Dans les Ardennes, l’entreprise Thomé-Génot volée par l’impérialisme financier américain (Pierre Ledemé)

mercredi 29 novembre 2006.
 

Le plan de licenciement chez Airbus vient après d’innombrables couperets du même type. Parmi ces décisions inhumaines prises par des conseils d’administration aux mains d’actionnaires à la recherche du seul rendement financier maximum, figure la liquidation de l’entreprise Thomé-Génot. Pierre Ledemé, un élu de valeur, avait alors lancé ce cri d’alarme.

Tel le film de cette catastrophe climatique maintes fois annoncée et qui surprend finalement dans sa glaciale et brutale exécution, la liquidation brutale de Thomé-Génot et l’abandon glacial de ses salariés nous renvoie à des conditions ouvrières comparables à celles du début du XIXème siècle. Nouzonville est trahi dans son histoire industrielle, sa moelle épinière.

Son navire-amiral industriel est sur le flanc. Un siècle et demi n’avait altéré ni le courage, ni l’ingéniosité et la maîtrise, ni l’identité de générations de travailleurs nouzonnais et ardennais qui armaient ce bâtiment. Quand on imagine que, lorsque cette boutique a commencé à frapper, Jean- Baptiste CLÉMENT était encore en culottes courtes ! Du courage, il en faut pour faire fonctionner 364 jours par an, 24 heures sur 24, postés devant ces machines impressionnantes installées dans des locaux qui font parfois penser au Germinal de Zola. Du courage il en faut, pour tenir toute une nuit de labeur dans le bruit et la pénombre de ces ateliers. C’est le courage d’hommes à qui personne ne peut faire la leçon sur la valeur TRAVAIL. Ils connaissent cette valeur comme si elle était inscrite dans leur génome.

De l’ingéniosité et de la maîtrise, pas de leçon là encore, à recevoir !

Car ce process industriel innovant qui permettait une production ingénieuse des pôles d’alternateur n’a pas été le produit de laboratoires de recherche patentés venus d’outre-atlantique ou d’ailleurs. Il était le produit de nouzonnais, obscurs et modestes, mais fiers de se nourrir du savoir et des valeurs de leurs pères, qualités qu’ils détenaient eux-mêmes des générations précédentes.

L’identité, c’est celle d’une localité qui s’est construite à partir de la manufacture d’armes, relayée par les maîtres de forges puis par les capitaines d’industrie. Nouzonville s’est forgée cette identité ouvrière. Ne s’est-elle pas appelée le “Creusot Ardennais” ? Mais il est vrai qu’à l’époque de la manufacture, les États-Unis n’existaient pas et, ironie de l’histoire, des armes fabriquées à Nouzonville ont participé à la construction de ces mêmes États-Unis.

Nouzonville est volé de son patrimoine comme jamais dans son histoire.

Thomé-Génot est victime de ces tristes figures de l’impérialisme financier américain. Car tout porte à croire qu’ils sont venus sciemment presser un citron financier avant de laisser à la dérive l’entreprise qu’ils viennent de saborder et ses salariés sur le carreau, sans aucun scrupule !

Être venu en 44 participer à la libération du joug hitlérien avec -ne l’oublions pas- les indigènes africains et l’armée rouge, est louable, mais venir chercher dans le travail des ouvriers français une réponse à leur imprévoyance est lamentable.

Ce que les Américains n’ont pas su mettre en place chez eux, les outils de solidarité générationnelle comparable à notre système de retraite, alors ils viennent voler notre patrimoine dans le but d’assurer, par l’intermédiaire de leurs fonds de pension privés, la retraite de leurs ressortissants. Là où la France ne peut supporter toute la misère du monde, pourquoi aurait-elle à supporter la misère morale et sociale des États-Unis ?

Certes, Thomé Génot a pu s’endormir sur de nobles performances,. Mais comment condamner plusieurs décennies de ressources individuelles et collectives produites sans l’inquiétude du lendemain ? Et si, il y a deux ans, un système bancaire intelligent et public avait existé, personne n’aurait eu à se soumettre au mirage américain.

