L’impunité des crimes franquistes : « No Pasara ! » (3 articles)

samedi 3 décembre 2011.
 

Silverio Yebra Granja, Lluis Companys, Irma Guerrero Guerrero, Federico Garcia Lorca ou encore Julian Grimau… les clichés en noir et blanc des victimes et disparus de la guerre civile et du franquisme figuraient, samedi, en première ligne des quelque 21 cortèges qui se sont élancés en Espagne au nom de « la vérité, la justice, la réparation ». À Madrid, ils étaient 100 000 à défiler, selon les organisateurs, réunis au sein de la plate-forme contre l’impunité. Plus que des rassemblements de soutien au juge Garzon – menacé de suspension, sur plaintes de groupuscules d’extrême droite, pour avoir voulu enquêter sur les crimes franquistes –, les manifestants ont rendu hommage aux victimes de la dictature, aujourd’hui encore reléguées dans l’ombre de la démocratie. Façon pour eux de dire que le temps du silence est bel et bien fini.

La mise en accusation du juge a sonné le réveil d’une juste demande de comptes. « Le juge qui veut juger les responsables de la mort de ma mère et de mon père se retrouve sur le banc des accusés par la Phalange (formation politique officielle du franquisme – NDLR), j’ai l’impression de revivre le même cauchemar », raconte Hilda Farfante Gallego, dont les parents ont été assassinés en juillet 1936. Âgée de cinq ans à l’époque, elle sera séparée de ses deux sœurs et subira l’insulte d’être une enfant « de rouges assassins ». L’Espagne à l’envers, en somme, où les victimes sont priées de se taire et où les bourreaux paradent. Un déni qui n’a jamais pris fin. Depuis, Hilda n’a eu de cesse de rechercher les dépouilles de ses parents. Non sans estimer que « la véritable enquête, c’est à l’État de la mener ».

L’ampleur qu’a prise l’affaire Garzon

Cette dette était samedi sur toutes lèvres, en Espagne mais également à Buenos Aires, Londres, Dublin, Paris, ou encore dans le sud de la France, à Pau, Bordeaux, Montpellier. « L’Espagne de la réconciliation, comme le dit le Parti populaire (droite), n’a jamais existé », tranche Gervasio Puerta Garcia, président de l’association des anciens prisonniers et réprimés politiques antifranquistes. « Nous avons été persécutés pendant quarante ans par la dictature, poursuit-il, mais la transition démocratique n’a pas été synonyme de compensation. » Pour cet ancien prisonnier, injustement condamné à deux reprises par la pseudo-justice du Caudillo, « l’intransigeance » dont on accuse le mouvement pour la récupération de la mémoire est une injustice supplémentaire. « On nous dit que nous remuons le passé, déclare Gervasio Puerta Garcia. Mais il est là car il n’a jamais été résolu ! » D’où l’ampleur qu’a prise l’affaire Garzon.

Soutien des artistes et des intellectuels

Les accusations de partialité pleuvent sur la justice espagnole, singulièrement sur le juge Luciano Varela, du tribunal suprême, qui instruit le dossier. Vendredi, Varela a écarté l’un des trois plaignants – la Phalange – au motif de « valeurs idéologiques » contraires à la plainte déposée – la prévarication (instruire une cause en la sachant en opposition avec la loi). Mais les deux autres plaignants, les nébuleuses extrémistes, Manos Limpias et Libertad e Identidad, sont toujours, eux, dans la course. Et le fond de l’affaire reste intact : l’impossibilité de juger des crimes de lèse-humanité, lorsqu’il s’agit du franquisme, au prétexte de la loi d’amnistie de 1977. Samedi, les manifestants, qui ont compté sur l’appui des artistes et intellectuels comme Pedro Almodovar, Almudena Grandes ou encore le poète Marcos Ana, étaient les dénonciateurs de cette honteuse aberration.

Cathy Ceïbe

http://www.humanite.fr/2010-04-26_I...

2) Le juge Garzon, persécuté par les héritiers du franquisme

IGNACIO RAMONET,ÉCRIVAIN ET JOURNALISTE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION MÉMOIRE DES LUTTES.

Samedi dernier, dans une vingtaine de villes d’Espagne, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté en faveur du juge Baltasar Garzon. Ces manifestants se demandaient pourquoi la justice espagnole, qui a tant fait ces dernières années pour réprimer les crimes contre l’humanité commis dans différents pays du monde, veut inculper Garzon, le juge qui incarne le mieux, aux yeux du monde, le paradigme contemporain du principe de justice universelle. Ce magistrat indépendant et incorruptible, qui joua un rôle capital dans l’arrestation à Londres, en 1998, du dictateur chilien Augusto Pinochet, se retrouve en effet persécuté par les héritiers du franquisme et par les corrompus de l’« affaire Gürtel », un réseau dans lequel sont impliquées des personnalités du Parti populaire (droite).

