Chantilly (Eric Woerth, maire) : Big business et politique au royaume du cheval

samedi 4 septembre 2010.
 

Loin du tumulte de la région parisienne, 70 grandes familles y ont bâti leur résidence principale. La « capitale du cheval » a offert à Éric Woerth une entrée dans le monde huppé des courses hippiques et avant tout dans le monde des affaires et de l’argent.

Avec son château niché au sein du bois, ses villages et grandes propriétés placées sous vidéosurveillance, Chantilly a des airs de Neuilly. Un espace protégé par des « limites écologiques », modulables au gré des désirs de la haute bourgeoisie, et qui évitent les quartiers populaires de Creil. Mais Chantilly n’est pas Neuilly  : 23 % de logements sociaux, une épicerie solidaire… La ville princière de l’Oise se donne des allures sociales. « Un leurre  ! », dénonce Gilles Masure, conseiller général PCF de Crépy-en-Valois. « Une étude de l’Insee a démontré que la population de la ville avait diminué, notamment parce que les jeunes couples n’ont pas les moyens de se loger. Par ailleurs, le nombre de logements sociaux est passé en quinze ans de 29% à 23%. À l’inverse, beaucoup de logements de standing sont en construction. Ici, les promoteurs font leurs choux gras. » Mais la ville respecte la loi solidarité et renouvellement urbain. Un équilibre qui semble convenir aux figures de la noblesse ou de la haute bourgeoisie qui vivent dans ce havre de paix proche de Paris. Six mille trois cents hectares de forêt façonnés pour la chasse dès le XIVe siècle. Des salons cossus qui accueillent les nombreux clubs très privés, comme celui du golf de Chantilly, en pleine forêt picarde. L’argent seul n’ouvre pas toutes les portes, il faut y être recommandé par un de ses membres.

L’héritage date du XIXe siècle. De retour de son exil en Angleterre, Henri d’Orléans, dernier fils du dernier roi de France, Louis-Philippe, revient à Chantilly. Il ramène de Londres des chevaux et des jockeys et organise les premières courses hippiques. Aidé par les grandes familles de la bourgeoisie d’affaires, les Rothschild, Stern, Fould notamment, le duc d’Aumale crée une véritable industrie autour du cheval et de l’hippodrome. Progressivement, le style anglais s’impose à Chantilly. Il est du dernier chic de boire du thé, d’aller aux courses. « Tout se passe comme si la haute société se mettait en scène dans les courses pour montrer qu’ils sont les plus forts et toujours les meilleurs », explique Monique Pinçon-Charlot, en visite à Chantilly pour le site d’information Mediapart.

À la mort d’Henri d’Orléans, le royaume du cheval est quasi comateux. Légué à l’Institut de France qui a peu de moyens, le domaine de Chantilly, son château, ses écuries et son hippodrome, tombent en ruines. Au début des années 1990, l’hippodrome est menacé de faillite. C’est le moment où Éric Woerth arrive à la mairie. Fils d’un médecin du travail à Creil, ville populaire de l’Oise, l’actuel ministre du Travail ne vient pas du grand monde, mais comprend vite ses désirs et ses intérêts. La cité compte le premier centre d’entraînement de chevaux de course en Europe. Près de 3 000 chevaux y galopent chaque jour. Et l’hippodrome de Chantilly accueille chaque année de prestigieuses courses, notamment le Grand Prix de Diane Hermès et son concours d’élégance et de chapeaux. Des travaux sont entrepris. En 2004, Chantilly trouve son nouveau prince  : l’Anglais Aga Khan, le prince Karim, grand amateur de chevaux de course, dont les pur-sang sont installés à Gouvieux, une commune voisine. Politiques, hommes d’affaires et grande noblesse, un triptyque se forme. Une fondation disposant de 70 millions d’euros aura pour mission de sauver le domaine. 40 millions sont apportés par le prince Karim. L’État, l’institut et les collectivités locales fournissent le reste. Éric Woerth se voit ouvrir les portes du monde des grandes familles.

Depuis, les Woerth s’échinent à entretenir leurs relations. En 2002, il supprime la taxe sur les 115 écuries que comptent Chantilly. Promu ministre du Budget, il devient le principal protagoniste de la loi sur les jeux d’argent et les paris sportifs en ligne. « Le projet de loi est extrêmement positif et très favorable à l’institution des courses », rappelait Édouard de Rothschild, le président de France Galop, dès le 30 mars 2009. Ultime geste avant de passer du Budget au Travail, la vente à bas prix de l’hippodrome et du golf de Compiègne à une association privée, la Société des courses de Compiègne (SCC), dont le président, Antoine Gilibert, est, selon le Canard enchaîné, un « familier de Chantilly, de son hippodrome et de son maire ».

De son côté, Florence Woerth fonde l’écurie Dam’s, un club très fermé d’une quinzaine de femmes parmi lesquelles Réjane Lacoste (l’épouse du propriétaire de Lacoste), Mme Mestrallet (femme du PDG de Suez), Françoise Kron (épouse du PDG d’Alstom), Mme Mars (épouse du patron de Mars & Co), Dominique Ades-Hazan (épouse du fondateur de la marque de prêt-à-porter Apostrophe). « Florence Woerth est une gérante de patrimoine avertie. Elle a créé l’écurie Dam’s quelques mois après la promulgation du premier grand œuvre de Nicolas Sarkozy  : la loi Tepa (travail, emploi et pouvoir d’achat), qui donne aux contribuables payant l’ISF la possibilité de déduire de l’impôt sur la fortune 75 % de leurs investissements directs dans des PME, à concurrence de 50 000 euros », explique l’Express. Au carrefour du grand monde, des fortunes, des affaires et de la politique, Chantilly a su trouver les Woerth.

Clotilde Mathieu

La cession du domaine public de Compiègne (hippodrome et golf) par Eric Woerth était illégale !


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