Alors, une fois encore, ces oubliés de l’aventure économique que sont les salariés doivent compter sur leurs systèmes de solidarités sociales, et ici pour corriger les malversations mafieuses des chantres de la compétitivité et des concurrences libres et non faussées...

Et dire que certains dénoncent encore l’État-Providence”... Et dire que certains pleurent sur l’excès de “charges sociales”...

Posons-leur aujourd’hui la question : qu’en serait-il aujourd’hui de ces hommes, de ces femmes, de leurs enfants sans nos organismes sociaux qu’ils ont eux-mêmes financés par ponction sur la masse salariale : Assedic, AGS, retraites, entre autres ? Dire ceci, n’est pas politiser l’événement. Car celui-ci EST politique. Il n’est pas fondamentalement économique : des commandes existaient et rien ne s’opposait à ce que des dirigeants capables et honnêtes restructurent l’outil de travail, remotivent et redynamisent les équipes. Ce qui flingue aujourd’hui Thomé Génot, c’est l’organisation politique industrielle ultra-libérale.

Car si l’émotion présente, concrète et passionnelle, mobilise aujourd’hui nos coeurs et nos esprits, il n’est pas interdit d’analyser les causes et les conséquences en prenant de la distance. Et prendre de la hauteur avec l’événement, c’est inscrire obligatoirement ce cataclysme dans un environnement global, mondial, dans une société au capitalisme libéral hyperdominant.

Dans tous les domaines de la société, on assiste à la domination de la finance. Même les vieux sont aujourd’hui exprimés en terme de coût pour la société ! Catalina est une société à but hyper-lucratif. Cette dictature du profit nous a conduit à ce désastre économique.

Qui osera nous faire taire surr cela ?

Mais alors, que sont les vrais pouvoirs devenus ? Où sont les vrais leviers de commande ?

Dans la hiérarchie des pouvoirs établis, c’est le capitalisme et donc la finance qui règne. Les bourses et les banques précèdent et de loin, les pouvoirs techniques et politiques. Il est temps, grand temps que la République Française restitue des pouvoirs aux élus. Pour cela, ce sont les élus eux-mêmes désignés par la Nation qui doivent avoir la volonté de le faire, de se les restituer.

Aussi, quand l’élu cantonal, candidat à l’Assemblée Nationale, déclare que le sujet n’est pas politique, cela relève soit de la provocation, soit de l’immaturité. S’il gémit aujourd’hui avec beaucoup de bruit, telles les pleureuses autour du cercueil, jusqu’où peut-il nier qu’il soutient celles et ceux qui sont insensibles à ces désastres humains ? Son appartenance au parti de Monsieur SARKOZY, parti qui fait allégeance aux puissances de l’argent, au modèle américain, est en totale contradiction avec ses postures actuelles.

S’est-il mobilisé contre le Traité de Constitution Européenne, ultra-libéral où la concurrence et l’absence de protection fragilisent l’ouvrier ? Que nenni !

La notion du “moins d’état” chère à son gouvernement de droite favorise la suprématie de la finance et de l’économie sur l’Homme et son organisation sociale. Tout ceci ne sont que des mots. Nous les avons souvent utilisés, sans garantie d’avoir obtenu jusqu’ici l’écho escompté. Le peuple serait-il trop sensible à la démagogie des formules creuses du style “ un élu au service de tous “ alors que, nous le voyons, les pouvoirs de l’élu sont minimes ? Le peuple serait-il trop sensible aux artifices, aux tutoiements et accolades abusifs, superficiels et intéressés qui les rabaissent pourtant dans leur dignité.

A l’éclairage de ces douloureuses circonstances, espérons qu’il en sera tout autrement demain et qu’ils sauront reconnaître celles et ceux qui, sincèrement, inlassablement, combattent ce système. OUI, les urnes qui doivent bientôt parler à plusieurs reprises restent une arme. Que leur verdict du printemps soient l’expression de nos colères mais aussi et surtout de nos espoirs.

Pierre LEDEMÉ (élu local socialiste, Pierre participait par exemple au dernier Conseil national de PRS)


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