Retraite : Traitement de cheval pour les salariés, pâté d’alouette pour les riches

dimanche 30 mai 2010.
 

Un coup de griffe sur les uns, un coup de masse sur les autres. Voilà l’illustration de l’équité selon le gouvernement, au vu de son projet de réforme des retraites. Les médias faisaient hier grand cas de son intention de mettre en place « une contribution supplémentaire de solidarité sur les hauts revenus et les revenus du capital ». Contribution qui, précise le document rendu public dimanche soir, « ne donnera pas droit à restitution au titre du bouclier fiscal ». Les ressources ainsi collectées alimenteraient le fonds de solidarité vieillesse, qui prend en charge en particulier les cotisations des chômeurs. Quels revenus, précisément, seraient ainsi taxés  ? À quelle hauteur  ? Pour l’heure, mystère. Selon des estimations avancées hier, le rendement de cette contribution ne dépasserait pas les 3 milliards d’euros. Loin des besoins de financement supplémentaires évalués pour l’ensemble du système de retraite à 30 milliards d’euros cette année. « C’est une mesure purement symbolique pour faire passer la pilule du report du départ à la retraite », commentait l’économiste Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). « C’est du populisme et de la démagogie », ajoutait-il, au diapason de nombreuses autres réactions.

Au demeurant, s’il affirme vouloir ainsi « garantir l’équité de l’effort demandé à l’ensemble des acteurs économiques », le gouvernement ne cache pas que, pour lui, la solution est ailleurs  : il fera, dit-il, « de l’augmentation de la durée d’activité » le « socle » de la réponse au déséquilibre financier des régimes de retraite. On ne sait pas encore si le curseur sera mis sur l’allongement de la durée de cotisation ou sur le recul de l’âge légal de départ, mais on peut donc être certain que l’essentiel de « l’effort » sera une fois encore, comme lors des réformes de 1993 et 2003, réclamé aux assurés sociaux. En termes d’années de travail supplémentaires ou, plus vraisemblablement, et quoi qu’il en dise, de pensions diminuées.

En lançant ce rendez-vous retraite 2010, le gouvernement et le chef de l’État avaient tenté d’en circonscrire le champ à la recherche des économies à réaliser sur les dépenses, et donc d’exclure les recettes de la discussion. Forcés et contraints, ils font aujourd’hui une légère entorse à leur discours (et une petite entaille dans le sacro-saint bouclier fiscal), tout en réaffirmant haut et fort leur dogme libéral  : non à une hausse des prélèvements obligatoires. À traduire par  : non à toute modification réelle du partage de la valeur ajoutée à l’avantage de la protection sociale. Tout juste égratigné par la nouvelle contribution envisagée, le capital pourrait donc continuer tranquillement à prélever sa rente sur la richesse créée, au détriment de l’investissement et de la rémunération du travail.

Le document gouvernemental balaye toutes les autres propositions de financement des retraites non conformes à ce dogme, et tendant à remettre en question ce modèle de croissance axé sur la valeur de l’actionnaire, dont on mesure de jour en jour les effets dévastateurs. Les idées, pourtant, ne manquent pas. Soumettre les revenus financiers des entreprises, qui n’ont cessé de gonfler depuis vingt ans, et qui sont totalement exonérés, à une cotisation sociale du même niveau que celle versée par les salariés, rapporterait quelque 20 milliards d’euros aux caisses de retraite, ont calculé les économistes communistes. Réformer la cotisation patronale de façon à favoriser les entreprises où le rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée est le plus élevé permettrait aussi d’améliorer le financement de la retraite tout en enclenchant un cycle de développement vertueux. Il revient au mouvement social de forcer la porte tout juste entrouverte par le gouvernement pour imposer la discussion sur de telles pistes.

Yves Housson


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