31 octobre 1961 : Fatima Bedar, collégienne, noyée par la police, est retrouvée dans le canal Saint Denis

lundi 4 novembre 2024.
 

Pour comprendre dans quelles conditions Fatima a été noyée, vous pouvez lire notre article en cliquant sur le titre ci-dessous :

17 octobre 1961 : Horrible massacre d’Algériens immigrés à Paris par la police française

1) Témoignage du petit frère et de la petite soeur de Fatima

Ce soir, Fatima n’est pas à la maison. Adolescente à la longue chevelure très brune, toujours bien habillée. Fatima a 15 ans depuis le mois d’août. Elle est née en Algérie, à Bejaïa (Bougie durant la colonisation française). C’est à l’âge de 5 ans qu’elle est venue en France, avec sa mère. Son père, Hocine, est ouvrier à Gaz de France. Fait prisonnier en 1940, il s’est évadé et a participé à la campagne d’Italie. Il a été démobilisé en 1945. En France, Fatima a eu deux sœurs et un frère. La famille a d’abord habité Sarcelles et, cette année, elle vient de s’installer à Stains.

Fatima est l’aînée. Elle aide beaucoup sa mère à la maison, s’occupe des plus petits. Aux yeux de sa sœur, Louisa, elle fait figure de véritable femme. Souvent, elle accompagne son petit frère, Djoudi, à l’école maternelle. Il est émerveillé par ses gros dictionnaires. Elle est élève du collège commercial et industriel féminin, rue des Boucheries, à Saint-Denis.

Ce matin, Fatima et sa mère se sont vivement disputées. Les parents de la jeune fille ne voulaient pas qu’elle aille aux manifestations. Le ton monte : sa mère, très énervée, a jeté quelque chose dans sa direction. Elle a voulu retenir sa fille. Louisa a vu sa grande sœur partir en courant. Ni le lendemain ni les autres jours Fatima ne reviendra à la maison. Chaque matin, son père partira de bonne heure pour la chercher.

Souvent, sa mère emmènera Djoudi dans les rues de Stains, à sa recherche. Et puis, un soir, le père rentrera à la maison, le cartable de Fatima à la main. Le 31 octobre, on retrouvera le corps de Fatima, noyé dans le canal de Saint-Denis.

Qui a tué Fatima Bédar ? On ne le saura jamais. Mais ce que l’on sait, c’est qu’au commissariat de Saint-Denis au poste de police de Stains, dépendant de Saint-Denis, des policiers avaient, depuis des semaines, pris l’habitude de jeter les gens dans le canal et dans la Seine.

(1) Témoignage de Djoudi Bédar, le 12 décembre 1987, et de Louisa Bédar, le 29 janvier 1988

Enquête El Moudjahid

2) Jetée à la Seine le 17 octobre 1961

Née à Bejaïa, en petite Kabylie, Fatima était la fille d’un ouvrier à Gaz de France, Hocine Bedar. Cette élève au Collège commercial et industriel féminin, rue des Boucheries, à Saint-Denis, avait 15 ans lorsqu’elle fut noyée, le 17 octobre 1961, par la police, comme de nombreux Algériens.

La jeune collégienne avait de qui tenir. Son père, Hocine Bedar, mobilisé au début de la seconde guerre mondiale, a été fait prisonnier en 1940. Le jeune soldat s’évade, rejoint le forces françaises et participe à la libération, dans la campagne d’Italie, puis en France, au sein des tirailleurs algériens, avant d’être démobilisé en 1945.

A la Libération, Hocine Bédar, qui s’installe à Stains, puis à Sarcelles, fait venir sa famille, avant que la guerre d’Algérie ne le rattrape. Fatima avait cinq ans à son arrivée en France. Elle grandit au sein d’une famille de militants nationalistes, son père milite à la fédération de France du FLN.

Cette jeune fille n’avait rien d’une avant-gardiste, d’une militante née avant l’heure. Mais quand le FLN lance son appel à une manifestation pacifique, elle brave l’interdit parental pour y prendre part.

Faisant mine de se rendre au collège, emportant avec elle son cartable, la jeune fille se rend à la manifestation. Elle n’en reviendra jamais. Le 31 octobre 1961, on retrouvera le corps de la jeune collégienne noyé dans la canal de Saint-Denis.

A l’instar de nombreux Algériens, elle a été victime de la répression ordonnée par Maurice Papon. « Mon père a combattu pour la France durant la seconde guerre mondiale, on lui a enlevé sa fille » a déclaré, samedi, Djoudi, le frère de Fatima. C’est dire.

Hassane Zerrouky

Article L’Humanité


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