Député, membre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, Patrick Braouezec estime que ce projet de loi franchit une étape vers un régime d’exception.
Que vous inspire le projet de loi, le cinquième en sept ans sur ce thème, présenté aujourd’hui à l’Assemblée ?
Patrick Braouezec. C’est un projet de loi de circonstance, il est en réactivité par rapport à des événements comme celui de Grenoble. Encore une fois, la loi ne se situe pas dans une réflexion de long terme sur la place des étrangers en France, sur leur respect. Ce projet de loi veut faire croire que les problèmes des Français viennent de l’autre, de l’étranger. Il institue une sorte de suspicion généralisée. Les précédentes lois étaient du même acabit. À chaque fois, nous franchissons une nouvelle étape.
Qu’est-ce qui vous semble le plus scandaleux dans le texte de loi ?
Patrick Braouezec. Je trouve scandaleuses toutes les mesures qui rendent suspect l’étranger arrivant en France. Comme celles qui jettent l’opprobre sur les mariages mixtes. Ou encore celles qui remettent en cause le droit d’asile, avec notamment la réduction du temps empêchant à l’étranger de faire valoir ses arguments. Je suis évidemment scandalisé par les dispositions sur la déchéance de la nationalité française. On n’est plus maintenant dans le terrorisme avéré, le danger pour la nation. Des crimes de droit commun amèneraient certaines personnes à perdre leur nationalité.
S’agit-il selon vous d’un tournant dans l’instauration d’un régime d’exception ?
Patrick Braouezec. On franchit une étape supplémentaire vers un régime d’exception concernant une partie de la population. C’est un projet de loi liberticide. Je reste intimement convaincu qu’il est de nature à déplacer le débat idéologique. Ce gouvernement, incapable de résoudre les problèmes d’emploi, de formation ou de sécurité, déplace le débat sur l’immigration ou la sécurité en lien avec l’immigration. De fait, ce projet de loi n’est pas loin d’être un texte législatif xénophobe.
Votre groupe compte-t-il rejeter d’un bloc ou amender ce projet ?
Patrick Braouezec. Nous allons nous battre pour le rejet global du texte. Et essayer de faire supprimer les articles les plus néfastes pour les étrangers. Ensuite, au fil de nos amendements, faire en sorte qu’il soit le moins mauvais. Nous allons nous appuyer sur les associations qui nous ont alertés et sur le collectif qui a entamé un jeûne devant l’Assemblée. Celui-ci a fait appel à l’ensemble des députés, de gauche comme de droite, en leur demandant de ne pas voter le texte par discipline de parti mais en faisant appel à leur âme et conscience. Je pense que certains élus de droite peuvent être sensibles à cette requête émanant de jeûneurs pour la plupart universitaires, ecclésiastiques, des gens qui ont une vision humaniste de la société.
Entretien réalisé par Mina Kaci, L’Humanité
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