La justice au temps de la splendeur athénienne

dimanche 16 janvier 2011.
 

Les plaidoyers judiciaires analysés par Claude Mossé sont de précieux révélateurs des transformations de la société et des relations de l’institution avec la démocratie politique.

AU NOM DE LA LOI. JUSTICE ET POLITIQUE à ATHENES à L’âGE CLASSIQUE,

de Claude Mossé.

Éditions Payot, 2010, 224 pages, 20euros.

Il est des questions qui n’en finissent pas de hanter nos sociétés. Les relations de la justice avec le politique sont de celles-là, comme le rappelle le dernier ouvrage de Claude Mossé, qui interroge l’exercice de la justice à Athènes à l’âge classique. L’historienne commence par évoquer l’organisation judiciaire athénienne, au moment où l’Aréopage perd progressivement ses prérogatives au profit de tribunaux populaires, dont les juges, au nombre de six mille, sont tirés au sort chaque année parmi tous les Athéniens de plus de trente ans et reçoivent un salaire de trois oboles par jour de présence au tribunal. Leur rôle consiste à écouter les deux parties, appelées à prendre successivement la parole, avant de procéder à un vote et à estimer éventuellement la peine.

Les plaidoyers des orateurs ont permis de garder la trace de ces actions par nature très diverses. Affaires privées, où l’on réclame la restitution de la dot après une répudiation ; affaires commerciales pour des questions de prêt et de relations marchandes  ; affaires politiques aussi : tout particulier pouvait demander l’examen des comptes des magistrats, remettre en question une décision engageant la vie de la cité, dénoncer une loi menaçant le fonctionnement démocratique ou faire juger un adversaire politique pour son action désastreuse envers la cité. Les discours prononcés n’en appellent pas qu’aux lois : leur interprétation se fait sur des critères politiques, qui reflètent aussi les divisions de la cité.

Les critiques qui surgissent à la fin du Ve siècle correspondent à l’arrivée à Athènes des maîtres d’éloquence, au développement des écoles philosophiques et aux échecs de la politique impérialiste. Les sophistes mettent l’accent sur la relativité des lois et soulignent que chacun est capable de percevoir le juste et l’injuste. Réfléchissant aux relations entre cités, Thucydide suggère que la justice ne peut fonctionner qu’entre égaux, sous peine de voir la loi du plus fort s’imposer. Le procès de Socrate offre, pour sa part, la preuve que la justice peut être bafouée au nom de la loi, qui ne peut donc à elle seule fonder la justice. Platon législateur récuse, lui, le mode de recrutement des juges et souligne l’importance de l’écrit en matière de procédure, tandis qu’Aristote examine les moyens d’assurer à la démocratie sa stabilité.

Entre souveraineté des lois et souveraineté du peuple, l’exemple d’Athènes met donc en lumière les interrogations essentielles des sociétés humaines en quête de justice.

Bassir Amiri, historien


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