Le secrétariat national du RCD s’est réuni en session extraordinaire le 07 janvier 2011. A l’ordre du jour figurait l’étude et le suivi de la situation sociale et politique dans le pays. Sitôt les premières émeutes enregistrées, le Rassemblement a instruit ses instances régionales, dans le pays comme en émigration, pour mettre en place des cellules de veille.
Le RCD n’a eu de cesse d’alerter, à travers l’ensemble de ses structures, sur la gravité de la crise sociale et politique qui s’éternise en Algérie. La dégradation continue du niveau de vie de l’écrasante majorité de nos concitoyens, notamment les jeunes et les femmes, a provoqué plus de 9000 émeutes en Algérie pour la seule année de 2010. Ces manifestations décrites, à juste titre, comme la conséquence d’une inflation débridée, connaissent aussi des raisons plus profondes.
C’est donc averti des origines, des manifestations et des implications de ces événements que le Rassemblement appréhende la scène nationale d’aujourd’hui.
Face à une misère rampante, le pouvoir réagit par le mépris, la répression ou la corruption. Ce qui se passe dans la rue algérienne est la conséquence directe d’un autisme politique qui a faussé depuis toujours la volonté citoyenne par la fraude électorale, préalable au détournement de la richesse nationale au profit de castes d’autant plus voraces qu’elles se savent illégitimes. Phénomène aggravant, la fermeture de tout espace d’expression et d’organisation autonomes ne laisse que l’émeute et la rue comme moyen et place pour la contestation.
Quelle que soit l’issue des événements en cours, ils auront déjà contribué au renforcement de la résistance citoyenne et à la disqualification du système en place.
Outre qu’il est le seul et l’unique responsable de l’incurie nationale, le pouvoir est mal venu pour se désoler ou s’indigner des actes de violence enregistrés ici et là. Quand un régime n’a que la censure, le mépris et la répression à opposer aux citoyens, il est dans l’ordre des choses que ceux-ci se défendent par les seuls recours qui leurs soient laissés : la protestation improvisée.
Malgré ce désespoir et cette exaspération, les dirigeants s’occupent, une fois de plus, à manœuvrer pour assurer leur survie au lieu de se préoccuper d’une situation qui peut évoluer à tout instant vers un embrasement généralisé.
Pas un message de compassion, pas une proposition sérieuse à même de rassurer le peuple, pas l’ombre d’une volonté prenant acte d’une gestion irresponsable et criminelle n’a été exprimée par les décideurs du pays.
Sur le terrain, des manipulations récurrentes sont signalées un peu partout. Elles portent la marque d’acteurs menacés dans leurs intérêts et leur confort et qui visent à faire avorter les réactions populaires en vue d’en limiter l’accumulation et une meilleure organisation.
Au niveau politique, on assiste à des opérations dont l’objectif est de ressusciter la menace islamiste, scénario qui ne laisserait, cette fois encore, à l’Algérien que l’alternative du péril intégriste comme alternative au pouvoir actuel.
Ces manipulations redoutées et dénoncées ici et là sont une réalité. Cependant, elles ne remettent pas en cause les fondamentaux de la crise algérienne : l’échec d’un régime qui dévaste, depuis 50 ans, l’Algérie et le rejet massif et brutal dont il est l’objet de la part de l’écrasante majorité de notre peuple.
Le RCD s’associe et soutient toutes les initiatives citoyennes exprimant une colère légitime.
Il invite l’ensemble des Algériennes et des Algériens à s’organiser, en se regroupant autour de personnes connues pour leur probité avec des objectifs clairs pour offrir un prolongement efficient et durable à leurs revendications.
Dans ce contexte, les jeunes peuvent donner l’exemple en se montrant à la hauteur des exigences du moment.
