D’un 1er mai à l’autre, Front contre Front… le bide du défilé des "syndicalistes" du FN, la force du mouvement ouvrier organisé !

vendredi 6 mai 2011.
 

Ce 1er mai 2011, la journée fut longue ; dès le matin je suis allé faire un tour du coté du rassemblement et de la petite manifestation du Front national, de la Place de l’Opéra à la statue de Jeanne d’Arc. Le lecteur sera peut être étonné de ma démarche. Qu’il se rassure. Aucune volonté de provocation, ni de recherche d’incident de ma part. J’avais seulement besoin de voir de mes yeux la réalité militante de ce dont le Fn est capable aujourd’hui. Le résultat a confirmé ce que je pensais. L’ambiance était assez glacée le long du cortège, aucun tract n’est distribué au passant, les mots d’ordres peu inspirés "Ni droite, ni gauche, Front national", "le social c’est le Front national" ou encore un "Français, tu n’es plus maitre chez toi", qui aurait sans doute beaucoup plu au Ministre de l’intérieur M. Claude Guéant. Tout cela n’était pas réellement une manifestation, mais un rassemblement qui se déplace dans des petites rues. Si le Fn est une force électorale et politique, il est très faible comme force sociale. 2 000 personnes au départ, autour de 3 000 à la fin dont une très forte présence de journalistes, le résultat n’est pas glorieux. Le Fn est un colosse électoral aux pieds d’argile sur le plan militant. Au passage, cela en dit long sur l’origine de la force de l’extrême droite. Des réseaux civils et sociaux très faibles, une presse d’extrême droite moribonde et sans réelle influence, une présence militante insignifiante, mais une capacité d’occupation des médias surpuissante. Cela devrait nous faire réfléchir, y compris dans les salles de rédaction.

Je suis d’ailleurs assez stupéfait de voir comment, le lendemain, un journal gratuit comme 20 Minutes , distribué aux 10 millions de franciliens, consacre une demi-page avec deux photos au rassemblement du FN, et ne dit pas un mot sur la grande manifestation des syndicats ouvriers. Idem, dans Le Parisien, l’article consacré aux supporters des Le Pen est plus important que celui qui évoque les manifestations de l’après-midi. A part Le Monde, la plupart des journaux ont suivi cette pente. La presse devrait un peu s’interroger sur l’effet loupe qu’elle donne aux évènements. Je n’appelle pas à la censure, mais à un réel équilibre de l’information. Pour l’heure, le Fn prétendument victime des médias n’a pas à se plaindre. On pouvait encore le constater hier, vu l’attroupement de photographes et caméras autour des dirigeants du Fn, principalement les le Pen père et fille, mais aussi Louis Alliot , Walleyran de St-Just, ou encore ma "préférée", la Vice-présidente Marie-Christine Arnautu, grande « laïque frontiste » qui ne supporte pas les musulmans sur notre territoire mais qui termine certains de ses communiqués de presse par un "Amen" retentissant et qui affiche toujours ostensiblement sa foi catholique avec une grande croix dorée autour du cou (cliquez pour vérifier sur la photo plus haut à droite), en manifestation comme en campagne électorale…Fidèle, fidèle, elle est restée fidèle, comme chantait Trenet, et pourchasse les infidèles !

Ainsi, donc, un petit parti qui rassemble au mieux 3 000 personnes à l’occasion de son principal rassemblement annuel est considéré comme la force centrale de toute notre vie politique…Et pourtant, nous avait-on prévenu, avec Marine Le Pen les choses avaient changé, ce n’était plus comme avant, désormais, on « s’affichait » plus facilement pro-Fn, etc. Concrètement hier, on a rien vu de cela. C’est même plutôt l’inverse. Tous les journalistes habitués de ce rendez-vous me l’ont confirmé, la cuvée 2011 était une toute petite cuvée par rapport aux années précédentes. Les dirigeants du Fn attendaient plus de monde, ils étaient déçus. Le constat s’impose, ces gens là sont d’abord et avant tout fort de nos faiblesses.

