Fin mars 2006, les médias aveyronnais avaient annoncé l’organisation par la fédération socialiste d’une conférence de Bernard Kouchner. En Bureau fédéral, avec quelques amis, nous étions intervenus pour expliquer notre désaccord. Malgré un vote dans cette instance contre cette conférence, elle fut maintenue par la section de Sébazac. Maintenant que le célèbre médecin a fait partie du gouvernement Sarkozy, il serait judicieux que les "rocardiens" et "strausskahniens" qui regrettaient notre propension à la critique tirent leur propre bilan.
Ci-dessous, le texte de l’intervention en bureau fédéral de Jacques Serieys mis en ligne sur ce site le 26 mars 2006.
" Bernard Kouchner tiendra une conférence sur le droit d’ingérence le jeudi 30 mars dans la Salle des fêtes d’Onet. Les positions politiques de Bernard Kouchner ont plusieurs fois soulevé la désapprobation des altermondialistes (ATTAC), de la Ligue des Droits de l’Homme, de la gauche du parti socialiste...
Parmi les reproches qui lui sont adressés, certains présentent une importance politique évidente :
- son soutien au Contrat Nouvelle Embauche et au Contrat Première embauche, au moins lors de leur lancement.
- son accord avec l’ouverture du capital d’EDF
- son attitude conciliante envers le plan Juppé en 1995,
- son rapport conciliant vis à vis de la dictature birmane et du rôle de Total dans ce pays,
- son opposition à l’application des 35h dans les hôpitaux ...
Prenons un dernier reproche : Au moment de l’intervention américaine en Irak, il estime justifiée cette ingérence. Il préface ensuite le "Livre noir de Saddam Hussein" et ses "deux millions de morts". Cet ouvrage est très contestable par ses omissions ( ce sont les Etats Unis et leurs alliés qui ont exigé de l’Irak et financé la guerre de l’Irak contre l’Iran ) et par ses exagérations (si Saddam était responsable de 2 millions de morts pourquoi serait-il inculpé aujourd’hui de 148 meurtres sur lesquels le procés traîne en longueur ? ).
L’histoire personnelle de Bernard Kouchner est respectable mais nous ne partageons pas ses choix politiques ; nous ne partageons pas non plus l’image du socialisme qu’il donne par ses relations avec des régimes lamentables. Nous ne souhaitons pas être identifiés collectivement à son évolution de la gauche vers la droite.
Dirigeant du mouvement étudiant et de l’Union des Etudiants Communistes au début des années 1960, cofondateur de Médecins sans frontières puis Médecins du monde, chantre et acteur de l’ingérence humanitaire puis ministre de la santé...
En 1994, il participe à l’université d’été du Mouvement des Réformateurs dont Jean Pierre Soissons va devenir président de région avec les voix du Front National . En 1995, il devient porte parole du Parti radical-socialiste, puis président délégué. Il fonde les clubs Réunir sur une orientation blairiste. En 2006, il est probablement membre du parti socialiste et se lance en mars dans la construction de "La fabrique démocratique" qui reprend le symbole "fabrique" du mouvement italien de Romano Prodi.
L’appel à cette conférence de Bernard Kouchner a créé un malaise mi-mars parmi les socialistes aveyronais. En effet, elle fut annoncée par Radio Totem comme organisée par la fédération alors que le bureau fédéral, le secrétariat fédéral, le Conseil fédéral, la section d’Onet et son secrétaire, la section de Rodez et son secrétaire... n’étaient en rien informés. Le premier secrétaire avait eu connaissance en janvier d’un souhait d’intervenant sociétal.
Ces ratés de communication n’étaient pas volontaires mais "à l’insu du plein gré" des organisateurs. Pour des raisons de manque de temps et d’inopportunité conjoncturelle (position de Kouchner favorable au CPE), le bureau fédéral socialiste avait voté le 20 mars par 12 voix contre 2 un report de cette réunion.
La section de Sébazac comprend plusieurs dirigeants de la fédération socialiste aveyronaise dont Serge Bories, numéro deux, Georges Ginisty secrétaire fédéral, Daniel Ginestet, Anne Marie Cluzel...). Elle a choisi de ne pas tenir compte de la décision du bureau fédéral. C’est son droit à notre avis et nous sommes donc opposés à des sanctions ; par contre, nous tenons à insister sur le risque de liquidation de l’identité socialiste induit par de tels choix.
L’organisation de cette conférence montre malheureusement qu’entre les socialistes qui lorgnent ainsi vers une alliance au centre et ceux qui essaient de maintenir debout et majoritaire l’identité et le programme socialiste, le parti risque de devoir un jour faire un choix clair".
Jacques Serieys
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