Culture et matérialisme, 
de Raymond Williams

samedi 21 novembre 2009.
 

Mieux vaut tard que jamais  : cet ouvrage rassemble, pour la première fois en français, une série d’essais de Raymond Williams (1921-1988). On pourra toujours trouver matière à réflexion dans l’évaluation rétro-
spective de cette critique culturelle qui, à l’évidence, s’inscrit dans une époque révolue  ; mais la portée et l’actualité de l’œuvre immense du théoricien gallois vont bien au-delà d’un débat d’histoire des idées. En première lecture, l’ouvrage – et l’éclairante préface de Jean-Jacques Lecercle – permet de situer l’originalité intellectuelle de Williams. Rappelons qu’il publie dès 1958 le classique Culture And Society, suivi d’un grand nombre d’essais sur la littérature, le théâtre ou encore la télévision.

Intellectuel plurivalent, il a participé à l’élaboration de ces « cultural studies », qu’on (re)découvre aujourd’hui en France  ; s’affirmant aussi dans le monde anglo-américain comme un commentateur critique de premier rang, par sa contribution à la New Left Review par exemple. On perçoit dans ce recueil l’efficace et le mode opératoire d’un certain « matérialisme culturel » inspiré du marxisme. L’ambition systématiquement réaffirmée au travers des essais est de saisir les mécanismes et les conditions de développement de la culture, hégémonique ou populaire, sans jamais déprendre l’analyse de sa charge critique. Ce programme est appliqué sur des thèmes aussi divers que la publicité, le darwinisme social, l’émergence des mouvements d’avant-garde, ou encore la coproduction à la fin du XIXe siècle de la grande métropole occidentale capitaliste et de certains courants artistiques « modernistes », en littérature notamment.

Si les objets sur lesquels Williams teste ses concepts sont datés, cela ne remet pas en cause la validité de ses interprétations. On s’en convainc avec les pages qu’il consacre à la publicité, « système magique » dont la rationalité interne déjà perceptible au début du XXe siècle continue de régir les pratiques publicistes contemporaines, achevant de nous transformer en consommateurs aliénés par un désir jamais satisfait. Cependant, contre à la fois le « pessimisme culturel » qui peut gagner la critique élitiste de la culture de masse et les idéologies légitimant la culture dominante de l’ordre capitaliste, Williams ne désarme pas en montrant notamment dans quelles conditions des cultures « alternatives » ou « oppositionnelles » peuvent voir le jour.

Par-delà la variété de leurs objets, une même intention théorique transparaît dans ces essais. Williams, c’est un certain usage du marxisme, non dogmatique, ouvert aux réajustements et à l’autocritique, « renouvelé de l’intérieur ». C’est pourquoi cette pratique de la théorie, pour peu qu’on n’en réifie pas les cadres d’analyse, peut encore inspirer les théoriciens de la pratique culturelle.

Arnaud Saint-Martin, sociologue

Culture et matérialisme, 
de Raymond Williams. Éditions les Prairies ordinaires, 2009, 15 euros.


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