Le NPA se divise sur l’unité aux régionales (par Stéphane Alliès, Mediapart)

jeudi 19 novembre 2009.
 

« C’est la première fois que le NPA est confronté à un débat politique pas simple. » Pierre-François Grond, n°2 du NPA, ne cherche pas à cacher son embarras. A l’issue du conseil politique national (CPN), le nouveau parti anticapitaliste se débat dans les affres de l’unité de la gauche de gauche en vue des prochaines régionales.

La réunion des 130 conseillers nationaux a vu s’affronter différentes positions, quant à l’attitude à observer face au Front de gauche réunissant le PCF, le Parti de gauche et Gauche unitaire (ex-minoritaires de la LCR), avant une ultime réunion unitaire, prévue mardi 10 novembre avec les autres composantes de la gauche radicale (Front de gauche, Alternatifs, Fédération). Des cinq textes soumis au vote du CPN, on retiendra une division entre trois lignes de force internes : une majorité de 66% autour d’Olivier Besancenot visant à continuer les négociations pour constater le désaccord ; une minorité issue de la direction (autour de 20%, constituée d’historiques de la LCR et de la JCR, d’anciens de Lutte ouvrière et de la CGT Mulhouse) se prononçant pour une fin de non-recevoir vis-à-vis du Front de gauche ; une minorité « unitaire » (également autour de 20%, constituée de la tendance « Convergence & Alternative », auxquels sont venus s’ajouter quelques figures du parti) prônant des listes communes au-delà des divergences.

Pour Besancenot, « mardi soir aura lieu la réunion de la dernière chance, car nous allons concrètement discuter des conditions de participation du PCF à des exécutifs. Pour l’heure, l’offre du PCF est inacceptable : si l’on est tous d’accord sur l’idée de se regrouper, c’est bien parce qu’il y a deux lignes politiques qui s’affrontent à gauche, et non pour servir de vivier au PS pour le second tour ».

Ainsi, les propositions d’amendements au texte du Front de gauche se concluent par le refus de participation aux exécutifs régionaux « dominés par le PS et/ou Europe-Ecologie qui mènent des politiques d’adaptation au libéralisme ». Une condition déjà jugée inacceptable par la direction du PCF. Mais qui semble non négociable pour le porte-parole du NPA. « Si on part tous ensemble, on va susciter beaucoup d’enthousiasme dans nos meetings, explique Besancenot. Or, il est hors de question de trahir cet enthousiasme en faisant ce qu’on veut avant le second tour. Et j’imagine déjà la presse se régaler, à raison, face à une campagne schizophrène, en moquant un attelage politicien et en nous posant sans cesse la question de qui ira où après le premier tour. »

Et de menacer : « On veut nous faire passer une nouvelle fois pour les vilains petits canards, mais on est prêts à l’assumer, car c’est nous qui avons initié le processus de discussions unitaires et c’est nous qui avons fait les efforts pour essayer de se rapprocher, en se prononçant pour des fusions démocratiques avec le PS ! »

Pierre-François Grond renchérit : « On n’a pas créé le NPA pour se mettre dans le formol ! Le PCF ne fait aucune concession et nous demande de participer à des majorités le plus à gauche possible, mais avec le PS, Europe-Ecologie, et on verra ce qui se passera vraiment avec le MoDem… » Lui ne ferme toutefois pas la porte à des accords « en fonction des spécificités locales », notamment dans les régions où le PCF partirait dès le premier tour avec le PS (ce qui est déjà acté en Poitou-Charentes, et en débat en Bretagne et Pays de la Loire, à l’issue des premières conférences régionales – lire ici). « Des listes à géométries variables, ce ne sera pas optimum, mais au moins le NPA tiendra le même discours dans toutes les régions, lui. »

Pour autant, certains ne désespèrent pas d’obtenir un assouplissement de la direction en remportant la majorité du vote militant, prévu du 30 novembre au 6 décembre, afin d’entériner la stratégie nationale anticapitaliste.

« On espère que les "puristes" sont surreprésentés dans le conseil national »

Chef de file de la tendance « Convergence & Alternative », Danielle Obono estime que « le NPA ne peut pas prendre le risque de tout faire capoter et doit rompre avec son image de propagandistes abstraits ». Pour elle, « il faut faire un pas en permettant la liberté de vote pour toutes les composantes d’une liste unitaire. Il faut tenir compte de l’électorat et de nos interlocuteurs. Si on veut que les choses bougent, le NPA doit bouger. Sinon, on ne sortira jamais du duo NPA/PCF où chacun cherche à mettre l’autre au pied du mur. »

Alors, les "mino" du NPA comptent sur la consultation interne des adhérents pour inverser le rapport de force du CPN, jusqu’ici hostile à des listes largement unitaires où chacun pourrait faire le choix de sa participation ou non à des exécutifs régionaux à majorité socialiste. Mais, pour la première fois depuis la création du NPA, une partie de la direction se prononce pour ne pas faire de cette condition un préalable au regroupement de toutes les forces de la gauche de gauche.

Ainsi, des têtes de liste aux dernières européennes ont fait connaître leur volonté de faire un pas vers le PCF, comme Christian N’Guyen ou Omar Slaouti. Ce dernier se dit en effet convaincu que « les militants du PCF que l’on croise dans les luttes ont envie de faire un bout de chemin avec nous ». Selon Slaouti, « il y a aujourd’hui au NPA deux appréciations des opportunités actuellement offertes par le Front de gauche : ceux qui, à juste titre, estiment que Marie-George Buffet nous ferme la porte, et ceux qui estiment que, malgré tout, nous avons une responsabilité collective à assumer. Même si je condamne l’attitude du PCF, je pense qu’il faut répondre à la volonté unitaire de la base ».

Autre membre de la majorité et militante de Jeudi noir, Leïla Chaïbi veut croire que les aspirations de cette base militante du NPA sont différentes de celles de la direction autour d’Olivier Besancenot : « Le PCF ne veut clairement pas de nous, mais ce n’est pas une raison. On espère maintenant que les "puristes" sont surreprésentés dans le conseil politique national et que le scrutin interne sera l’occasion pour les militants du NPA de faire pencher la direction, qui tente encore aujourd’hui de faire l’équilibriste entre les radicaux solitaires et les unitaires, en faveur de listes communes. »

Si le NPA décidait de partir seul aux régionales, elle et ses amis réunis dans le collectif L’Appel et la pioche se demanderaient « si on ne s’est pas trompés de parti. Les luttes, toujours les luttes, c’est bien, mais on n’a pas foncièrement besoin du NPA pour cela. A un moment donné, il faut bien offrir un débouché politique au mouvement social… »


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