Nouvelle victoire électorale de la gauche en Amérique latine : l’Equateur (28 novembre 2006)

mardi 28 novembre 2006.
 

Le second tour de l’élection présidentielle vient de se dérouler en Equateur. Entre d’une part Alvaro Noboa ( richissime représentant de Bush et du capitalisme financier transnational), d’autre part Rafael Correa ( un proche d’Hugo Chavez et de la gauche radicale latino-américaine), les Equatoriens ont choisi ce dernier.

Trois estimations à la sortie des urnes créditaient le candidat de gauche de 56,9% des voix et près de quatorze points d’avance sur son rival. Vers 17 heures, le décompte officiel et partiel des votes lui accordait 68% des voix sur 47% des bulletins.

D’immenses concerts de klaxons et d’intenses moments collectifs d’enthousiasme ont salué ces résultats. Rafael Correa a préféré fêter sa victoire à Guayaquil, au son de musiques consacrées au Che Guevara.

"Nous avons réussi à vaincre les carnets de chèques les plus gros et les gens peu scrupuleux de ce pays", a-t-il déclaré.

Il est évident que cette victoire venant immédiatement après celle du Nicaragua, renforce la gauche latino-américaine et au sein de celle-ci le courant le plus radical autour de Chavez ( Vénézuéla) et Morales (Bolivie).

Dans l’attente des résultats définitifs, nous reproduisons ci-dessous notre analyse du premier tour, mise en ligne à ce moment-là sur notre site.

1) Le premier tour de la présidentielle équatorienne

Les 19 200 000 électeurs équatoriens étaient appelés aux urnes ce dimanche 15 octobre pour élire leur président, vice-président, 100 députés, 5 membres du parlement andin, 67 conseillers provinciaux et 674 conseillers municipaux.

Les résultats complets de ce premier tour ne sont pas encore connus mais permettent un premier bilan :

- le premier parti du pays, le Parti Social Chrétien (droite libérale et conservateurs traditionnels) avait présenté une ex-journaliste télé populaire, Cynthia Viteri, présentée par tous les médias comme jeune (40 ans), belle et blonde. Soutenue par des personnalités politiques influentes comme l’ex-président Leo Febres Cordero, elle a mené une campagne de communication sur son image ; elle n’arrive qu’en quatrième position avec probablement moins de 10% des suffrages.

- Qui a attiré une grosse partie de l’électorat de droite ? le candidat libéral-populiste Alvaro Noboa, magnat de la banane, homme le plus riche du pays (plus d’un milliard de dollars), patron de 110 compagnies. Il a mené campagne sur les bienfaits de l’économie de marché, pour un accord de libre-échange avec les Etats Unis, fait des promesses mirobolantes comme la construction de 300000 logements par an achetables par un versement de 40 euros mensuels. Il a également distribué des vêtements, médicaments,nourriture, ciment... Il va terminer en tête de ce premier tour avec environ 26%.

- Le processus de glissement des voix vers le candidat le plus radical s’est retrouvé à gauche. Léon Roldos, ancien vice-président et réputé pour son intégrité, socialiste modéré, soutenu par la coalition de gauche majoritaire du dernier scrutin, dont la Gauche démocratique (un des premiers partis du pays), avait commencé la campagne en tête des sondages. Il la termine en troisième position et environ 15% des suffrages.

- C’est Rafael Correa (environ 22,5%), soutenu par le mouvement Pachakutik ( Nouveau Pays) qui disputera le second tour face à Noboa. Il rejette tout accord de libre-échange avec les Etats Unis, veut rompre les liens de l’Equateur avec le FMI, veut renégocier les contrats des multinationales en particulier dans le secteur énergétique. Il est vécu par la droite américaine comme plus radical que Chavez ; Correa le lui rend bien en plaisantant sur le fait que la comparaison de Chavez à l’ONU entre Satan et Bush n’est pas flatteuse pour Satan car le président américain est "extrêmement stupide". Son mouvement n’a pas présenté de candidat aux législatives car, s’il est élu, il veut engager un processus constituant.

2) Ces résultats traduisent la crise profonde de l’Equateur

Depuis une vingtaine d’années, l’Equateur vit une crise économique, sociale, nationale et institutionnelle grave. Le pays a connu sept présidents en dix ans. Les trois derniers présidents élus ( Abdala Bucaram, Jamil Mahuad, Lucio Gutierez) n’ont pu terminer leur mandat.

Pourtant, les Etats Unis et le FMI ont soumis l’Equateur à des diktats libéraux exemplaires : budget "austère et équilibré", remboursement de la dette extérieure, "ajustement" des salaires, "amélioration de la compétitivité" du pays par des privatisations... A cela s’ajoute une corruption galopante et la fraude bancaire au détriment des petits épargnants.

Une telle politique a provoqué l’effondrement de l’économie équatorienne par rapport aux autres économies andines : chômage, exode rural, dégradation de l’environnement dans toutes les provinces, concentration des terres aux mains des plus riches, percée des multinationales dans de nombreux secteurs comme l’hôtellerie, aggravation de l’échange inégal, réduction au minimum du rôle de l’Etat ( en particulier dans l’éducation et la santé).

La (lente) montée du mouvement social et de la gauche anti-capitaliste en Amérique latine depuis 1994 s’est d’abord concrétisée en Equateur par la victoire du NON en 1995 lors d’un plébiscite sur les privatisations et les réformes politiques. Sur la lancée de ce NON, fin 1995, la Confédération des Nations Indigènes d’Equateur a proposé aux autres mouvements sociaux du pays la constitution d’un front unique social et politique : Pachakutik (Nouveau Pays). Personne ne pensait alors que ce mouvement allait remporter une élection présidentielle.

Je complèterai cet article dès connaissance des résultats complets du 2ème tour.

Jacques Serieys


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