La difficile émergence d’une société civile multiethnique en Bosnie-Herzégovine

mardi 20 avril 2010.
 

Quinze ans après la guerre, les clivages entre les Serbes, les Croates et les Bosniaques perdurent. Un forum inédit, qui s’achève aujourd’hui à Sarajevo, a réuni une centaine d’associations qui veulent sortir de cette impasse.

Quinze ans après les accords de paix de Dayton (États-Unis) qui ont mis fin à la guerre de Bosnie (1992-1995), ce pays de quatre millions d’habitants semble plus que jamais divisé entre Serbes, Croates et Bosniaques. À l’approche des élections générales, qui auront lieu en octobre 2010, « la Bosnie-Herzégovine traverse une période instable et dangereuse, marquée par le renforcement des divisions ethniques et la montée du communautarisme », déplore le comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire).

Avec le comité Helsinki pour les droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine et le centre André-Malraux de Sarajevo, cette association a organisé le premier forum associatif consacré à l’émergence d’une société civile nationale dite « bosnienne ». Intitulée « Construisons une société civile commune en Bosnie-Herzégovine  ! », cette réunion s’est ouverte le 14 avril et s’achève aujourd’hui. Près de 60 associations de Bosnie-Herzégovine et 40 des autres pays des Balkans et de l’Union européenne y étaient attendues.

« Ce forum rassemble les acteurs des petites associations qui luttent sur place pour la coexistence », explique Nicolas Moll, directeur adjoint du centre André-Malraux. « Notre objectif est de faire prendre conscience à ces associations qu’elles ne sont pas seules. Il est aussi de montrer à l’Union européenne que, derrière les partis nationalistes, il y a une population qui aspire à une alternative. L’Europe doit l’encourager, l’accompagner, ce qu’elle ne fait pas parce qu’elle est défaitiste », ajoute Julie Biro, chargée de mission Europe de l’Est au CCFD-Terre solidaire.

Une réalité confirmée par Srdjan Dizdarevic, ancien président du comité Helsinki pour les droits de l’homme à Sarajevo. « J’ai l’impression que Bruxelles rechigne à travailler avec la société civile parce que cela irrite les nationalistes au pouvoir. Ces quinze dernières années, le comité Helsinki n’a pas reçu un euro », raconte-t-il. Il constate que les pouvoirs locaux préfèrent corrompre les associations qui gagnent de l’influence, plutôt que de dialoguer avec elles. Mettre en avant le multiethnisme est très mal perçu. « Les associations ne présentent pas les choses sous cette forme-là. Elles travaillent de façon discrète en montant ici une bibliothèque, là une fanfare, ouvertes à tout le monde. Il est temps aujourd’hui de passer à une autre échelle », estime Julie Biro. Bien qu’il constate que son pays va vers « une atomisation, un émiettement, une demi-mort », Srdjan Dizdarevic refuse de baisser les bras. Il vient de créer une formation politique transnationale, Notre parti, avec le cinéaste Danis Tanovic.

Damien Roustel


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