Délinquance des mineurs : des propositions de Ségolène Royal sans lien avec la réalité (par Trait d’Union le 11 octobre 2006)

mercredi 18 octobre 2006.
 

Depuis ses déclarations de Bondy, Ségolène Royal a confirmé à plusieurs reprises sa proposition de placer les jeunes dès le premier acte de délinquance dans des structures d’encadrement à dimension militaire. Outre que cette proposition a été dénoncée comme aberrante par la quasi totalité des associations de lutte contre la délinquance, aucun média ne s’est vraiment demandé ce que cette proposition signifierait réellement, ni si de telles expériences n’avaient pas déjà été tentées. C’est ce retour aux réalités que nous proposons dans l’analyse suivante, qui montre non seulement que cette proposition serait totalement impraticable, mais aussi qu’elle a déjà été expérimentée à plus petite échelle avec des résultats calamiteux.

Rappel de la proposition de Ségolène Royal

« Si l’on veut donner une nouvelle chance aux jeunes, au premier acte de délinquance, il faut des systèmes d’encadrement à dimension militaire. » Ségolène ROYAL, Bondy le 31 mai 2006 - AFP

Nombre de jeunes primo délinquants concernés

60 000 mineurs délinquants sont présentés chaque année au juge des enfants (sur 80 000 affaires traitées par les tribunaux pour enfants, en raison du fait que certains passent plusieurs fois dans l’année). Sur ces 60 000, 80 % sont primo délinquants et ne repasseront d’ailleurs pas devant le juge des enfants (ce qui veut dire au passage que les solutions éducatives et pénales existantes sont assez efficaces pour éviter la récidive juvénile, pour peu qu’on y mette les moyens). Cela fait 48 000 mineurs concernés par un « premier acte de délinquance » chaque année.

Conséquence de la mesure sur la population en milieu fermé

Un système d’encadrement à dimension militaire étant par définition fermé ou semi fermé, la proposition de Ségolène Royal conduirait donc à placer en milieu fermé 48 000 mineurs par an.

Aujourd’hui 2 650 mineurs en moyenne sur l’année sont placés en milieu fermé : 2 000 en foyers (foyers classiques ou centres éducatifs fermés) et 650 en prison.

La proposition de Ségolène Royal conduirait donc à multiplier par 18 le nombre de jeunes placés en milieu fermé. Compte tenu du coût de journée d’un jeune placé en milieu fermé (entre 300 et 700 euros par journée et par jeune en moyenne), cela nécessiterait un investissement totalement démesuré. Il faudrait en effet créer ex-nihilo quasiment autant de places en milieu fermé qu’il en existe aujourd’hui en prison.

Rapporté à la population carcérale du pays (59 000 détenus), cela conduirait ainsi au quasi doublement de la population retenue en milieu fermé en France.


Une expérience qui a déjà échoué

De 1986 à 2004 ont existé des centres militaires de réinsertion de jeunes délinquants. Ils étaient gérés par l’association JET (« Jeunes en Equipes de travail ») fondée en 1986 par l’amiral Christian Brac de La Perrière avec le soutien des ministres RPR de la justice et de la défense de l’époque.

Un bilan de cette expérience est présenté dans un rapport parlementaire du 10 juillet 2003 des sénateurs Michel PELCHAT et Jean-Pierre MASSERET sur l’expérimentation du soutien militaire à l’insertion des jeunes.

Quatre centres étaient destinés à recevoir :

- soit des jeunes majeurs condamnés à de la prison et orientés vers ces centres par le juge

- soit des jeunes mineurs orientés vers ces centres par le juge des enfants

Le dispositif consistait en une période de 4 mois sous encadrement militaire permanent dont 3 mois sans visites ni téléphone. Cette période était consacrée à des activités physiques, de travail et de formation générale.

Au total 5 800 jeunes sont passés par ces centres. Les résultats sont particulièrement peu concluants :

- le tiers des détenus majeurs ne terminent pas le stage, notamment du fait des nombreuses expulsions ou évasions

- le taux de réinsertion sociale et professionnelle des majeurs deux ans après la sortie est à peine de 45 %. 20 % sont même à nouveau condamnés à de la prison

- pour les mineurs, 60 % des jeunes passés dans ces centres seraient retombés dans la délinquance.

Citation du rapport parlementaire : « les armées mettent en avant la faiblesse des résultats obtenus »

Cette expérience sera ainsi abandonnée, tout simplement en raison de son échec.


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