Légumes : je paye cher, tu payes cher, ils payent mal

samedi 16 avril 2011.
 

Mars a eu beau se montrer clément, les nuages planent sur les fruits et légumes français. Si les prix dans les rayons restent élevés pour les consommateurs, ceux payés aux agriculteurs s’affichent à la baisse. Certains annoncent déjà une perte de revenu de près de 50 % sur les trois derniers mois. Et beaucoup le redoutent : la saison 2011 pourrait être semblable, si ce n’est pire, à celle de 2009, année catastrophique qui avait vu le revenu agricole moyen chuter de 34 % sur douze mois. Les maraîchers nantais ont été les premiers à donner l’alarme, la semaine dernière, en organisant une opération vérité sur les prix. L’organisation Légumes de France prévoit d’étendre l’initiative à d’autres régions dès aujourd’hui. Avec l’intuition assez nette que les conclusions nationales seront comparables aux conclusions nantaises. L’enquête, qui consistait à effectuer un relevé d’étiquettes dans une trentaine de grandes et moyennes surfaces de la région, a révélé un écart parfois considérable entre le prix d’achat et le prix de vente des produits. La barquette de mâche est ainsi achetée 27 centimes en moyenne aux producteurs nantais, pour être revendue entre 70 centimes et 1,90 euro en rayon. La tendance est la même pour ce qui est du concombre, payé en moyenne 35 centimes aux producteurs et revendu entre 95 centimes et 1,35 euro aux consommateurs.

DES PRIX QUI PÈSENT POUR LES CONSOMMATEURS

Des différences qui pèsent sur les consommateurs autant que sur les producteurs et que ces derniers ne s’expliquent que par les marges que se ménage la grande distribution. Laquelle joue, pour ce faire, la mise en concurrence : bien engagée, la saison 2011 enregistre des volumes à la hausse. Outre les produits français, débarquent sur le marché des productions espagnoles, marocaines ou encore néerlandaises, aux coûts de revient moins élevés et donc au prix de base plus attractifs pour les grossistes. Or, l’investigation nantaise a mis en relief un second élément : l’invisibilité – voire l’absence – de certains produits français en rayon. « Sur 22 enseignes, seules de 2 ou 3 proposaient de la tomate française », souligne Louis Vinet, président des Jeunes producteurs chez Légumes de France . « Pourtant, la production en serres chauffées a démarré depuis mi-février », souligne-til. Le chou-fleur lui-même est concerné, quand une partie de celui en rayon provenait des Pays-Bas. Le résultat, pour les agriculteurs, est mortifère. « On me paye 27 centimes la barquette de mâche, or, c’est le prix que me coûte son conditionnement », relève David Dubois, jeune maraîcher à l’initiative de l’opération, qui, actuellement, vend à perte alors même que sa production est au plus fort. « Nous avons eu un très bon temps en mars. En un mois, j’aurai réalisé 30 % de ma production annuelle. Un tiers qui ne me rapportera rien, alors que j’emploie 10 à 11 équivalents pleins-temps à l’année. Et eux, il va bien falloir que je les paye. » Déjà, certains redoutent des cessations d’activité d’ici la fin de l’année. « Et à coup sûr, il n’y aura aucune installation en fruits et légumes », prédit Louis Vinet.

DES PROMESSES NON TENUES

Appelée de ses voeux par Nicolas Sarkozy en pleine crise laitière, discutée à l’automne 2009, adoptée au printemps 2010, la loi de modernisation agricole (LMA) affi che l’objectif de garantir un revenu correct aux agriculteurs. Entre autres dispositions, elle prévoit une mesure de modération des marges réalisées par la grande distribution. Un an après, le décret d’application n’a pas encore été adopté, ce qu’exigent aujourd’hui les maraîchers

MARIE-NOËLLE BERTRAND, L’Humanité


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