"Opinion dominante" et orientation socialiste pour Jean Luc Mélenchon (article de Creusot Info sur un meeting local)

samedi 4 novembre 2006.
 

« Certains s’amusent parfois à déformer son patronyme et le baptisent « méchant con ».

C’est méchant et très con parce que totalement injustifié. Car si Jean-Luc a parfois la dent dure et la formule assassine, ce n’est jamais gratuitement par plaisir et ce n’est surtout pas stupide, mais toujours raisonné. On s’accorde généralement à le ranger parmi les tout premiers orateurs du Parti socialiste, ce qui n’est déjà pas banal dans le parti de Jaurès, mais il est bien plus que cela ; je le compte pour ma part parmi les plus brillants théoriciens.

La preuve en fut administrée encore mercredi soir à Blanzy, dans un discours de plus d’une heure appuyé sur quelques notes éparses.

Je n’en retiendrai ici qu’un temps fort parmi d’autres : sa critique acerbe d’une certaine soumission servile à « l’opinion publique », la doxa.

Dans un essai déjà ancien, le sociologue Pierre Bourdieu avait montré que l’opinion publique n’était qu’un artefact ectoplasmique qui n’avait pas de réalité distincte préexistante de ce qu’en donnait à lire les instruments censés en prendre la mesure :les sondages « d’opinion ». Quand bien même seraient-ils élaborés selon une méthodologie scientifique, les sondages fabriquent l’opinion dans le mouvement même où ils la mesurent. Que dire alors quand ils sont bidouillés à la va-vite dans les salles de rédaction des journaux appartenant à MM Dassault et Lagardère parmi un panel restreint de rédac chefs qui se déclarent sympathisants de gauche (au Figaro !) et qu’on est prié de croire sur parole ?!

On est prié également de croire que l’institut de sondage dirigé par Mme Parisot, présidente du MEDEF n’enveloppe ses travaux que d’une déontologique candeur et sait en permanence offrir la plus farouche des résistances à la tentation de la manipulation politique...

L’expérience a pourtant montré à plusieurs reprises, et cruellement, la vanité de l’exercice sondagier mais il faut admettre que sa fascination reste grande puisque beaucoup de nos camarades en ont fait le facteur déterminant de leur choix du candidat socialiste aux présidentielles ; et si les sondages avaient quand même raison, il serait dommage de rater pareille opportunité, n’est-ce pas ?...

Les phénomènes médiatiques ont en commun avec les marchés financiers le fait qu’ils génèrent des dynamiques de bulles parce qu’ils se fondent sur des comportements mimétiques et autovalidants.

Or on sait parfaitement ce qu’il advient des bulles spéculatives des marchés financiers : elles éclatent et entraînent le krach.

De la même façon, pour satisfaire le grossier appétit du Léviathan médiatique qui vous fait si belle en son miroir, il faut constamment lui fournir des petites phrases et du sensationnel. Cela fait vendre du papier, mais le dérapage est inéluctablement au bout de ce mouvement brownien. On vient d’en avoir quelques exemples très significatifs. Pourquoi faudrait-il absolument singer Sarkozy et son bougisme provocateur ?

Ah certes, proposer une augmentation immédiate des bas salaires de 100 euros, c’est moins glamour, mais jusqu’à plus ample informé, la lutte des classes n’est ni le concours Lépine ni la Star’Ac.

Réformer des pratiques sclérosées comme le cumul des mandats ou la place insuffisante des femmes, oui ! renouveler les générations, pourquoi pas, mais renouveler la doctrine c’est une autre histoire ! On ne voit que trop bien où cela a conduit les autres partis socialistes européens, du Labour anglais au SPD allemand en passant par le PS hongrois : toujours à l’accompagnement du capitalisme et à la collaboration avec les forces réactionnaires.

Le Parti Socialiste français, dans l’Internationale Socialiste est un des seuls qui maintient encore des liens programmatiques qui le rattachent à son histoire et au rôle qu’il a occupé dans le mouvement ouvrier et la lutte anti-capitaliste. Faut-il rompre ce cordon ombilical et entamer une danse du ventre devant les bobos de la médiacratie ? Faut-il devenir un parti à l’américaine ? Mélenchon lui s’est nourri au biberon de la lutte des classes. Il sait parce qu’il l’a appris au cours de sa déjà longue vie militante, de ses lectures des grands théoriciens, de l’expérience tirée des succès comme des échecs, qu’il n’y a pas de socialistes sui generis mais qu’on le devient en infusant la culture politique héritée des anciens et partagée, confrontée dans les discussions avec les camarades actuels et que le spontanéisme et la prosternation devant « l’opinion populaire » conduisent à se prosterner devant des prénotions et des préjugés conservateurs et aboutissent in fine aux pires catastrophes.

La relation entre le peuple et le Parti ne peut être que dialectique exprimant la relation de l’inconscient au conscient...

de Serge BORNET, paru dans "Creusot Infos"


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message