L’arbre des sciences de Francis Bacon

mardi 17 décembre 2013.
 

Simone Mazauric philosophe et historienne des sciences

Une cartographie du grand système des savoirs conçu par le savant et philosophe précurseur des encyclopédistes qui voulait purifier l’esprit de ses idoles  : l’erreur et l’illusion. Bacon et la promotion des savoirs, de Chantal Jacquet. Éditions PUF, 2010, 12 euros.

Promoteur des sciences, le philosophe et homme politique anglais Francis Bacon (1561-1626) a consacré une grande partie de son œuvre à une réflexion sur leurs méthodes, leur progrès, et les conditions institutionnelles et politiques de ce progrès. Hostile à la pure spéculation, attendant au contraire du savoir qu’il débouche sur des effets pratiques, père fondateur de la méthode expérimentale, il a également conçu le modèle d’une institution de recherche dont les premières grandes académies scientifiques de l’époque moderne se sont ultérieurement inspirées. Plutôt que de revenir sur ces aspects bien connus de cette œuvre, Chantal Jacquet a choisi de mettre l’accent sur le grand projet de réforme et d’instauration des sciences que le chancelier du roi a exposé par deux fois, dans Du progrès et de la promotion des savoirs (1603) d’abord, puis dans De la dignité et de l’accroissement des sciences (1625). Si le savoir est un monde, selon une métaphore que les voyages de découverte ont mise à la mode, avant de se lancer dans l’exploration de ce monde, la réussite de son projet requiert d’en dessiner la cartographie, en délimitant les contours du connu et en esquissant celui qui reste à découvrir. C’est donc cette cartographie baconienne que donne à découvrir Chantal Jacquet. Selon Bacon, toute l’étendue du savoir humain peut se répartir entre trois grands domaines disciplinaires – l’histoire, la poésie et la philosophie – et chacun de ces domaines est lié à l’exercice d’une faculté spécifique  : la mémoire, l’imagination et la raison. Et chacun de ces domaines se subdivise à son tour en différents domaines et en différentes disciplines. Souvent présenté sous la forme d’une arborescence un peu aride, le «  système général du chancelier Bacon  », qui a largement influencé les encyclopédistes, fait ici l’objet d’un exposé limpide qui en dévoile la raison d’être et permet de comprendre pourquoi la science de la nature, par exemple, se divise en philosophie spéculative et en philosophe pratique. Pourquoi la première se divise à son tour en physique et en métaphysique. Et la physique en science des principes, en science de la formation des choses et en science de la variété des choses, etc.

Promouvoir le savoir exige aussi préalablement que l’entendement soit réformé, dans la mesure où il est presque inévitablement condamné à l’illusion et à l’erreur, et soumis à l’empire des fameuses «  idoles  » qui se substituent à la connaissance vraie. Cette réforme, qui signifie une purification de l’esprit tout entier, constitue elle aussi une condition à la grande entreprise d’instauration des sciences dont Bacon a remarquablement perçu les conditions, à défaut de la mettre en œuvre.

Simone Mazauric


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