Le RCD est persuadé que le jeune algérien saura trouver dans sa générosité, son courage et l’exemple de ses ainés qui ont libéré le pays les ressources et les méthodes qui lui permettront d’accompagner, d’encadrer et de conférer le sens le plus juste et le plus adapté aux légitimes aspirations de la collectivité nationale. C’est là le seul et l’unique moyen de faire aboutir un combat en faveur d’une Algérie démocratique et sociale pour lequel la jeunesse algérienne, toutes catégories politiques et sociales confondues, a payé de tout temps le plus lourd tribut.
C’est aussi par cette voie que les provocations et autres manipulations du système en place seront déjouées. Il est temps que tout un chacun comprenne que les risques d’effondrement de l’Etat algérien et les évolutions en cours sur notre continent, appellent à une évaluation sans concession des bilans des régimes despotiques.
Pour éviter qu’une fois de plus notre Nation ne soit la victime de jeux claniques qui ont confisqué notre mémoire, spolié nos ressources et détourné notre destin, les patriotes algériens, chômeurs, travailleurs, professions libérales ou commis de l’Etat doivent assumer une problématique politique incontournable : on ne peut sauver l’Algérie et le régime en même temps.
Le RCD se tient aux cotés de celles et ceux qui veulent vivre libres et dignes dans leur pays. En attendant que des institutions légitimes qui assurent la stabilité naissent, le mouvement populaire en cours peut créer les conditions propices à un climat politique aboutissant à une rénovation nationale dont nous devons limiter les couts humains et matériels sans faire la moindre concession quant à son contenu et ses objectifs républicains et démocratiques.
Le pouvoir n’a tiré aucune leçon de ses fautes. Il appartient au peuple algérien, dont la jeunesse représente le fer de lance, de faire la preuve que le message de novembre et de la Soummam n’a pas été étouffé. Nos ainés ont su rejeter le systéme colonial et porter le message de l’Etat de droit.
Le défi est identique aujourd’hui : nous devons transformer un rejet en projet.
Depuis cinq jours, l’Algérie a plongé dans un cycle de violences sociales extrêmes. L’émeute qui gagne de plus en plus tout le territoire national exprime un marasme social profond. Le peuple, à sa tête la jeunesse, déclare sa révolte devant la cherté de la vie, les pénuries, le chômage, la mal vie, l’injustice sociale et la corruption.
Hélas, comme à l’accoutumée, en l’absence de courroies de médiations crédibles, le légitime courroux populaire dérape sur les biens publics et privés.
A l’évidence, malgré une opulence financière qui dure depuis plusieurs années, l’Etat n’arrive pas à faire face convenablement à la demande sociale.
Le sentiment d’autisme et d’impunité des dirigeants alimente et exacerbe la déflagration sociale.
Dicté par les seuls aléas du marché international ou par une spéculation intérieure réelle mal circonscrite, la hausse constante des prix se conjugue avec une dévaluation sourde et continue de la monnaie nationale pour réduire systématiquement à néant de maigres augmentations de salaires arrachés dans la difficulté.
Les citoyens souffrent d’un chaos économique, social et culturel plus ou moins délibéré , sous tendu par un déni de libertés qui bloque toute(s) organisation(s) autonome(s) de la société.
Nous, Députés de l’opposition démocratique qui avons eu, en permanence, à dénoncer cette situation, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, interpellons, une nouvelle fois le pouvoir sur sa gestion irresponsable.
Résolus à demeurer aux cotés des démunis et laissés pour compte, nous mettons en garde contre toute manipulation ou tentation répressive condamnées d’avance par la raison et l’histoire.
Bien au contraire, il est impératif de mettre en place une politique économique génératrice d’emplois réels et de richesses durables. L’avènement de mécanismes transparents de régulation de l’économie et de répartition juste du revenu national sont des urgences pour la cohésion sociale de la nation. L’extirpation du fléau de la corruption est une exigence juridique, morale et politique pour toute crédibilité institutionnelle.
Cette démarche n’aura, cependant, aucune efficience ni crédibilité si elle n’est pas accompagnée du rétablissement du processus démocratique dont la levée de l’état d’urgence doit être le premier signe de bonne volonté officielle. Le déverrouillage politique et institutionnel de la vie publique est une nécessité vitale pour un exercice effectif et pacifique des droits et libertés du citoyen.