En écrivant ces lignes je veux une nouvelle fois évacuer un faux débat. Je ne sous-estime pas le Front national en 2011. Au contraire, je pense qu’en raison de la crise de la droite sarkozyste le Fn peut prendre à l’avenir un rôle central dans la recomposition d’une droite dure et ouvertement raciste qui pourrait prendre le pouvoir. Mais, actuellement, la force du FN « mariniste » est surtout qu’il retrouve un électorat déjà existant au même niveau depuis plus de 15 ans. A présent, Mme Le Pen est testée par les instituts de sondages comme seule candidate à l’extrême droite. Fini les concurrences de Philippe de Villiers, Bruno Mégret et Christine Boutin (et je mets de coté Chasse Pêche Nature et Tradition…). Et pourtant, en 1995, lors du premier tour de l’élection présidentielle, si l’on additionne de Villiers et Le Pen, on obtient 19,74 % ! En 2002, si l’on additionne Mégret, Boutin et Le Pen on monte à 20,49 % ! Avec Jean Saint-Josse de CPNT (dont je rappelle qu’ils feront liste commune avec de Villiers aux dernières élections européennes) on est à près de 25 %.

La force donc de Marine Le Pen est que tous ses concurrents, à la droite de la droite, sont à présent hors jeu et que l’UMP s’effondre. L’heure est donc grave, c’est une évidence. Pour autant, la lucidité ne doit pas nous affoler et nous tétaniser. Car, tout de même, observons les limites et les faiblesses du FN. Hier par exemple, ce devait être le « grand rendez vous pour un printemps social » des syndicalistes et des ouvriers « exclus et pourchassés » dans les confédérations syndicales. Il était donc prévu un grand défilé des syndicalistes impulsé par un dénommé Fabrice Engelmann, ex. CGT et ex. NPA qui a « découvert » surpris un beau jour que ces deux organisations n’étaient pas pour la « Préférence nationale » et l’expulsion des immigrés. C’est dire la grande perspicacité de ce monsieur... J’avais déjà parlé sur ce blog, de cet ambitieux projet qui était le principal objectif annoncé de l’édition 2011.Selon les dirigeants du FN, et particulièrement Louis Alliot, son vice-président, ce devait être "une grande première", une "parade de syndicalistes" pour, selon l’hebdomadaire Minute, "faire un pied de nez aux centrales syndicales". Oui, oui. Il voulait rivaliser avec les Confédérations syndicales, gonflé à bloc par ces drôles de sondages (réalisés à partir de 150 personnes) qui affirmaient que 36 % des ouvriers voteront FN en 2012, repris avec gourmandise et sans recul par le Journal du dimanche (JDD) de la semaine dernière. A l’arrivée, c’est le flop total. Le bide absolu ! Je dois avouer que j’en ris encore. Le défilé des syndicalistes FN « Pour un syndicalisme national » s’est limité à deux personnes ! Pas trois ou quatre, mais oui, deux personnes (juste ce qu’il faut pour tenir la banderole comme on peut le constater sur la photo de gauche, cliquez dessus pour mieux voir) dont M. Engelmann lui-même et le Président du Groupe FN au Conseil régional de Lorraine, Thierry Gourlot, syndicaliste à la CFTC, qui profite du fait que dans cette Confédération, la direction n’a pas engagé le même courageux travail que dans la CGT ou FO. Ridicule. A tel point, que quelques minutes plus tard, prenant conscience sans doute du grotesque de tout cela, Fabrice Engelmann préférait ranger sa banderole et défiler plus discrètement l’air un peu penaud (voir photo de droite, cliquez dessus), M. Thierry Gourlot tenant leur pauvre banderole à la main. Pourtant, la veille Le Parisien avait fait sa une là dessus en indiquant que c’était à présent la principale priorité du FN. Cela démontre clairement comment fonctionne la nouvelle communication du Front national. Elle fait des annonces, publie des communiqués de presse qui font évènements, puis...qu’importe si le résultat n’a aucun rapport avec les objectifs car très peu de journaux ne font l’effort de tirer le bilan. A l’exception notable du Monde, mais il est vrai que les deux journalistes qui signent le papier sont de vrais spécialistes de l’extrême droite, suivant ce dossier depuis plusieurs années.

