Les relations entre les communistes français et la révolution cubaine sont l’objet parfois d’imputations critiques de la part de militants très investis dans les comités de solidarité, imputations salutaires lorsqu’elles participent d’une analyse nécessaire, légitime, et improductives lorsqu’elles relèvent de ressentiments politiques. Suggérer que le PCF trahirait, ou aurait trahi Cuba, relève de l’affirmation gratuite. Nous savons aujourd’hui, après l’aveuglement sur le « socialisme réel », que la solidarité n’est efficace que lucide, sans fétichisation, sans alignement.
La révolution cubaine a fait rêver des milliers de communistes français, et continue de leur être chère. Cela signifie-t-il pour autant que toute pensée critique deviendrait trahison ? Que nous serions condamnés à une sorte d’inconditionnalité, que nos camarades cubains ne demandent d’ailleurs pas ? Nous savons depuis le début qui est l’agressé et quel est le contexte géopolitique et historique. Cela dit, les dirigeants cubains le répètent souvent : la crise ne relève pas uniquement du seul blocus.
Les communistes français n’ont pas à rougir de leur rapport à la révolution cubaine. Les relations entre le PCF et le PCC ont toujours été correctes, même si elles ont connu des périodes plus ou moins froides, des hauts et des bas, des réticences…
Rarement les divergences ont été exprimées publiquement. Il est vrai qu’au moment de la « crise des fusées », le PCF resta en retrait, plutôt discret et aligné sur l’Union soviétique. Le PCC n’apprécia pas ce relatif déficit de solidarité, alors qu’en Italie notamment avaient lieu de grandes manifestations. À la fin des années 1960, un article publié dans la Nouvelle Critique, au moment de « l’offensive révolutionnaire » à Cuba, provoqua un clash sérieux. À la fin des années 1980, le PCF marqua une certaine prise de distance (faudrait-il refuser la complexité ?) avec expression publique de désaccords sur la conception de la démocratie, sur le parti unique (fruit de l’histoire à Cuba), etc., mais toujours dans l’affirmation d’une solidarité permanente. De même, dans les années 1990, avec notamment l’épisode des « balseros » (boat people) ; et dans les années 2000, avec la polémique sur les 75 arrestations…
Des désaccords, certes, mais toujours un soutien fondamental. Dès avril-mai 1960, le PCF prend l’initiative de mettre en route une association d’amitié vivante, née en officiellement en février 1961 : France-Cuba, encore active aujourd’hui. (Jacques Duclos en présida la réunion constitutive). On se souviendra aussi des premiers voyages de la solidarité de LVJ (Loisirs Vacances Jeunesse), du grand mouvement populaire lors de l’agression de la baie des Cochons (playa Girón). Jusqu’aux années 1980, c’est Georges Fournial qui exprimait la « ligne du parti » sur Cuba. Marqué par une culture de l’Internationale, Georges a cependant toujours porté un regard sensible et proche sur la révolution cubaine. À l’époque de l’eurocommunisme, considéré par nos camarades cubains comme du « réformisme », on me demanda d’écrire en empathie dans le « globalement positif », ce qui supposait une certaine retenue…
Je considère aujourd’hui qu’il n’y a pas de contradiction à parler d’« opposants cubains » et expliquer dans le même temps qu’ils sont, pour beaucoup d’entre eux, « en intelligence avec une puissance étrangère » qui les finance, les manipule. L’arrivée en Espagne des premiers d’entre eux, leurs déclarations ingrates et agressives ont fait tomber les masques.
Depuis 1959, le PCF est le seul parti français à avoir maintenu une ligne constante de solidarité anti-impérialiste avec la révolution cubaine, sans trop afficher publiquement les désaccords ponctuels, sans adhérer à tout…, sans ériger Cuba en modèle, mais en exemple (François Mitterrand, avant 1981, avait lui-même parlé d’« exemple cubain »). Tirer sur le PCF, fût-ce animé de bons sentiments, c’est se tromper de combat.
Jean Ortiz
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