Animaux... l’hiver (poèmes)

lundi 20 décembre 2010.
 

1) Les oies sauvages

Guy de Maupassant

Tout est muet, l’oiseau ne jette plus ses cris.

La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.

Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies,

Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.

Voilà qu’à l’horizon s’élève une clameur ;

Elle approche, elle vient, c’est la tribu des oies.

Ainsi qu’un trait lancé, toutes, le cou tendu,

Allant toujours plus vite, en leur vol éperdu,

Passent, fouettant le vent de leur aile sifflante.

Le guide qui conduit ces pèlerins des airs

Delà les océans, les bois et les déserts,

Comme pour exciter leur allure trop lente,

De moment en moment jette son cri perçant.

Comme un double ruban la caravane ondoie,

Bruit étrangement, et par le ciel déploie

Son grand triangle ailé qui va s’élargissant.

Mais leurs frères captifs répandus dans la plaine,

Engourdis par le froid, cheminent gravement.

Un enfant en haillons en sifflant les promène,

Comme de lourds vaisseaux balancés lentement.

Ils entendent le cri de la tribu qui passe,

Ils érigent leur tête ; et regardant s’enfuir

Les libres voyageurs au travers de l’espace,

Les captifs tout à coup se lèvent pour partir.

Ils agitent en vain leurs ailes impuissantes,

Et, dressés sur leurs pieds, sentent confusément,

A cet appel errant se lever grandissantes

La liberté première au fond du coeur dormant,

La fièvre de l’espace et des tièdes rivages.

Dans les champs pleins de neige ils courent effarés,

Et jetant par le ciel des cris désespérés

Ils répondent longtemps à leurs frères sauvages.

Des vers

2) La mort des oiseaux - (François Coppée 1842-1908)

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois,

A la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois,

Pendant les tristes jours de l’hiver monotone

Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,

******

Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.

Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !

Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,

Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes.

******

Dans le gazon d’avril où nous irons courir.

Est-ce que " les oiseaux se cachent pour mourir ? "

(Promenades et Intérieurs)

3) Le merle (Théophile Gautier)

Un oiseau siffle dans les branches

Et sautille gai, plein d’espoir,

Sur les herbes, de givre blanches,

En bottes jaunes, en frac noir.

C’est un merle, chanteur crédule,

Ignorant du calendrier,

Qui rêve soleil, et module

L’hymne d’avril en février.

Pourtant il vente, il pleut à verse ;

L’Arve jaunit le Rhône bleu,

Et le salon, tendu de perse,

Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l’épaule ont l’hermine,

Comme des magistrats siégeant.

Leur blanc tribunal examine

Un cas d’hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu’il essuie,

L’oiseau persiste en sa chanson,

Malgré neige, brouillard et pluie,

Il croit à la jeune saison.

Il gronde l’aube paresseuse

De rester au lit si longtemps

Et, gourmandant la fleur frileuse,

Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l’ombre,

Tel un croyant, dans le saint lieu,

L’autel désert, sous la nef sombre,

Avec sa foi voit toujours Dieu.

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A la nature il se confie,

Car son instinct pressent la loi.

Qui rit de ta philosophie,

Beau merle, est moins sage que toi !

Théophile Gautier


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