitivité de nos universités face aux grandes écoles et aux universités étrangères ».

En d’autres termes, des universités autonomes et la sélection à l’entrée, c’est-à-dire la fin du droit de tout lycéen à entrer à l’Université.

C’est tout simplement le programme du MEDEF et des milieux financiers dénoncés par Marine Le Pen.

BUDGET MILITAIRE : IL FAUT L’AUGMENTER

« Il est nécessaire d’augmenter le budget de la Défense Nationale » peut- on lire dans une fiche programme du FN. Plus d’argent pour les armes signifie moins d’argent pour les dépenses sociales et les services publics. Un peu plus loin la fiche nous apprend que « l’essor économique des USA depuis les années Reagan est en partie lié à l’élévation des budgets militaires ». Un essor économique qui a conduit à la crise actuelle. Par ailleurs, il faudrait demander au peuple irakien ce qu’il pense de cet essor économique.

DETTE : IL FAUT LA PAYER

Dans une récente vidéo consacrée à la dette, Marine Le Pen s’en prend avec véhémence aux marchés financiers qui se sont enrichis et continuent à s’enrichir en percevant les intérêts de la dette contractée par tous les gouvernements depuis 30 ans. Pour quelle conclusion ? « le FN assumera l’héritage calamiteux des pouvoirs politiques précédents sans pour autant recourir à la solution de facilité par la répudiation pure et simple de la dette ».

En clair, Marine Le Pen est prête à rembourser la dette aux institutions financières et aux banques, ce qui signifie une ponction de plusieurs centaines de milliards d’euros sur le budget de l’État et, in fine, sur le revenu de la population.

Soumission aux marchés financiers d’une part, et augmentation des dépenses militaires d’autre part, les propositions de Marine Le Pen ne constituent en rien la moindre rupture avec le capitalisme financier, spéculateur et guerrier, en un mot, destructeur.

IMMIGRATION : LE RACISME INSCRIT DANS LA CONSTITUTION

La présentation de cet argumentaire pourrait laisser croire que l’immigration serait un point parmi d’autres du programme du Front National. Il n’en est rien.

La guerre aux immigrés et à leurs familles est la colonne vertébrale de ce programme. Pour les responsables de ce parti, les immigrés sont responsables du chômage, de la faiblesse des salaires, de la montée de la pauvreté, des déficits de l’État et de la Sécurité Sociale, de la hausse des impôts, de la fraude sociale et de la délinquance. Leur place dans la société constituerait une menace pour l’identité nationale, et l’existence même de la France serait menacée.

Pour le Front National, la dénonciation de la mondialisation va donc de pair avec la dénonciation de l’immigration, et il faut en finir avec ce que ce parti appelle « la mondialisation des prestations sociales » (17 mars 2011), ce qui signifie notamment « l’établissement d’une politique familiale volontariste réservée aux français, la suppression des allocations familiales pour les non nationaux » (fiche programme sur les institutions).Cela signifie également que « les travailleurs immigrés soient incités à prendre leur retraite dans leur pays » (fiche programme).

C’est pourquoi, Marine Le Pen propose d’inscrire dans la Constitution, le principe de la préférence nationale, principe qui n’est rien d’autre qu’une véritable déclaration de guerre aux immigrés et à leurs familles.

Cette politique anti-immigrés n’a qu’un seul but : dresser politiquement et physiquement les travailleurs français contre les travailleurs immigrés, pour diviser la classe ouvrière et permettre ainsi au capital financier de s’en prendre à tous les travailleurs, immigrés et français, afin d’imposer sa politique de destruction de tous les acquis sociaux, cela au nom de la défense des intérêts nationaux et de la compétitivité.

SYNDICALISME : DETRUIRE LES ORGANISATIONS SYNDICALES

Marine Le Pen accuse régulièrement les organisations syndicales de trahir les intérêts des travailleurs français parce qu’elles refusent de combattre l’immigration. C’est pourquoi, les responsables du Front National appellent à un « renouvellement syndical », c’est-à-dire à la construction de « syndicats » racistes orientés vers la lutte contre les immigrés, au grand bénéfice du patronat. En effet, cette construction de « syndicats » racistes passe nécessairement par la destruction des organisations syndicales existantes, qui, malgré leurs limites, constituent toujours un cadre de résistance aux attaques du capital financier et du MEDEF, contre tous les salariés, français et immigrés.

CONCLUSION

Les propositions économiques du Front National prennent place dans la crise que connaissent plusieurs pays européens. Aujourd’hui, des États comme l’Irlande, la Grèce, le Portugal, sont directement soumis à des plans d’austérité du FMI et de l’Union européenne, afin qu’ils dégagent les ressources nécessaires au paiement de leur dette. D’autres, comme l’Espagne, l’Italie et la France conduisent également des politiques d’austérité dans le cadre de la zone euro. Mais devant les difficultés de ces pays à mener ces politiques, certains cercles dirigeants des marchés financiers estiment qu’il faut emprunter un autre chemin, celui du protectionnisme, de la dévaluation compétitive et donc de la sortie de l’euro.

C’est ce que commencent à exprimer, même partiellement, plusieurs financiers, dans un dossier du Monde du 5 avril dernier, intitulé « des pistes pour une nouvelle politique européenne ». L’objectif est toujours le même : payer la dette et rembourser les banques en mettant en œuvre une plus grande austérité au nom de la compétitivité et de la guerre économique contre les concurrents et les produits étrangers.

La mise en œuvre de cette austérité nécessite une défaite sociale et politique des travailleurs, des chômeurs et de la jeunesse. Et cette défaite nécessite la division des rangs des salariés, qui peut prendre la forme d’une guerre entre les travailleurs français et immigrés.

C’est précisément cette guerre que prépare le Front National. Mais où ce parti trouve-t-il les moyens politiques de cette préparation ? Il les trouve dans la politique de Sarkozy, mais surtout, dans l’incapacité des partis de gauche de combattre réellement cette politique, et d’offrir une perspective sociale et politique crédible, c’est-à-dire basée sur une rupture claire et nette avec le capital financier qui commence par le refus de payer la dette.


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