Concernant le discours de Marine Le Pen, je n’en dirais pas grand-chose. Il est facilement visible sur le site de son parti. Je considère que son introduction est un galimatias approximatif et indigeste qui mélange le moyen âge de Jeanne d’Arc avec la seconde guerre mondiale. Pauvre Jeanne ! A écouter la nouvelle présidente du FN, si poussive dans sa démonstration, je repense aux mots de Daniel Bensaïd, ce grand intellectuel disparu, qui écrivait dans son livre "Jeanne de guerre lasse" (Editions Gallimard), dans un monologue imaginaire de la combattante de la résistance universelle, brûlée par des fanatiques religieux : "le pire c’est d’être annexée par ceux-là mêmes qui m’ont persécutée. et qui osent prétendre que mon martyre fut mon apothéose ! M’abandonner à mes vainqueurs, ce serait perpétuer mon bûcher. Vous n’allez pas me laisser à Le Pen ?..." J’ai peur que oui pourtant. Dommage. Le reste du discours lepeniste du jour est une suite de figures classiques des discours de son père, battus et rebattus depuis des années. Des noms s’enchainent sans plus de cohérence Charles de Gaulle, Victor Schoëlcher, etc.. Du déjà vu, on le sait, le FN excelle dans la récupération et la captation d’héritage. Si on l’écoute, eux seuls défendent la France contre la mondialisation, eux seuls disent la vérité depuis 30 ans, etc… Elle oublie de rappeler qu’en 2007, que le FN était par exemple, pour la retraite à 65 ans, pour la privatisation de services publics et pour « travailler plus pour gagner plus ». Elle préfère ne plus parler de cela désormais. On la comprend. Mme Le Pen n’est pas une grande oratrice, c’est une évidence. Mais, cela ne l’empêche pas d’être la dirigeante incontestée de son camp. Le fait qu’elle porte le nom de la marque « le Pen » la protège de toutes les contestations, si ce n’est sur les marges. Petit détail, hier Bruno Gollnish n’était pas sur la tribune. Manifestement, en interne, le ménage continue. C’est leurs affaires. Il serait faux de penser que c’est pour recentrer son parti plus à gauche. Il se débarrasse du folklore inutile électoralement, et se refuse à toutes formes de propos antisémites, c’est tout. Le racisme anti étranger demeure. Et, si la presse répète que Mme Le Pen a mis la priorité sur le social, je met au défi quiconque de me dire quelles mesures sociales concrètes, le Front national propose aux travailleurs de notre pays ? Aucune.

Changement de décor, j’ai quitté la petite rivière du Front national, puis j’ai rejoint le grand fleuve de la manifestation ouvrière du 1er mai. Volontairement, les lignes que j’y consacre sont moins importantes que celles relatant le rendez-vous FN. Pourtant, uniquement à Paris, la manifestation des organisations du mouvement ouvrier a rassemblé au bas mot trente fois plus de personnes que celle d’extrême droite. Mais, la majorité de la presse expliquera qu’elle n’a pas été un succès ! Et pourtant, plus de 100 000 personnes dans la capitale. Qui fait mieux ? Qui est capable de cela ? Quatre heures de défilé de République à Nation, et des manifestations dans toutes les villes de France. Une force indiscutable. La classe ouvrière est là. Celle qui lutte, qui se défend et qui se mobilise, combative et joyeuse. Pas sa petite fraction rageuse, mélange de petits patrons écrasés par la crise en colère perpétuelle contre les syndicats et de déclassés méprisant leur propre classe sociale, qui veut faire porter la responsabilité de la crise et du chômage sur le dos de ses collègues étrangers qui sont généralement les plus mal payés.

Dans cette manifestation, le Front de gauche, ses militants et ses dirigeants, Pierre Laurent, Martine Billard, Christian Piquet, Marie-Georges Buffet, Jean-Luc Mélenchon et d’autres, étaient présents. Notre cortège joyeux a défilé ainsi jusqu’à la Place de la Nation sous les applaudissements. Il était le plus important cortège d’organisations politiques de la journée. Les drapeaux du PCF, de la gauche Unitaire et du PG se sont mêlés. Un beau succès.

Cette longue journée est riche d’expérience. Contre l’extrême droite, et la droite qui mène une politique si injuste, ayant confiance dans nos propres forces. Ne soyons plus dos au mur. Soyons convaincu que tout est possible. Oui, tout. La gauche doit parler du social, doit exiger une autre répartition des richesses, l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat, rétablir la retraite à 60 ans, exiger la baisse des loyers, défendre les services publics, combattre la précarité en titularisant les 800 000 précaires qui travaillent actuellement dans le service public, etc…

Le peuple de France, c’est nous ! Le social, la justice, la laïcité, la France républicaine, c’est nous !


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