Garzon risque la suspension à vie. Plusieurs organisations ultraconservatrices ont déposé plainte contre lui auprès de la Cour suprême espagnole. Elles l’accusent d’avoir lancé une investigation concernant la « disparition forcée » – pendant et après la guerre civile espagnole – de plus de 100 000 républicains (dont les dépouilles gisent encore dans des fosses anonymes sans que leurs familles aient pu les ensevelir dignement) et sur le sort de quelque 30 000 enfants arrachés à leurs mères républicaines dans les prisons pour être remis en adoption à des familles franquistes. Une loi d’amnistie a théoriquement prescrit en 1977 (soit avant la Constitution démocratique de 1978) les crimes commis pendant le conflit espagnol. Mais le régime franquiste fut, après la guerre, de 1939 à 1975, l’un des plus implacables du XXe siècle, et utilisa la terreur de façon systématique et planifiée pour exterminer ses opposants. Le juge Garzon accuse le franquisme de « crimes contre l’humanité ». Or ceuxci ne peuvent être amnistiés. Il ne faut donc pas inverser les rôles. C’est le franquisme qu’il faut juger. Et pas Garzon

3) Espagne : des dizaines de milliers de manifestants contre l’impunité du franquisme

Source : http://www.lepoint.fr/actualites-mo...

Des milliers de personnes ont manifesté dans vingt-huit villes d’Espagne, en particulier à Madrid, "contre l’impunité du franquisme" et pour défendre le juge Baltasar Garzon, accusé d’avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme.

"Les Fascistes, hors des tribunaux !", "Justice universelle !", "Plus de juges comme Garzon", scandaient les milliers de Madrilènes qui ont défilé dans le centre de la capitale espagnole jusqu’à la Puerta del Sol.

Certains arboraient des photos en noir et blanc de personnes disparues tuées pendant le régime franquiste et des drapeaux républicains espagnols.

Des hommes politiques de gauche, des artistes, des parents de victimes du franquisme et des associations pour la mémoire historique ouvraient la marche.

Elle s’est achevée sur la lecture d’un manifeste proclamant que "les crimes contre l’humanité ne peuvent être amnistiés et sont imprescriptibles", par le cinéaste Pedro Almodovar, l’écrivain Almudena Grandes et le poète communiste Marcos Ana.

Un des organisateurs, Toni Garcia a souligné la nécessité d’éliminer la loi d’amnistie de 1977, disposition "injuste et absurde" qui "empêche d’enquêter sur des crimes contre l’humanité" de la Guerre civile (1936-39) et de la dictature franquiste (1939-1975).

A quelques centaines de mètres de là, plusieurs dizaines de militants de la Phalange (extrême droite), dont l’une des branches a porté plainte contre le juge Garzon, ont manifesté près du Tribunal suprême en scandant "dehors les socialistes !, qu’on juge les crimes du marxisme !".

Le juge Garzon a reçu le soutien remarqué de l’ex-chef de gouvernement socialiste Felipe Gonzalez que le magistrat avait pourtant mis gravement en cause avec son enquête dans les années 90 sur les Gal, organisation parapolicière responsable de l’assassinat d’indépendantistes basques.

M. Gonzalez a qualifié vendredi "d’injuste et inexplicable" le futur procès contre Garzon, ajoutant : "Vous savez que je n’ai pas une relation privilégiée avec M. Garzon et peut-être que cela donne plus de poids à mes mots".

Ces mobilisations interviennent alors que le juge Garzon a décidé de contre-attaquer, mettant directement en cause le juge du Tribunal suprême Luciano Varela qui veut le juger.

Garzon a demandé la récusation du juge Varela, estimant que ce dernier avait manifesté son "intérêt indirect" et sa "partialité" dans cette affaire, selon l’acte officiel de demande de récusation.

Le juge Garzon est poursuivi par le Tribunal suprême pour avoir voulu, pour la première fois en Espagne, enquêter sur les disparus de la Guerre civile et de la répression franquiste, en enfreignant, "sciemment" selon l’accusation, la loi d’amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.

Il risque une peine de 20 ans d’inhabilitation professionnelle, mais il a fait appel de son renvoi pour jugement.

Le parquet du Tribunal suprême s’oppose à ce qu’il soit jugé et estime qu’en l’absence d’accusation publique, les parties civiles ne sont pas fondées à déclencher, toutes seules, un procès.

La mise en accusation du juge Garzon suscite une vive controverse en Espagne, où elle choque profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme. La droite estime quant à elle que la justice doit suivre son cours en toute indépendance.

Le juge Garzon a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde, qui estiment que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et que la loi d’amnistie espagnole n’est pas conforme au droit international.

de Pierre AUSSEILL


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