Le virage à hauts risques du Parti communiste (article du Monde)

mercredi 9 décembre 2009.
 

Le Parti communiste français (PCF) a choisi l’autonomie pour les élections régionales des 14 et 21 mars 2010. Il a ainsi décidé de couper en partie les ponts avec le Parti socialiste. Les militants communistes viennent en effet de confirmer par un vote sans appel - 78,7 % - leur choix de constituer des listes « Front de gauche » pour les régionales. Ainsi dans 17 régions, le PCF présentera des listes en alliance avec le Parti de gauche (PG), de Jean-Luc Mélenchon, et la Gauche unitaire (GU), de Christian Picquet, auxquels d’autres petites formations comme les Alternatifs et la Fédération devraient se joindre.

L’alliance avec le PS n’a été retenue que dans cinq autres régions - Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Lorraine et Bourgogne. En 2004, à l’inverse, le PCF était parti, dès le premier tour, avec le PS dans 14 régions. C’est donc un véritable tournant que vient de prendre le Parti communiste après des années d’alliance avec les socialistes.

Marie-George Buffet avait compris, au lendemain du scrutin européen du 7 juin, qu’elle ne pourrait plus revenir en arrière. Le relatif succès du Front de gauche, le plaisir pris par ses militants à faire campagne avec les amis de M. Mélenchon et à exister à nouveau, et le rejet - désormais viscéral - du PS, sont autant d’ingrédients de la nouvelle humeur politique de la base communiste dont elle doit tenir compte. Ses élus régionaux avaient beau être majoritairement pour la reconduction des alliances avec les socialistes, Mme Buffet devait se résoudre à prendre le tournant si elle voulait garder sa majorité.

Mais c’est un pari coûteux que font les communistes. Coûteux en nombre d’élus puisqu’en 2004 le parti avait réussi à faire élire 185 conseillers régionaux grâce à la courte échelle du PS. Or il doit cette fois-ci partager ses places éligibles avec ses partenaires mais aussi faire face, lors de la distribution des postes au second tour, à la concurrence gourmande des écologistes.

Coûteux aussi car ces élus contribuent largement au financement des activités des fédérations communistes : dans nombre de départements, le PCF ne peut, avec les seules cotisations de ses adhérents, s’offrir un local ou un permanent. Or, même si les sondages nationaux d’intentions de vote pour le Front de gauche leur donnent un score honorable (7 % selon l’IFOP pour Paris Match du 26 novembre), soit au-dessus des 5 % nécessaires pour la fusion de listes au second tour, il est fort probable qu’il perde un nombre significatif d’élus estampillés PCF. Les pronostics internes tablent sur une centaine d’élus... Sans compter le brouillage provoqué par les départs de Robert Hue, s’inscrivant avec son Mouvement unitaire progressiste (MUP) dans l’orbite des socialistes, et de Stéphane Gatignon, maire communiste de Sevran (Seine-Saint-Denis) à Europe Ecologie.

C’est donc au prix d’un affaiblissement prévisible que le PCF va se lancer dans la campagne pour les régionales. Certains de ses élus l’ont si bien compris qu’ils ont engagé en sous-main, pour sauver leur poste, des discussions avec le PS pour figurer sur ses listes. C’est le cas en Pays de la Loire et en Bourgogne, où des élus ont pris langue avec les présidents socialistes. C’est également le cas en Languedoc-Roussillon où les élus sortants, dont l’ex-ministre Jean-Claude Gayssot, négocient avec Georges Frêche. Mme Buffet est au courant mais se tait. Elle sait que ces « désertions » lui permettent d’adresser un signe au PS pour le rassurer. En présentant les résultats du vote interne, Mme Buffet a ainsi martelé : « Nous voulons donner à voir qu’il existe un projet d’alternative au premier tour et faire bouger le curseur à gauche. Au deuxième tour, on se rassemble avec toute la gauche pour constituer des majorités de gauche. » En clair, le PCF reste dans la gauche de gouvernement - sous entendu pas comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui veut devenir l’« opposition de gauche » dans les conseils à majorité socialiste. Mais pas à n’importe quel prix : plus question d’apparaître comme les supplétifs d’un PS trop « libéral ».

Car derrière ce scrutin, c’est le leadership sur l’espace politique entre le PS et le NPA qui est en jeu. Depuis 2007, le PCF a encore perdu du terrain et a de plus en plus de mal à peser au niveau national. Il subsiste grâce à ses députés et sénateurs, ses mairies et ses quelque 134 000 adhérents revendiqués - sans doute un quart de moins en réalité. La secrétaire nationale sait que M. Mélenchon rêve d’occuper cet espace et se prépare pour lui damer le pion en 2012. Or les communistes peinent à faire émerger un leader crédible. Mme Buffet ne peut plus jouer ce rôle depuis son score calamiteux (1,93 %) à la présidentielle de 2007. Son numéro deux, Pierre Laurent, un homme d’appareil peu connu, ne parvient même pas à s’imposer comme tête de liste régionale en Ile-de-France.

Le PCF dépérit. Il lui faut rebondir, tenter, encore une fois, de rassembler la gauche critique, orpheline depuis l’échec d’une candidature unitaire en 2007 mais qui ne se retrouve pas dans la percée solitaire et sectaire d’Olivier Besancenot. Réussir le pari du Front de gauche aux régionales est son dernier atout, vital. Sans lui, cette alliance n’est rien. Mais sans cette alliance qui le refait exister, le PCF continuera à mourir à petit feu.

Sylvia Zappi

* Article paru dans le Monde, édition du 03.12.09


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message