Primaires pour les présidentielles, désistement de 2ème tour, régionales... ( Entretien avec Jean-Luc Mélenchon dans L’Humanité)

dimanche 6 septembre 2009.
 

Le président du Parti de gauche propose à ses partenaires de « faire un seul paquet de la question des scrutins régional, présidentiel et législatif » face au dispositif qui s’organise « autour du Parti socialiste et du MoDem ».

Que pensez-vous du ralliement de Martine Aubry, la secrétaire nationale du PS, au principe des primaires ?

Jean-Luc Mélenchon. Il y a des débats plus urgents face à la crise. Reste que le PS se doit de préciser s’il entend organiser les primaires entre ses membres – ce qui ne regardera que lui –, ou instaurer ce système électoral entre toute la gauche ? Cette option-là me semble très dangereuse. Outre la complexité à le mettre en œuvre, le mécanisme des primaires constitue une machine à diviser. Car, habituellement, en présentant des candidats de gauche séparés, le premier tour de la présidentielle sert aux uns et aux autres à formuler des propositions face à la droite. Là, les primaires instaureront une confrontation des candidats de gauche les uns contre les autres. Quel cadeau pour la droite ! De plus, avant le vote pour ces primaires, serait encouragée une surenchère permanente des ego, du type de celle que nous constatons actuellement au Parti socialiste. Enfin, ce système est une machine à niveler vers le plus petit commun dénominateur. Cela déplace le centre de gravité de la gauche complètement vers le centre gauche, voire vers le centre droit, comme ce fut le cas en Italie, avec le résultat désastreux que l’on sait.

Vous rappelez dans Le Monde (1) que votre parti souhaite que « l’autre gauche » présente des listes autonomes au premier tour des élections régionales. Pouvez-vous développer cette position ?

Jean-Luc Mélenchon. Précisons ceci : nous ne partons pas de rien. Le Front de gauche est un acquis par rapport à la prochaine échéance. C’est un bien précieux que nous devons enraciner et élargir. Se pose donc à présent la question de l’intégration du NPA à cette coalition. Et, plus largement, son élargissement aux personnalités du monde syndical, intellectuel ou associatif. C’est cette proposition que je formule pour les régionales. Pour moi, présenter des listes autonomes au premier tour est un bon moyen pour faire valoir les propositions de l’autre gauche et ne pas se laisser embarquer dans les aventures des socialistes avec le centre. Notre objectif doit être d’impulser une dynamique populaire, pas de cautionner des combines politiciennes. Donc, compte tenu de l’évolution du paysage politique, il est temps d’aller plus avant.

Qu’entendez-vous par là ?

Jean-Luc Mélenchon. L’initiative du PS en faveur de l’organisation de primaires est une machine à marginaliser le Front de gauche et, plus généralement, l’offre politique de l’autre gauche. Nous sommes donc devant une situation nouvelle. Je propose aux composantes du Front de gauche d’être à la hauteur du défi. C’est le moment d’affirmer un Front durable pour être attractifs. Soyons proposants. Faisons entre nous un seul paquet de la question des scrutins régional, présidentiel et législatif. Ainsi, nous formulerons vraiment une proposition alternative à l’autre paquet que constitue l’alliance à la carte aux élections régionales, les primaires et l’alliance au centre.

Votre proposition de « prendre dans un seul paquet les élections régionales, présidentielle et législatives » sera-t-elle mise en discussion ce week-end, lors de votre « remue-méninges », à Clermont-Ferrand, où sont invités des dirigeants du PCF, du NPA et de la Gauche unitaire ?

Jean-Luc Mélenchon. Nous préciserons évidemment les contours de cette proposition. J’estime que, en face du dispositif qui est en train de s’organiser autour du Parti socialiste et du MoDem, notre responsabilité au Front de gauche est considérable. C’est notre devoir de faire une proposition constructive. Les partis du Front de gauche et ceux qui accepteraient de s’y associer pourraient ainsi s’entendre sur une plate-forme commune englobant les trois étapes électorales. Très concrètement, je propose qu’ensemble nous annoncions que nous sommes d’accord pour présenter des candidats communs pour les listes régionales, avec les têtes de listes, et des candidats communs à la présidentielle et aux législatives. Cette proposition commune pourrait être soumise au vote de nos adhérents respectifs.

En reprenant dans Le Monde la formule de « fusions techniques » au second tour des régionales, n’est-ce pas une manière de vous rallier au NPA, qui conditionne l’union au refus des responsabilités dans la gestion des régions de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon. Précisons : ce qui d’emblée est un principe incontournable, c’est que les listes de gauche doivent se désister au second tour pour celles qui arrivent en tête. Le parti qui tournerait le dos à cette obligation d’alliance devrait être fermement combattu à gauche. Ceci dit, dans le camp de l’autre gauche, nous sommes confrontés à la position du NPA, qui ne veut en aucun cas participer aux exécutifs, et à celle du PCF, qui estime que cette question se juge programme à la main. Il faut donc chercher à rapprocher ces deux points de vue. C’est ce que je voudrais faire. Cela implique que le NPA ne pose pas de préalable à la discussion. Il faut limiter les divergences et amplifier les convergences. Pas le contraire ! Nous devons donc discuter sérieusement des positions de chacun, ne pas les contourner ou les régler par médias interposés. Aucun défi n’est insurmontable si le but est bien d’être le plus efficace possible face à la droite.

Entretien réalisé par Mina Kaci

(1) Le Monde du 27 août 2009.


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