Nord Pas de Calais : Colère rouge dans le bassin minier

mardi 16 février 2010.
 

L’ambiance était chaleureuse, unitaire et fraternelle, jeudi soir 4 février, à Lens. La liste du Front de gauche, intitulée « l’Humain d’abord » et conduite par le député communiste du Nord, Alain Bocquet (10,8 % en 2004), faisait étape à la salle Jean-Nohain, attenant au stade Bollaert. Au cœur d’un bassin minier socialement dévasté par les fermetures d’entreprises et les suppressions d’emplois.

L’emploi  : la priorité des priorités dans cette campagne des régionales, pour les orateurs qui se sont succédé. Entouré de salariés du Pas-de-Calais, qu’il défend, l’avocat communiste Fiodor Rilov a ouvert le meeting pour témoigner de l’incommensurable violence faite aux ouvrières et ouvriers broyés par la logique capitaliste du profit à court terme. « Ce que j’expérimente ici avec les salariés en lutte contre des grands groupes, c’est bien la lutte des classes », a-t-il insisté.

Des milliers de familles dans la désespérance

Avant de souligner l’absolue nécessité d’un relais politique de ces luttes  : « Lorsqu’il faut faire reculer ces puissants qui jettent des familles à la rue au nom du profit, un élu communiste aux côtés des 
salariés, ça change tout  ! »

Metaleurop, Faurecia, Samsonite et, aujourd’hui, Total ou encore la cristallerie Arc international… effroyable liste de sites fermés ou menacés. « Ici, la crise a tout démoli depuis six ans. Aucun bassin d’emploi n’a été à ce point déglingué en si peu de temps », rappelle Cathy Poly-Apourceau, conseillère régionale sortante. Après les licenciements, quelle vie  ? « On peut tout au plus espérer retrouver un emploi à temps partiel dans le commerce. Mais on ne peut pas nourrir une famille avec un demi-salaire », témoigne une ouvrière d’Hénin-Beaumont.

Une réalité dont Nicole Taquet, candidate, responsable de la Gauche unitaire, peut évaluer les conséquences au quotidien dans ses fonctions de 
directrice d’école. « Une maman est venue récemment me demander si je pouvais lui restituer les 15 euros versés à la coopérative scolaire. 
Effondrée, elle n’avait plus rien pour boucler le mois », raconte-t-elle.

Méthodiquement, Alain Bocquet, la tête de liste, décortique les logiques qui plongent des milliers de familles de la région dans la désespérance. Quelques heures plus tôt, la tête de liste battait le pavé à Dunkerque, en soutien aux salariés de Total. « La fermeture de la raffinerie des Flandres, outre les emplois directs, menacerait 20 % de l’activité du port de Dunkerque et mettrait en péril 400 entreprises sous-traitantes  ! » expose-t-il. De l’autre côté de la balance, « Total a engrangé 120 milliards d’euros de bénéfices depuis 2000 ». Cherchez l’erreur. Pour le maire de Saint-Amand-les-Eaux, c’est simple, il faut « interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits ». « En dix ans, la France a perdu 500 000 emplois industriels », calcule-t-il, en appelant à « faire barrage à ce massacre ».

Résignation et sentiment de fatalité

Quant à la région, elle doit cesser d’allouer des subventions sans les assortir d’une quelconque condition en matière d’emploi, de formation, d’enracinement territorial. C’est là la principale divergence avec l’exécutif sortant PS-Vert de la région. « Dans ce pays, il faut reconstruire une gauche digne de ce nom, une gauche à la hauteur de la colère des salariés », affirme Marc Dolez, cofondateur du Parti de gauche. Même tonalité chez l’eurodéputé communiste Jacky Hénin, qui dénonce une « gauche molle », prête « à tendre la joue en cédant sur le recul de l’âge légal du départ à la retraite ».

Beaucoup en sont convaincus  : dans ces terres ouvrières, les électeurs feront payer à l’UMP le prix de la démolition sociale à laquelle se livre un pouvoir dévoué au CAC 40. Reste à savoir quelle traduction politique trouvera cette colère encore largement contenue par la résignation et le sentiment de fatalité. « Dans cette terrible crise, l’abstention, c’est l’allié objectif de la droite et du patronat », prévient Jacky Hénin. Mais plus encore que celui de l’abstention, c’est le spectre du vote FN qui inquiète. Tous redoutent que l’activisme de Marine Le Pen ne se traduise, dans le bassin minier, par la percée d’une extrême droite avide de récupérer le sentiment d’abandon des plus modestes. Pour Bernard Baude, maire (PCF) de Méricourt, il faut à tout prix « empêcher que cette colère rouge ne se mue en vote brun ».

Rosa Moussaoui


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message