Loin d’être un nuage d’été, l’explosion sociale en cours est une vague de fond qui appelle un renouveau institutionnel et économique à la mesure des ressources financières et du potentiel de compétences disponibles. C’est là le seul cheminement pour construire une gouvernance qui remette le destin du pays entre les mains du peuple algérien.
Tipaza, Alger , Oran, Djelfa, Batna, Béjaïa, Chlef, Bordj… les émeutes qui s’étendent à travers le pays soulignent l’échec de la politique suivie depuis plusieurs décennies et confirment que le choix du libéralisme contredit la prise en charge des besoins élémentaires des masses populaires.
Partout, les jeunes ont dit leur colère face à l’envolée des prix des produits de base, ils ont dit leur détresse devant l’absence d’un logement, ils ont dit leur désespoir devant la rareté des emplois, ils ont dit leur malheur dans une vie sans loisirs, dans un pays prison que l’Europe leur interdit de quitter, dans une société bloquée, en crise. Jeunesse si pauvre dans un pays si riche, ils ont aussi crié leur haine des nouvelles classes possédantes, leur refus de la corruption, leur rejet de l’humiliation et leur détermination contre la répression.
La tradition émeutière n’est pas nouvelle. Baraki et Diar Echems résonnent encore des batailles pour le relogement. Depuis plusieurs mois le mécontentement bouillonne. Dans les bagarres pour l’introuvable sachet de lait, dans la recherche d’une boulangerie ouverte, on disait sa rage devant ces milliards volés, devant ces cadeaux princiers faits aux émirs du golfe, aux roitelets algériens ou aux seigneurs d’Europe, tous, dispensés d’impôt.
A l’origine de l’explosion, l’augmentation du sucre, de l’huile et des produits d’épicerie. Le spectacle de la révolte légitime des jeunes de Tunisie a, bien sûr, inspiré Bab el Oued et Oran. La distribution des logements sociaux a ravivé la haine de la corruption. On nous demande d’attendre mais on voit les fortunes monter sans attendre.
Les augmentations de salaires obtenues dans le secteur public, après des années de luttes, de grèves, de répression, sont dérisoires pour les petites catégories, c’est-à-dire pour la majorité. Et ces augmentations qui ne sont pas encore appliquées partout sont déjà mangées par la hausse des prix. Les travailleurs du privé, ont rarement été augmentés.
Toutes nos conventions collectives doivent inscrire l’échelle mobile des salaires : quand les prix augmentent le salaire doit augmenter autant !
La valeur du dinar a été divisée par 20 depuis 1994, pour offrir des ouvriers algériens presque gratuits aux investisseurs. On chante la nouvelle religion de la liberté du marché mais, sur ordre du FMI, on a administrativement baissé le dinar pendant qu’on libère les prix ! Retour aux prix imposés par l’État, pour tous les produits de base.
Les revenus du pétrole sont dépensés dans des projets géants mais nos vieux ont été compressés et nos jeunes n’ont pas de travail. Les hommes d’affaires des grandes puissances aiment l’Algérie des grands contrats et nos jeunes la fuient sur des bateaux de fortune. Le tournant patriotique annoncé est contredit sur le terrain par des cadeaux aux émiratis et les promesses aux Européens. Il faut réorienter notre politique !
Nos investissements doivent viser le développement pour la satisfaction des besoins du peuple : logement, emploi, santé, transport, formation.
On reproche à nos jeunes leur violence désespérée. Mais le pouvoir laisse-t-il un autre moyen de se faire entendre quand l’association des tailleurs de pierre est privée d’agrément, quand un séminaire contre la violence faite aux femmes n’est pas permis, quand les marches, les grèves subissent la matraque et les poursuites judiciaires.
Pour les libertés d’expression, d’organisation, de manifestation et de grève !
Alger, le 06 janvier 2011
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